La pâtisserie, c'est de l'art, pas du cochon - Libre

Il y a quelques jours de cela, nous avions eu un appel à la pâtisserie, un appel qui m'avait paru un peu bizarre, mais qui au fond, ne l'était pas tant que ça quand on y réfléchit bien. Qui de mieux placer pour parler de la pâtisserie que des pâtissiers ? Personne n'était mieux placé que nous, alors il fallait faire un choix. Nous sommes quatre à gérer la pâtisserie pour le moment, une nouvelle va voir le jour d'ici le mois d'octobre, il y a donc beaucoup de boulots à pourvoir, et celui qui va se coltiner cette intervention ne pourra pas l'avancer. Tout cela s'est donc joué à la courte paille et devinez qui a perdu ? Et bien c'est moi, la plus timide du lot, mais j'acceptais mon sort, et j'osais espérer qu'il me soit favorable. La charte de l'intervention n'était pas du tout précise à vrai dire, j'allais devoir parler de ma passion qui était aussi mon métier donc, sans plus de précision. Je devais donc donner envie à des élèves de devenir pâtissiers, enfin, pas forcément que des élèves, parce qu'en réalité, cela était ouvert à tout le monde, pas seulement aux étudiants, choses que je ne savais pas mais que j'allais constater. C'était en vérité une sorte d'initiation à la pâtisserie, parce que mine de rien, ce n'est pas si répandu que cela par ici. Alors, je me préparais soigneusement pour donner envie à tous, en apportant quelques unes de mes créations, ainsi que de nombreux pains aux chocolats, des croissants et des éclairs pour nourrir ceux qui seront là.

▽ Atelier pâtisserie ▽

Nicola L. Fasano & Cassandre L. Cooper

Nous avons reçu il y a quelques jours une notification d'application, installée par et pour la ville, sur nos smartphones. Elle nous informait qu'un atelier pâtisserie serait tenu chez les pâtissiers, cette semaine et plus précisément : aujourd'hui. L'âge n'étant pas spécifié, j'en ai donc profité pour emmener mon fils, espérant qu'il n'y ai pas un âge minimum. Du haut de ses 9 ans, il est bien trop petit pour savoir ce qu'il veut faire dans la vie. Alors, je l'aide, je lui fais découvrir plein d'univers. Une fois nous avons visité une caserne de pompiers et il était plus qu'aux anges. Mais rien ne l'intéresse vraiment, ou plutôt : tout l'intéresse. Il ne sait pas quoi choisir et grand bien lui en fasse, il a encore le temps de choisir. Nous sommes donc en chemin pour voir exactement de quoi il s'agit, mais quoi qu'il en soit, une journée avec mon fils n'est jamais une journée perdue. Au pire, nous ressortirons avec de la farine sur le nez. Je suis heureux de partager ce moment avec lui et vu la pipelette qu'il est depuis ce matin, j'imagine très bien que lui aussi est heureux. ▬ Alors tu es pressé de faire des gâteaux ? ▬ Oui, oui, oui !! Et papa, j'aurais le droit de les manger ? Non, je ne veux pas les manger, je veux te les donner à toi. Et on en fera un en forme d'ange pour maman ? Hein, dis papa ? Et je veux goûter à tout ! Wahou regarde papa, c'est là ! Effectivement nous étions arrivés. Mais je repensais à ce que Fallon venait de dire... Un en forme d'ange "pour maman"... Ce gamin ne cessera jamais de me surprendre. Oui, nous en ferons un en forme d'ange pour ta maman mon garçon. C'est une promesse que je me suis faite à moi-même. Et même si ce n'est pas le sujet de l'atelier d'aujourd'hui, je me promets que j'irais acheter en sortant d'ici des moules à gâteaux en forme d'ange, et je lui en ferais faire à la maison. Je sais que ce n'est pas forcément bon pour son éducation, mais quoi que Fallon veut, Fallon obtient. C'est un peu comme une devise. Mais j'ai de la chance, ce n'est pas un enfant capricieux, il connait les limites à ne pas franchir. Par contre, c'est une vraie pile électrique, et je peine à le retenir quand il voit la devanture de la pâtisserie, ornée de gâteaux divers en vitrine. Une toute petite affiche dans un coin nous indique que c'est la bonne adresse, le bon jour, et surtout la bonne heure. Mais toujours aucune indication sur l'âge minimum.. Je regarde Fallon, hausse les épaules, et pousse la porte en lançant un ▬ Bonjour ?! un peu hésitant. Comment est-ce qu'on doit se présenter pour ce genre d'atelier ? Une personne se tient à l'entrée, ça m'arrange. Je lui fais un grand sourire, et lui demande poliment ▬ Ah bonjour. Nous venons pour l'atelier pâtisserie de l'affiche... Est-ce que mon fils peut participer ? Je fais un geste de la main en direction de Fallon qui regarde la personne avec un grand sourire style "sourire freedent". J'aime mon fils, et encore plus quand il essaie d'amadouer les gens avec son visage d'ange. Un vrai chat potté !

code by PANICK!ATTACK

" Bonjour. Bienvenue à vous deux. Votre fils peut participer bien entendu, si vous êtes là, ça ne pose pas de soucis. "

" Dis moi bonhomme, tu t'appelles comment ? Tu as envie d'être mon sous-chef pour aujourd'hui ? "

Jamais on n'aurait associé Leo et pâtisserie, mais en fait, quand on y réfléchit un peu, ça tombe sous le sens.

D'une manière tout à fait innocente ;
"Un atelier de pâtisserie... Y aura forcément à manger non ?"

Oui. Il est plus là pour profiter des viennoiseries et des préparations d'exposition que pour réellement apprendre à en faire. Plonger son gros museau dans les récipients de chocolat et fourrer ses pattes toutes sales dans les pots à crèmes, mm mm, c'est l'top.
En fait, c'est la gratuité de l'activité qui l'a poussé à faire acte de présence. Là dans la petite foule qui se bouscule pour mieux sentir les effluves de cacao et de farine, le chat s'intercale entre deux enfants, l'air de rien et sans pression. D'habitude il aurait l'air un peu fatigué parce qu'il dort peu, mais on peut clairement voir la flamme de l'intérêt dans ses yeux illuminés.

Aujourd'hui il est un enfant, lui aussi.

(...)

"... C'est une stagiaire ?"

La timidité de celle qui s'occupe d'ouvrir la marche est flagrante comme un drapeau blanc secoué en pleine guerre de tranchées. Elle a l'air d'avoir les mains neuves, celles qui n'ont pas encore été en contact sérieux avec les couteaux et les bistouris de cuisine. En plus son visage ingénu laisse penser qu'elle-même ne sait pas ce qu'elle fait là. Mais on dit qu'il ne faut pas se fier aux apparences (il en est la preuve vivante lui aussi). Il apaise son jugement sévère quand la demoiselle se penche auprès d'un gamin pas plus haut que trois pommes, pour lui proposer de régaler la galerie. Leo observe la scène d'un œil silencieux et toute remarque gardée dans son sac des phrases inutiles.

"Bon, on commence bientôt ?" se lit sur sa face comme si son ventre se mettait déjà à grogner.

" Bonjour à tous, merci d'être venu aujourd'hui. Je me présente, je m'appelle Cassandre, c'est moi qui va vous présenter comment faire un peu pâtisserie aujourd'hui. Vous aurez l'honneur d'être également en compagnie de notre charmant James ici présent qui sera mon sous-chef. "

" Mais dis moi James, qu'est ce que tu veux déguster aujourd'hui ?
- Des gâteaux !
- Tu pourrais être un peu plus précis ?
- Des pains au chocolat !
- Très bien, alors préparons ça, tu veux bien m'aider ?
- Oui, bien entendu. "

Il a même pas écouté comment elle s'appelait, la stagiaire. Tant pis, il l'appellera comme ça. De toute façon il semble que la foule devra se coltiner cette fille pendant les prochaines heures à venir. (Ce serait pas mieux justement d'apprendre son nom ? T'es pas d'accord avec moi ?)

C'est pas grave, Leo tout ce qu'il veut c'est...

"Alors, comment ça se passe ? Et puis on cuisine quoi ?"

Il demande à un voisin mais c'est un haussement d'épaules qui lui répond. Ah, bien.
Entre temps il comprend qu'un gosse s'est fait canonisé second de la chef cuisto.

"Je veux que James m'apprenne à faire un cupcake au chocolat."

C'est pas de bol aujourd'hui on fait des petits pains. Des quoi ?

"C'est pas français ce truc ? J'en ai jamais mangé d'ma vie."

En vrai Leo il a pas mangé grand-chose pendant ses vingt-deux années d'existence. Des bouts de trottoir, la truffe dans le fond des sachets de commandes au Burger King, les pizzas qu'on réduisait de 80% parce que personne d'autre n'en voulait. Il a tout gouté, de la pire crasse au met de charité laissé par un bobo qui a besoin d'assouvir sa bonne conscience. Mais jamais des pains au chocolat.

On met les toques de cuisto et le tablier ? Tout le monde commence déjà à se mettre par paires pour aller à un des plans de travail disséminés dans le grand atelier. Bien sûr, Leo le chat est seul.

"Je veux travailler avec James." Oui mais... "Il faut que je demande à la stagiaire."

Leo la scrute, spatule à la main, avec un regard plus qu'inquisiteur.

" Venez avec nous, on peut être trois, cela ne pose pas de soucis, à moins que vous ne préfériez être avec quelqu'un d'autres, c'est comme vous préférez. "