Le verre de trop [feat Alex]

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Alex et Scott ❧ Toi tu tombes bien !

Parfois, c’était difficile de tenir le coup. Parfois, les blessés s’enchainaient trop vite, ne laissant aucune place pour la détente et les pauses. Parfois, on ne pouvait rien faire malgré la meilleure volonté du monde. Cette fois était une de ces fois là. Toutes à la fois. Malgré l’affluence des blessés et la priorité donnée aux soins selon les blessures, Scott se sentait dépassé par les évènements. Manque d’effectif, manque de temps. Et même s’il avait l’habitude de travailler dans le rush et le stress, il n’arrivait jamais à s’y faire, à accepter que parfois, les choses nous dépassaient. Et pourtant, il s’était acharné. Il avait tout tenté pour sauver le jeune homme renversé par une voiture. Mais non, le choc avait été trop violent, le cœur n’avait pas tenu malgré les multiples tentatives pour le faire repartir.

Dans la salle de bain à disposition du personnel, le médecin était appuyé sur le rebord de l’évier, du sang encore plein les mains. Il fixait l’eau couler dans le lavabo, comme hypnotisé par sa course folle vers le siphon. Aurait-il pu sauver cet homme ? Il aurait dû. Il faisait ce métier là pour ça. S’il n’y arrivait pas alors à quoi servait-il ? Il ne pourrait jamais se pardonner la mort de ses parents s’il continuait de laisser des gens mourir. Et s’il était maudit ? Oui il n’était pas tout puissant et il le savait. Mais voir des gens mourir le mettait toujours dans un état de détresse profond. Un état qu’il tentait de masquer de son mieux. Mais parfois il n’en avait plus la force.

D’un geste rageur, il balança sa main sur le bord de l’évier, envoyant valdinguer le pot de savon désinfectant qui se trouvait là et qui termina sa course contre le mur après un « poc » sonore. Personne ne se manifesta aux alentours. Ceux qui travaillaient avec lui savaient bien que cela lui arrivait parfois. Et ils avaient appris à faire avec. Scott resta un moment dans la salle de bain puis finit par se nettoyer avant de se changer. Il était temps pour lui de rentrer.

Sauf qu’il n’avait pas la tête à rentrer. A quoi bon ? Personne ne l’attendait et il allait ruminer son échec toute la soirée. Marchant dans la rue sans but, il passa devant de nombreux magasins fermés. Il faisait nuit, il était très tard. Sans doute quelques heures du matin. Et peu de monde circulait encore dans les rues. Une enseigne lumineuse attira son attention. C’était celle d’une petite supérette, un magasin d’appoint qui était ouvert H24. Sans réfléchir davantage il y entra, attiré comme l’aurait été un papillon de nuit sur une lumière un peu trop vive. Ses pas le menèrent rapidement au rayon boisson où il dégota une bouteille de whisky. La plus chère, tant qu’à faire. Le tord-boyaux bon marché n’était pas ce qu’il y avait de mieux. Il le savait, pour avoir déjà essayé.

Bouteille en poche, il quitta le magasin et l’ouvrit aussitôt pour ingurgiter de grandes gorgées tout en continuant sa marche sans but. Il marcha tant qu’il dépassa son domicile, partant en direction de Hollywood. Quelque part, heureusement qu’il n’avait pas pris sa voiture pour rentrer. Plus la bouteille se vidait petit à petit et moins il marchait droit mais plus il se vidait la tête. Il commençait à avoir chaud et se débarrassa de sa cravate qu’il laissa tomber à terre sans s’en préoccuper plus que ça. Il continua de marcher, de boire, de marcher… avant de réaliser qu’il était perdu. Où se trouvait-il en fait ? Il ne se souvenait pas tellement par où il était passé. Mais ça ne ressemblait pas vraiment à chez lui. Tournant les yeux autour de sa position, il aperçut un passant un peu plus loin. Comme pris d’un soudain accès d’énergie, il se mit à courir vers lui, manquant à plusieurs reprises de tomber. Il s’arrêta avec du mal, prenant appui sur le mur qu’il faillit se manger pour se tourner vers l’individu qui avait stoppé sa route.

« Héééé… ! C’est par où… euh… Zestside ? Enfin… West… Chez moi quoi ! Tu m’aides ? »

©clever love.

Le verre de trop

Alex & Scott

Ce qu'Alex préférait dans son travail, c'était tous ces longs moments suspendus pendant lesquels il roulait à travers les rues de la ville sur le scooter de livraison. Bon, non, en vérité ce qu'il préférait dans son job, c'était les pizzas gratuites, mais disons que ça venait en deuxième position. Il avait toujours vécu dans le même quartier, donc lorsqu'il avait commencé à y livrer, il connaissait la plupart des coins de rues et des impasses par cœur. Mais c'était différent de ce qu'il avait connu dans son enfance. Il allait vite, et s'il regardait le ciel, il avait l'impression de voler. Et il avait un but, même minime, même éphémère. Au contraire de tous ceux de son âge qu'il voyait vendre de la came coincés entre deux murs. Il était content de ne plus le faire, et il espérait ne jamais avoir à le refaire. Quitte à livrer des pizzas toute sa vie. Alex n'était pas spécialement ambitieux. Par contre, maintenant qu'il y pensait, dans quelques dizaines d'années il y aurait peut-être des synthétiseurs de nourriture chez les gens. Ils appuieraient sur un bouton et auraient la nourriture qu'ils veulent. Son métier disparaîtrait et ce serait tragique, et comme il n'a jamais pu aller à l'université, il ne pourrait pas travailler comme fabricant de synthétiseur de nourriture. Donc il serait à la rue. Avant de se faire aborder par un alien pour accomplir une mission de sauvetage de la terre, bien sûr. Il regardait trop de films.

Et encore une de faite. Alex retira son casque qui lui donnait trop chaud avant d'entrer dans la pizzeria. « C'était ta dernière, on ferme. » Il était plus de deux heures du matin, l'heure approximative où s'arrêtaient toutes les commandes. La pizzeria était supposément ouverte 24 heures sur 24, mais en vérité ils fermaient la plupart du temps avant 3 heures du matin, car ils ne recevaient plus rien ensuite et le boss, qui payait ses employés à l'heure et non à la livraison, n'aimait pas du tout jeter l'argent par les fenêtres. Certains samedis soirs et vendredis soirs, les jours de Superball et au Nouvel An, Alex travaillait souvent toute la nuit. Mais ce n'était pas quelque chose qui le dérangeait particulièrement. Les nuits blanches étaient une habitude chez lui. Il salua le patron et balança les clés du scooter sur le comptoir. Et il n'eut pas fait un pas dehors que ses écouteurs étaient déjà vissés sur ses oreilles, quasiment comme ses propres organes. Il n'était pas fatigué particulièrement. Il n'avait pas envie de dormir, ni de rentrer chez lui. Il n'avait pas envie de quoi que ce soit. Rien n'entravait le son de sa musique électro un peu trop forte, mais qui lui donnait l'impression d'être seul et que toutes les rues lui appartenait. En même temps, c'est vrai qu'il était plutôt seul. Il déambula quelques temps, tournant autour de chez lui, passant devant chez Sebastian et jetant un coup d’œil presque d'excuse au bâtiment. Très utile ça tient, de dire pardon à un immeuble. Il passa devant chez lui et hésita à entrer mais ne le fit pas, voyant les lumières du salon allumées. Il fit un détour par le parc du quartier qui était plein de SDFs. C'est lorsqu'il en sortit, après quelques pas dans la rue, qu'il entendit une voix forte briser le silence de ses méditations nocturnes. Il déplora simplement un pauvre type bourré et continua sa route avant de se retrouver en face de lui, comprenant qu'il s'adressait à lui. Il entendit à peine ce qu'il lui dit à cause de sa forte musique et décrocha un de ses écouteurs en levant un sourcil. Ce n'était pas la première fois que des alcoolos venaient le voir dans la rue la nuit. Mais enfin, d'habitude ils disaient plutôt des trucs sans aucun sens, à propos de la fin du monde ou de Dieu ou des knackis. Là, le type était certes peu clair mais il avait tout de même l'air sain d'esprit, un minimum. « Euuuuh... » répondit simplement Alex, l'air gêné. N'ayant pas entendu le début de ce que l'inconnu avait dit, il dit d'un air hésitant, supposant qu'il habitait non loin de là et s'était juste trompé sur le chemin à pied bar-maison, maison-bar. Il en voyait souvent des comme ça, mais plutôt des plus vieux. Son oncle était un peu comme ça d'ailleurs. « C'est où chez vous ? Quelle rue ? West Sunset, Santa Monica ? » Quelque part, Alex avait bien envie de s'en foutre et de partir, mais il fallait croire qu'il avait une certaine bonté naturelle, et de toute façon il n'avait que ça à faire de raccompagner l'homme jusqu'à chez lui.

Codage par Emi Burton