Aylan | But sorrow knows how to swim

You can drink to drown your sorrow

Les escaliers tanguaient dangereusement, mais ça ne faisait pas peur à Aslan. Non, lui il était devenu invincible, la preuve : il s’était ouvert l’arcade en trébuchant sur un trottoir et en se rattrapant à un poteau à l’aide de son visage, et il n’avait rien senti du tout. Alors, c’était pas des escaliers qui bougeaient un peu qui allaient lui faire peur. De toute façon, il n’avait pas le choix, il n’avait pas réussi à faire venir l’ascenseur. Il avait appuyé plusieurs fois sur le bouton, mais bizarrement, ça n’avait fait qu’allumer et éteindre la lumière du hall.
Alors, déterminé, il commença à monter les premières marches.
Maintenant qu’il y pensait, il avait été stupide de s’abstenir de boire de l’alcool toutes ces années, juste par précaution. A l’évidence, ça ne risquait rien : il avait l’alcool joyeux. Il fallait croire que c’était vrai, l’alcool noyait le chagrin. Il avait d’ailleurs probablement déjà découvert ce secret pendant son adolescence, mais il n’y avait pas touché depuis si longtemps qu’il l’avait oublié. Et dire qu’il aura fallu perdre Harmonie pour s’en rendre enfin compte. Et dire qu’il avait failli rentrer chez lui directement après le travail, pour s’enfermer une nouvelle fois avec sa peine, au lieu de passer une super soirée à raconter sa vie à des gens qu’il ne connaissait pas tout en leur payant des verres. Ouais, vraiment : heureusement qu’il avait changé d’avis. Il avait même rencontré un type qui ressemblait à Dave Grohl mais qui n’avait aucune opinion sur les vrais coupables de la mort de Kurt Cobain. Fou.  
Son pied trébucha sur une marche, il retrouva l’équilibre de justesse en s’accrochant à la rembarde d’escalier. Ce truc était vraiment une super invention. S’il trouvait le mec qui avait eu l’idée, il lui payerait bien un verre, tiens.  
Continuant son ascension, il dut s’arrêter un instant, sur le point de vomir. Mais le haut le cœur passa, et il reprit sa marche joyeusement, chantonnant avec un accent à couper au couteau. « Quaaand il me prend dans ses braaas, il me parle … TOUT BAAAS… » C’était son petit hommage nocturne à sa meilleure amie. Il ne savait même pas si elle avait aimé Edith Piaf, mais c’était français, alors son esprit embrumé en concluait que oui.
Il arriva sur le palier, chercha ses clés dans ses poches pendant longtemps. Et puis, une fois trouvées, il s’évertua à les glisser dans la serrure. Punaise, ils étaient obligés de faire ces trous aussi petits ? La clé n’arrêtait pas de glisser à côté ! Mais, au bout de quelques minutes, il réussit à l’insérer. La victoire n’était plus très loin. Son lit non plus. Seulement, elle refusait maintenant de tourner. Dans un sens comme dans l’autre. Il insista calmement pendant une minute, avant que la colère ne s’empare soudainement de lui. « Allez, porte de merde ! » Il lui donna un coup de poing avant de la dévisager longuement, la colère et la tristesse se mêlant à ses traits. Cela faisait tant d’années qu’il l’ouvrait et la fermait. Il l’avait bichonné. Il avait même graissé ses gonds quelques mois auparavant. On pouvait le dire au fond, ils avaient eu une relation presque fusionnelle. Comment pouvait-elle le regarder dans les yeux aujourd’hui et refuser de s’ouvrir ? Elle voulait qu’il retourne dormir dans la rue, c’était ça ?! Enervé par l’idée, il lui donna un coup de pied. Et puis, finalement, sa colère s’évapora comme elle était venue. S’il était une porte d’entrée et qu’on lui parlait sur ce ton, lui aussi refuserait probablement de s’ouvrir. Alors, il changea de technique, et sa voix s’adoucit. « Allez je te parle super gentiment, il faut s’ouvrir maintenant. », dit-il en caressant son bois.

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La grande blonde rentrait d'une soirée au profit des enfants malades. Le genre d'endroit où tout le monde sourit et s'empresse de plaindre "ses pauvres petits"... Mais ce beau monde vient surtout dans ces endroits égoïstement, pour se faire voir. Le champagne et les petits fours ont coulés à flot, les rires faussés se sont mélangés à l'orchestre... Cela débecte Ayleen mais elle sait que c'est le jeu... Elle même se laisse embarquée dans cette spirale. Ce soir là, sa robe est probablement un peu trop courte et ses talons trop fantaisies, peu importe. Elle repense à cette soirée qui a tout de même permis de récolté une belle somme pour cette cause.

La danseuse paie le chauffeur et sort du taxi qui l'a raccompagné. Elle entre dans l'immeuble lorsque une voix connue se fait entendre. Lui. Il... chante ? Elle n'arrive pas vraiment à distinguer les mot. Elle consulte son téléphone portable en attendant l'ascenseur, priant pour ne pas le croiser. Au bout de quelques instants, il semblerait que ce dernier n'arrive pas, elle n'entend plus de bruit dans la cage d'escalier. Résignée, elle enlève ses talons hauts pour pas faire de bruit et commence son ascension. Elle espionne le pallier d'Aslan, personne. Soulagée elle se dépêche de passer. Entre les deux étages, elle sursaute. Sa voix en colère, un bruit sourd. Elle s'avance un peu plus pour assister au spectacle. Merde. Il est là, et il a l'air d'avoir passer une bonne soirée. Elle reste bloquée au milieu des marches. A sa grande surprise, il semble se radoucir. Il se met alors à parler gentiment à la porte. Mais qu'est-ce qu'il fout ? Elle hésite. Partir ou rester ? Se cacher ou l'affronter ? Cette fois, elle opte pour la seconde option.

La blonde glisse la main dans sa pochette et attrape sa bombe lacrymogène. Elle remet ses talons pour avoir plus de hauteur et monte bruyamment les six marches restantes. "Je peux savoir ce que tu fais ?" Loin d'être sûre d'elle, elle tente de ne pas se laisser démonter. "Soit t'essaies de rentrer par effraction chez moi, soit tu t'es gouré d'étage. Dans les deux cas t'as intérêt à avoir une bonne explication."

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A sa grande surprise, la porte lui demanda sèchement ce qu'il faisait. A la fois impressionné et effrayé, il s'en décolla et recula d'un pas vacillant, se mettant en garde comme s'il s'apprêtait à lui faire une prise de karaté. « Wooooh... » Ça, vraiment, c'était pas commun. Même à l'époque où il s'arrachait la tête à l'héroïne, les objets ne lui avaient jamais adressé la parole ; et encore moins sur ce ton.
Et puis, elle parla à nouveau, et Aslan comprit que la voix venait de derrière lui. Il se retourna alors aussi vite que son état le lui permettait, pour se retrouver face à Elle. « Ayleeeeen ! Qu'est-ce que tu fais là ? » Il se pencha un peu, plissant les yeux pour mieux regarder la robe qu'elle portait. Il ne la connaissait pas – elle ne l'avait pas à l'époque où ils étaient ensemble. En même temps, ça faisait longtemps qu'ils ne l'étaient plus, n'est-ce pas ? Elle avait certainement eu le temps de faire du shopping une fois ou deux en sept ans. Sur cette conclusion, il se redressa, tanguant légèrement, avant de faire un léger signe en direction de la porte. « Je t'inviterais bien à entrer, mais la porte veut pas s'ouvrir, alors... » Il leva les yeux aux ciels d'un air entendu, mine de dire que, décidément, cette porte était une sacrée polissonne. Son regard se posa ensuite à nouveau sur la jeune femme qui lui faisait face. Il ne vit pas la bombe lacrymogène qu'elle tenait ; par contre, il finit par remarquer la façon dont elle le regardait. Bizarre, elle n'avait pas l'air aussi contente que lui de le voir. En fait, elle avait même l'air carrément mal. Inquiète. Alors, cherchant à comprendre, Aslan essaya de se rappeler ce qu'elle lui avait dit au moment où il avait été trop occupé à résoudre le mystère de la porte parlante pour écouter réellement les mots qu'elle avait prononcé. Cela demanda un effort supérieur à ce que son esprit ivre était capable de fournir, mais soudain, il compris – en partie en tout cas. « Oooh ! Je suis à ton étage ? » Ses yeux s'étaient écarquillés sous le choc de la réalisation, avant qu'il ne parte dans un long, très long fou rire. Il n'y avait pas à dire, l'alcool le rendait joyeux, mais surtout, il le rendait sacrément plus con que d'habitude.
Mais tout aussi soudainement, son fou rire se fana pour se transformer en un regard brouillé de larmes. Il ressemblait maintenant à un enfant auquel on venait d'annoncer le décès du père noël. « Mais... pourquoi tu as mis ma porte à la place de la tienne, alors ? » Il ne comprenait pas. Est-ce qu'elle lui en voulait encore tant que ça, pour lui faire une telle crasse ? Est-ce que c'était elle, et non pas la porte, qui voulait qu'il retourne à la rue ?

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Perchée sur ses talons hauts, elle observe le jeune homme. Il a l'air complètement perdu ou perché, ou peut-être même les deux. Il se positionne comme s'il voulait combatte avec la porte ou c'est elle qui hallucine ? Finalement, il se retourne et la reconnait. Elle est complètement déboussolée et ne sait pas quel comportement adopter. Il a clairement trop bu. Elle n'a pas peur, pas pour l'instant. Elle croise les bras et attend qu'il ait fini de faire son spectacle. Il ne comprend pas qu'il s'est planté d'étage ? Il se fout de sa gueule c'est pas possible autrement. Elle commence à perdre son sang froid et lâche de manière nonchalante : "Oh oui, méchante porte." Sans sourire, presque sans intérêt. Elle veut juste qu'il s'en aille et qu'elle puisse rentrer chez elle. Tandis qu'elle réfléchit à la manière d'arriver à ses fins, Aslan percute finalement. La situation n'est peut-être pas si désespérée. Quoique... Il se met à rire aux éclats. Elle ne peut empêcher sa lèvre de sourire légèrement. Son rire, sa bonne humeur, ça la transperce presque. Depuis qu'ils se sont revus, le climat était froid voire haineux. Mais là, il rit. Et consciemment ou inconsciemment, il semblerait qu'elle adore ça. Elle sort de ses pensées pour se rendre compte que sa folie résonne encore et encore dans les escaliers. Alors qu'elle s'apprête à poser sa main sur sa bouche pour le faire taire et ne pas réveiller les résidents, il s'arrête.
D'un coup, ses yeux se remplissent de larmes. Elle fait un pas en avant sans comprendre ce qui se passe. Puis, il s'explique. Elle a envie de le claquer. Mais pas une petite caresse sur la joue, non, une grosse baffe pour qu'il se réveille et sorte de son délire. Ce n'est clairement pas la meilleure des solutions, cela va sans dire. Tentant de garder son sang froid, elle s'approche de nouveau pour planter son regard dans celui du jeune homme. D'une voix posée et calme malgré le volcan qui bout en elle, elle s'adresse à lui.  "Ne t'inquiète pas Aslan. Personne n'a touché les portes. La tienne est juste en dessous, je vais te la montrer d'accord ?" Elle prend son poignet pour passer son bras autour de son épaule. Elle se demande comment il a réussit à monter, mais descendre un étage parait quasi-impossible dans son état. "On va avancer doucement et tu vas retrouver ta porte. Bien, pose ta main sur la rampe." Ils prennent les marches doucement, une à une. "C'est bien, on a fait la moitié. Tu vois, tu peux déjà la voir en bas. Coucou la porte d'Aslan." La douceur mélangée à l'épuisement de la situation lui font vraiment dire des conneries. Il ne reste que quelques marches quand tout à coup, Ayleen perd l'équilibre. Elle ne se rend pas vraiment compte de ce qui se passe, elle tente de s'accrocher à Aslan mais ce dernier est loin d'être stable. En une demi-seconde, elle se retrouve allongée sur le pallier d'Aslan. Sous Aslan ? Oui c'est bien ça. Elle le pousse de ses petits bras. "Bouge, t'es lourd. Ta porte est là."

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Elle avait planté son regard dans le sien, et soudainement, il lui semblait qu’ils étaient proches, très proches. Elle était aussi belle que dans ses souvenirs, c’est la première chose qu’il pensa. Elle se dédoublait – c’est la deuxième remarque plus ou moins pertinente qui émana de son cerveau alcoolisé. Ses yeux se perdirent le long de ses lèvres, comme si cela l’aiderait à mieux comprendre ce qu’elle lui disait. Sa voix était rassurante, ses mots aussi. Il acquiesça, l’air impressionné par son discours, et il se laissa alors faire, s'accrochant docilement à elle dans les escaliers. « Tu sens bon, Aylyyy », dit-il joyeusement, tanguant sur les marches. Une part de lui savait déjà qu’il serait mort de honte d’avoir dit des trucs pareils dès qu’il aurait un peu décuvé, mais en attendant sa bouche ne semblait pas en avoir grand chose à foutre, de ce qui se disait ou pas : elle parlait, c'était tout.
Quand elle salua sa porte, jouant visiblement le jeu, Aslan poussa une exclamation. « Ouiii c’est elle, je la reconnais ! » Il n’avait pas été aussi enthousiaste depuis le jour où le distributeur avait laissé tomber deux gaufres au chocolat au lieu d’une dans la salle de pause de l'hôpital.
Et puis, l'instant d'après, ils étaient par terre, l'un sur l'autre. Il n'avait même pas vu qu'ils allaient tombé. Il ne sentit pas non plus qu'elle essayait de le repousser, trop occupé à rire comme un abruti. Vraiment, il ne s'était pas amusé comme ça depuis une éternité.
Entendant les protestations de son ex petite amie, il roula sur le côté avant de se relever maladroitement pour aller se coller affectueusement à sa porte d'entrée. Il était vraiment très content de la revoir.
Après quelques secondes de retrouvailles, il se retourna, regardant Ayleen avec surprise. « Bah... qu'est-ce que tu fais par terre ? » Il avança d'un pas et lui tendit la main dans l'intention de l'aider à se relever, peu conscient du peu de foi que la plupart des êtres humains placeraient en quelqu'un ayant autant d'alcool dans le sang que lui.
Une fois celle-ci sur ses pieds*, il retourna vers sa porte pour regarder par son propre judas. « On dirait qu'il y a personne... » Il tourna à nouveau la tête vers la jolie blonde. Son expression avait changé. Il avait l'air sérieux, soudainement. Triste. « Tu sais... Je crois qu'Harmonie ne pensait pas ce qu'elle t'avait dit l'autre coup... » S'il avait passé une super soirée, le souvenir de son amie ne l'avait manifestement pas quitté une seconde. Elle était là, tout le temps. Le souvenir de l'altercation qu'ils avaient eu tous les trois aussi.
Reniflant, il jeta un dernier regard dans le judas, avant de tanguer à nouveau jusqu'aux escaliers. « Ben tu viens ? Faut récupérer ma clé dans ta serrure, maintenant qu'on a retrouvé ma porte... »

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A cette heure tardive et vu l'état du jeune homme, Ayleen ne fait même pas attention à sa remarque sur son odeur. Elle a l'habitude de croiser des gars un peu trop alcoolisés et un peu lourd. Tout deux au sol, il ne bougea pas de suite. Il rit, encore et encore. Elle est entre deux émotions, à la fois épuisée et en même temps attendrie. Elle avait carrément oublié et occulté cette partie de lui. Peu à peu, elle se rend compte à quel point elle aurait pu tuer pour entendre ça, et à quel point, au fond d'elle, ça lui avait manqué. Pour ne pas pensé à tout ça, elle lui demande de se lever et il s'exécute...
Elle le regarde retrouver sa porte puis il lui demande ce qu'elle fait là. Elle a envie de répondre qu'elle est par terre parce qu'il a trop bu et qu'elle est obligé de gérer la situation. Mais non, elle inspire et avec tact, elle se relève sans attraper la main du jeune homme. Enfin... Elle essaie de se relever et manque de s'étaler à nouveau. "Merde." Elle baisse le regard, son talon est cassé. Fait chier. Il vérifie de l'extérieur que son appartement est vide. Elle se sent dépassée et n'ose même pas faire de remarque sur le fait que ça ne sert à rien. Puis, il se met à parler d'Harmonie, d'un coup. Elle se met à réfléchir sur la meilleure manière de lui répondre, surtout vu son état. Lui dire qu'elle en a rien à foutre de cette connasse ? Probablement un peu trop osé. Avant que d'autres idées lui viennent, il lui annonce qu'il a laissé la clef en haut. "Tu déconnes ?" lâche-t-elle subitement en levant les yeux au ciel.

Exaspérée. C'est clairement le mot qu'il faut pour exprimer l'état d'esprit d'Ayleen. Elle a vraiment envie de lui planter le talon de sa chaussure dans le visage. Ne voulant pas recommencer le même cirque et rêvant de rentrer se coucher, elle décide d'enlever ses chaussures. "Ecoute, je vais aller les chercher." Elle l'aide à s’asseoir sur la première marche. "Je vais récupérer tes clés et après on pourra aller se coucher. On oubliera tout ça, et tout ira bien." Elle ne sait pas si c'est lui qu'elle souhaite persuadé ou elle mais peu importe. Pieds nus, elle grimpe rapidement les escaliers pour reprendre l'objet du délit.

Elle redescend et décide de prendre les choses en main en ouvrant la porte. "Tu vois, ta porte s'ouvre toute seule. Je vais t'aider à entrer." Elle récupère ses chaussures et grimace en regardant le talon cassé. De sa seconde main, elle aide Aslan à se lever pour entrer dans l'appartement. En entrant, elle ne peut s'empêcher de scruter le moindre fragment de son habitation. Elle décide alors de répondre à la phrase du jeune homme de tout à l'heure. "Pourquoi tu as parlé d'Harmonie tout à l'heure ?" Avec un peu de chance, elle pourrait avoir des infos et poser des questions sans filtre et sans qu'il s'en souvienne le lendemain. Même si elle avait rapidement survoler les posts de la bitch concernant la jeune femme, elle se demandait quand même ce qui l'unissait à son ex.

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Ayleen l’aida à s’asseoir sur une marche, rassurante. Une phrase lui fit lever les yeux vers elle, cependant. On pourra aller se coucher ? Genre, tous les deux ? Oh, ça ne le dérangeait pas, bien entendu. Pour une raison inconnue, son cerveau brouillé se disait même que c’était plus écologique, que ce serait mieux pour les ours polaires et le réchauffement climatique. Un peu comme le covoiturage.
Aslan n’avait pas fini de méditer sur le lien certain entre dormir à deux et la survie des orang-outans que la jeune femme était déjà réapparue, ouvrant enfin la porte de l’appartement. Elle l’aida alors à entrer. Spock arriva tout de suite pour se frotter à leurs jambes, réclamant à manger. Le pauvre avait probablement attendu toute la soirée. Vacillant, le jeune homme alla fouiller dans les placards pour en sortir une boîte de pâtée, qu’il posa telle quelle dans la gamelle, sans réaliser que le félin ne saurait pas l’ouvrir lui-même. Et puis, il se dirigea en mode automatique jusqu’au canapé du salon. S’étalant de tout son long dessus, il jeta un œil à Ayleen. Ça faisait bizarre de la voir ici. Ça faisait bizarre de la voir tout court. Il posa un oreiller sur sa tête pour ne plus être gêné pour la lumière, avant de l’enlever une seconde plus tard pour répondre à sa question. « Harmonie ? Ben… Parce que je pense qu’elle pensait pas ce qu’elle t’a dit. », répéta-t-il, la bouche pâteuse. Il se tortilla sur le canapé pour trouver une position plus confortable, avant de reprendre doucement. « C’était ma marraine aux narcotiques anonymes, alors… elle connaissait notre histoire par cœur. Elle savait tout ce que tu avais fait pour m’aider. Elle savait ce que moi je t’avais fait. » Il fit une pause, comme si dire tout cela lui avait demandé trop d’énergie, avant d’articuler à nouveau : « Alors elle pouvait pas le penser vraiment, elle voulait juste que tu arrêtes de me crier dessus devant les gens. » Elle avait essayé de le protéger, comme elle l’avait fait pendant toute leur relation. Lui s’était promis de le faire à son tour, mais vu l’endroit où elle était maintenant, il était évident qu’il avait échoué.
La gorge serrée, les yeux brillants de larmes, il serra l’oreiller contre lui, se recroquevillant en position fœtale. Il n’avait pas pensé à préciser que la raison pour laquelle il en parlait au passé était qu’elle avait quitté ce monde. Cela avait tellement ébranlé son propre univers qu’il ne se posait même pas la question de savoir si Ayleen en avait eu connaissance ou pas ; il lui paraissait évident que l’humanité toute entière ne pouvait pas être sortie intacte d’une telle perte.
Il poussa un soupir qui résonna plutôt comme un gémissement, avant d’offrir à la jeune femme un sourire noyé de larmes. Il ne les avait pas senti s’échapper. « C’était une fille géniale, je suis sûr que vous vous seriez adorées si vous vous étiez connues autrement… Tu veux voir son bébé ? » Il n’attendit pas la réponse pour sortir – à grand renfort de tortillements – son téléphone de la poche de son jean, et lui montrer le fond d’écran. « Eden. C’est moi le parrain », conclut-il fièrement.

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La jeune femme attend sa réponse pour pouvoir rentrer chez elle. Mais lorsqu'ils pénètrent dans l'appartement, Aslan décide de donner à manger à sa boule de poils. Enfin... Il a essayé c'est déjà bien. C'est juste que vu son état, il n'a pas pris conscience qu'un animal ne pouvait pas ouvrir une boite de conserve. Elle souffle. Tandis qu'il se dirige vers le canapé, Ayleen récupère la pâté. Elle ouvre les différents tiroirs pour trouver un ouvre boite. Le jeune homme avachi dans le canapé rompt le silence. Finalement, ça lui va bien ne pas être juste à côté de lui. Elle l'écoute répéter ce qu'il a déjà dit et lève les yeux au ciel. La blonde vide la boite dans la gamelle du chat puis reste accroupie durant quelques instants. C'est comme-ci elle ne voulait pas risquer d'arrêter ce moment. Il se livre doucement sur sa vie "après" elle. Tout ce qu'elle ne sait pas, tout ce qu'elle s'est toujours demandé. Comment s'en est-il sortit ? Qui a pu l'aider pour y arriver ? Au fond, qui a agit mieux qu'elle... Harmonie. Voilà la réponse. C'est Elle. Elle qui l'a sauvé. A cette instant, elle regrette les mots qu'elle lui a lancé. Jamais elle ne le fera devant Aslan, mais au fond, elle aimerait la remercier et juste la serrer dans ses bras sans rien dire de plus. Ce sentiment qui la parcourt est plus qu'inconnu et presque qu’irréel. Elle ne la connait pas vraiment mais, elle l'a fait.

Elle se redresse et pose la boite sur le plan de travail. Après s'être pincé la lèvre, elle se dirige vers le salon pour tenter d'en savoir plus. Les mots de son ex-petit ami résonnent en elle. "Notre histoire, tout ce que tu avais fait pour m’aider, ce que moi je t’avais fait." Harmonie savait tout. Ce jour là, elle parlait en connaissance de cause, et elle l'a défendu, lui ? En sachant tout ça... C'est tellement difficile à comprendre. De nombreuses années se sont déroulées depuis tout cela, et.. et s'il avait simplement réussit à y arriver, à avancer, à s'en sortir. S'il était juste devenu l'homme qu'il était au fond de lui. Si elle avait vraiment réussit, et si elle avait vu son vrai lui... Celui qu'Ayleen a tenté d'oublier depuis toutes ses années ? Il est évident qu'elle l'aurait défendu. La blonde se sent tellement nulle de lui avoir parlé comme ça. Le gémissement d'Aslan la sort de ses pensées. D'un réflexe inconnu elle s'avance d'un coup vers lui. Probablement pour être sûre que tout va bien. Et visiblement, ça n'est pas le cas. Ses joues humides gâchent son sourire. Avant qu'elle n'ait pu prendre la parole, il lui pose la photo d'un bébé sous les yeux. Parrain, carrément. Elle n'a pas vraiment le temps d'encaisser toutes les informations. Elle attrape le téléphone et dit d'une voix douce : "Je suis sûre qu'elle est super Aslan. Et ce petit bout est vraiment adorable. Félicitations." Elle pose le téléphone sur la table, s'assoit au pied du canapé et se reconcentre sur le brun. Oui, elle devrait probablement partir maintenant qu'il est chez lui, allongé et canalisé. Mais non... Quelque chose l'en empêche. Elle ne peut pas le laisser comme ça, pas avec ce regard. Elle aimerait essuyer ses larmes ou lui prendre la main, mais elle ne sait pas si elle est prête à cela, dans ce contexte. Elle passe sa main dans ses cheveux et ajoute d'une voix calme et sereine, presque en chuchotant : "Qu'est-ce qui s'est passé ?" Elle retire la hanse de son sac pour le poser par terre. Le contenu manque de se renverser, elle remet tout à l'interieur sans faire attention. Décidément, ces pochettes de soirées sont vraiment trop petites. En entassant ses affaires, quelque chose glisse entre ses doigts. La médaille d'Aslan. Depuis ce fameux jour, elle ne s'en sépare plus. Elle l'attrape au creux de sa main puis se retourne vers le jeune homme. "Pourquoi tu as bu ce soir ?" Sans pincette, comme elle aurait fait il y a plusieurs années. Comme s'ils partageaient une relation suffisamment rapprochée pour qu'elle se permette de ne prendre aucun filtre. Elle a juste besoin de comprendre comment il en est arrivé là alors qu'elle tient sa médaille d'abstinent entre ses doigts.

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Sa dernière question monta lentement à son cerveau, puis Aslan se redressa soudainement, en proie à une réalisation horrifiante. « Nooon tu crois que l’alcool doit me faire perdre mes 7 ans de jetons ? » Il n’avait pas vraiment pensé à ça. Ou pour être honnête, si : ça lui avait traversé l’esprit quelques secondes avant de commander son premier verre, avant qu’il ne décide que cela n’avait pas d’importance. Mais il s’était trompé, ça en avait. Beaucoup. Il ne s’était pas battu toutes ces années contre ses démons pour tendre la main à leurs jumeaux dans un moment de faiblesse. Que penserait Harmonie, si elle le voyait dans cet état ? Et qu’est-ce qu’Ayleen devait penser, elle ? Il attrapa l’ordinateur portable qui veillait sur la table basse, tapant rapidement Est-ce que je peux perdre mon badge des narcotiques anonymes parce que j’ai bu de l’alcool ? dans la barre de recherche. Ou du moins, c’est ce qu’il pensait taper ; mais ses doigts ne coopérèrent que de façon relative, inscrivant quelque chose qui ressemblait plutôt à ‘zstue je peux perrde mon bagede dzs naroctiqird’. Le moteur de recherche fit mystérieusement chou blanc, et les larmes submergèrent à nouveau les yeux du jeune homme. Il avait conscience d’offrir à la jeune femme un spectacle pathétique ; mais il ne pouvait tout simplement pas faire autrement. « Je… Je voulais juste penser à autre chose juste un soir. », répondit-il enfin. « J’arrive pas à me sortir la mort d’Harmonie du crâne. » Pour lui, il était toujours évident que la jeune femme qui lui faisait face était au courant. Il se prit la tête entre les mains, se recroquevillant sur lui-même, avant qu’un rire amer ne glisse entre ses lèvres. « C’est marrant, hein ? Des gens qui meurent, j’en vois presque tous les jours au boulot et j’arrive à ne pas ciller, et puis là ça fait déjà plus d’un mois et je me conduis toujours comme un… Un putain de bébé. » Au fond, il savait très bien pourquoi ce deuil-là était si dur à surmonter. Il s’était appuyé sur elle, probablement un peu trop ; et il n’avait pas cherché à se faire de nouvelles fréquentations après avoir coupé tout lien avec les mauvaises. Harmonie avait représenté à la fois sa bouée de sauvetage, son amie, sa famille. Il n’avait plus grand-chose à quoi se rattraper désormais.
Ses yeux se posèrent dans ceux de la jeune femme, et son cœur vacilla sans qu’il ne sache vraiment si c’était dû à l’alcool ou à autre chose. Et soudain il avait honte - honte qu’elle le voie dans cet état, honte de monopoliser son attention et son inquiétude. Ne pouvait-il pas être autre chose qu’un problème dans la vie d’Ayleen ? Il se redressa difficilement, essayant d’avoir l’air à peu près sobre, posant doucement sa main sur le bras de la jeune femme. « Et toi… Ça va ? » Son regard fiévreux sonda ses yeux bleus. Elle lui avait tellement manqué, il y avait tant de choses qu’il s’était imaginé lui dire ces dernières années… Pourquoi fallait-il qu’il soit bourré et limite comateux la seule fois où ils pouvaient se parler pour de vrai ? Fatigué, il se laissa glisser à nouveau pour s’allonger sur le canapé, posant sa tête sur l’oreiller. « Tu sais Ayly, je suis super fier de toi. J’ai toujours su que tu étais une danseuse fantastique et qu’un jour même le Bolshoi te supplierait… »

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