Such a shame ! Rosa&Julian

L’endroit était plein à craquer et particulièrement bruyant. Plutôt normal dans un bar un samedi soir. De manière générale, Julian n’avait rien contre une petite soirée bien animée, au contraire. Il aimait l’animation et le bruit et plus encore d’avoir une occasion de pouvoir danser un peu. Ce soir, cependant, il était sagement assis sur une chaise et se contentait de remuer sur place au rythme de la musique en écoutant vaguement les conversations autour de lui. Drew, son mari, l’avait traîné ici avec une étrange ferveur quand on connaissait bien l’homme, toujours tellement désespéré de rester à la maison pour passer une soirée tranquille sur le canapé plutôt que de se frotter à la foule dans des lieux publics. Mais monsieur s’était fait des amis. Julian ne comprenait même pas vraiment comment… Drew ne travaillait toujours pas et il passait la plupart de son temps libre à prendre soin de sa belle-mère sans jamais voir personne d’autre. Et malgré tout, il avait réussi à rencontrer ces gens et à se faire inviter à cette soirée où il avait quasiment traîné Julian de force. Incroyable.

Depuis une bonne heure, les cinq adultes étaient assis autour d’une table dans un coin du bar et échangeaient des conversations d’une voix beaucoup trop forte pour se faire entendre au-dessus de la musique. Julian ne participait pas tellement et se contentait surtout de vider bière sur bière en ignorant de toutes ses forces le goût amère du liquide dans l’espoir qu’il soit bientôt assez ivre pour faire passer sa mauvaise humeur. Il était sans arrêt maussade, ces temps-ci et il ne savait pas trop pourquoi. Ou peut-être qu’au contraire, il avait une idée très précise du problème et qu’il cherchait à l’oublier aussi dans l’alcool. Ça fonctionnait souvent très bien. Il ne devait pas faire une très bonne impression aux nouveaux amis de son mari et ça lui était bien égal, honnêtement. Les conversations allaient bon train et il ne s’y intéressait pas le moins du monde. Ou en tout cas, il ne le fit pas jusqu’à ce qu’il entende son nom presque hurlé par la voix éraillée de son mari visiblement plus joyeux qu’il ne l’avait jamais été.

“Julian déteste le cinéma ! J’vous jure, on y va seulement quand il y a son mec dans le film, c’est invivable !” Une vague de rire traversa le petit groupe, atteignant chaque personne présente sauf Julian lui-même, qui se contenta de lever les yeux au ciel et de se cacher derrière sa pinte presque vide. “Son mec ?” s’étonna l’un des hommes, dont il avait déjà oublié le nom d’ailleurs. “Oui, Jamie Dornan… Je vous laisse imaginer la qualité des seuls films qu’il m’autorise à voir !” Paré d’un regard noir, Julian tourna enfin son attention sur son mari. Clairement, Drew avait trop bu, ce qui expliquait qu’il soit si joyeux, mais aussi si prompt à raconter ses pires secrets à de parfaits inconnus. “Tu me le paieras.” souffla-t-il à voix basse à l’attention de son adorable mari, qui trouva malin de lui répondre par un grand rire d’idiot. Il secoua la tête, l’air quelque peu exaspéré et retourna se planquer dans son verre.

Rosa devait retrouver Tyler ce soir... Enfin, peut-être. Son chéri était occupé en ce moment et elle le voyait moins. Elle avait laissé une note sur sa porte, disant qu'elle serait là ce soir, lui proposant de la rejoindre. Elle aurait pu lui envoyer un sms, mais, comble de la malchance, elle avait perdu son portable, impossible de savoir où elle l'avait mit. A tout les coups, c'était Jim Morrison qui l'avait piqué pour jouer avec. Saleté de matou ! Elle était donc là à attendre, tout en sirotant son mojito et traînant l'oreille. Elle était un peu comme ça la brune, aimant les commérages et elle ne pouvait pas s'empêcher de se mêler de se qui ne la regardait pas. Alors elle écoutait toute les conversations autour d'elle. A sa droite, deux pimbêches qui parlaient garçons et comment l'une d'elle avait réussi à coucher avec le petit ami de sa soeur. A sa gauche, un poivrot qui discutait avec le barman sur l'importance du whisky, encore plus s'il était écossais. Il y avait aussi deux personnes qui discutaient de Bitchcation et sa dernière publication. En voilà une qui amusait Rosamund, au moins, elle apprenait des choses sur ce qu'il se passait en ville, toute en restant au fond de son canapé. Et puis derrière elle, il y avait ce groupe qui se moquait de quelqu'un qui n'aimait pas les films et en plus... ATTENDS ? IL N'AIMAIT PAS LES FILMS ?!

Sans se prier, Rosamund se leva avant de s'asseoir à la table du groupe. "C'est lequel d'entre vous qui n'aime pas les films ?!" dit-elle avec un regard noir. Pour Rosa, c'était toute sa vie, sa passion, son métier, elle ne pouvait pas imaginer comment on ne pouvait pas aimer les films. Elle pouvait comprendre qu'on n'aime pas un style, un réalisateur, un genre... Mais tout les films ? Non, ça c'était impossible ! Il y en avait pour tout les goûts. "Comment on peut ne pas aimer les films, c'est impossible !" Pour appuyer ses propos, elle tapa du poing sur la table, mais avec sa force de mouche, cela fit à peine de bruit, elle manqua même de se faire mal. "Je veux des explications !" dit-elle en faisant la moue. Peut-être que cette personne avait été séquestré dans une cave toute sa vie, venait juste d'en sortir et que le seul film qu'il avait vu était Le Monde secret des Emojis, ça pouvait être une bonne excuse.

Les menaces de Julian n’eurent réellement aucun effet sur Drew et encore moins sur le reste de leur petite bande, prête à reprendre la conversation sans s’inquiéter davantage de ce que cela faisait à l’homme. Heureusement pour lui, son verre presque vide lui donnerait bientôt une excuse parfaite pour s’échapper. Raison pour laquelle il s’empressa d’avaler le reste d’alcool d’une seule et longue gorgée. Il eut à peine reposer le verre vide, un peu bruyamment, devant lui et fait un mouvement pour se lever que déjà, une jeune femme qu’il n’avait jamais vu de sa vie s’installait tranquillement à leur table, faisant immédiatement taire tout le monde. Julian aurait presque pu l’aimer au premier regard, rien que parce qu’elle avait enfin mis un terme à la conversation qui l’agaçait le plus de toute cette soirée. Il aurait pu, vraiment, jusqu’à ce qu’elle ne se mette à parler à son tour. Elle allait droit au but, relançant immédiatement la conversation qui venait à peine de s'essouffler sur le cinéma, exigeant de savoir qui n’aimait pas et pourquoi. Bien entendu, l’ensemble des invités tournèrent leurs regards vers Julian qui lâcha un immense soupir et posa son front sur la table en signe de désespoir. Il sentit la main presque compatissante de Drew sur son épaule et se força à relever la tête pour observer la jeune femme, usant de toutes ses forces pour ignorer tous les autres regards moqueurs ou seulement amusés tournés vers lui. Et pourquoi pas, après tout ? S’il lui répondait, tout le monde finirait bien par se lasser à un moment ou à un autre, n’est-ce pas ? “Ce n’est pas tant que je n’aime pas ça, c’est juste…” commença-t-il, prenant le temps de réfléchir à une façon d’exposer son point de vue pour convaincre tout le monde qu’il n’y avait rien d’exceptionnel à cela et qu’ils pouvaient définitivement passer à autre chose. “Déjà je ne comprends pas l’intérêt de rester assis dans le noir à regarder un écran plutôt que de faire quelque chose d’autre à l’extérieur !” argua-t-il. “Et puis, tout le monde fait toute une affaire du cinéma dans cette ville, ça me fatigue. Je suis sûr qu’il y a des tas de films géniaux et y en a même certains que j’aime bien, mais je préfère vivre mes propres aventures que de fantasmer sur celles d’acteurs dans ma télé. Y a rien de mal à ça, si ?” s’enquit-il en fronçant les sourcils, son regard toujours fixé sur la jeune femme.

Quand tout les regards se tournèrent vers la personne en bout de table, Rosa s'approcha de lui, prête à écouter ses excuses sur le fait de ne pas aimer les films. Elle voulait savoir ce qui se passait dans son esprit de fou pour qu'il n'aime pas les films. A vrai dire Rosa était tellement décontenancée et tellement amoureuse du septième art, que cette personne aurait pu lui apporter les meilleurs arguments du monde, elle ne les écouterait pas, sa décision était déjà faite. Cet homme était un idiot.  "L'intérêt de rester assis dans une salle dans le noir ? Cela peut créer une intimité, un moyen d'entrer facilement dans l'univers du film, pouvoir se couper du monde ? Et honnêtement, quand on voit ce qui s'y passe... Ce n'est pas plus mal." Quel mal avait-il à vouloir un peu d'amour, de rires ou de surnaturelle quand on voyait tout les malheurs qu'il y avait sur terre ? Tout les complots des dirigeants qui faisaient perdre foi en l'humanité ? Rosa fronça les sourcils avant de reprendre "Pourquoi dans cette ville ? Moi je m'intéresse au cinéma depuis toujours et je ne suis pas de Los Angeles..." Pour Rosa, l'amour du cinéma n'était propre qu'à Los Angeles, ça existait dans le monde entier. "Si tu es content de ta vie, tant mieux... Mais le cinéma ce n'est pas que fantasmer sur la vie d'autrui. C'est aussi sentir des émotions : joie, tristesse, colère... C'est apprendre des choses avec les biopics. Certes, il y a les livres, je ne dis pas le contraire, mais le cinéma est bien plus accessible. Et puis c'est aussi apprendre des choses sur la vie... Personnellement, j'ai appris plein de leçon de vie grâce aux Disneys." dit-elle avant de hocher fermement de la tête. Elle savait par exemple qu'il fallait faire attention aux belles-mères... Bon, pas sur que ce soit le meilleur exemple.

La conversation aurait presque pu devenir intéressante aux yeux de l’homme, ne serait-ce que parce que, pour une fois, son interlocutrice ne se moquait pas et cherchait à construire un véritable débat. Ou du moins était-ce ce qu’il s’imagina jusqu’à ce qu’elle ne conclut en assurant qu’elle avait appris tout un tas de bonnes leçons sur la vie grâce aux Disney… Hélas, elle le perdit pour de bon à ces mots, lui faisant ouvrir de grands yeux ronds qu’il posa sur elle, éberlué. “Dans les Disney, sérieusement ?” demanda-t-il avant de pouvoir s’en empêcher. Il ne cherchait même pas à être désagréable, pour le coup, il n’en revenait tout simplement pas. “Je veux bien que les films pour enfants cachent plus que de belles histoires de princesses, mais permets-moi de douter du caractère éducatif de la chose…” Malgré sa mauvaise volonté, Julian se redressa légèrement sur sa chaise et, ça ne se voyait pas forcément pour des yeux inconnus, mais son intérêt s’éveillait enfin après des heures à n’être là que pour faire tapisserie. “Moi, je suis né ici et j’y ai passé presque toute ma vie. J’suppose qu’on a pas tous ce problème, mais à force de voir tout le monde s’émerveiller devant le strass et les paillettes d’Hollywood, j’ai juste fait une overdose. Mais contrairement à ce que mon cher époux essaye de faire croire, j’accepte souvent de passer beaucoup trop de temps sur le canapé avec lui pour regarder ce qu’il veut à la télé !” s’offusqua-t-il finalement. “Je préfère seulement sortir… Et puis je vois mal ce qu’on peut réellement apprendre sur la vie ou sur nous-même en regardant des trucs du genre 50 shades of Grey, si ce n’est que Jamie Dornan est beaucoup trop beau pour le bien de mon cher et tendre mari qui va finir divorcé si par malheur je le rencontrais dans la vraie vie.” Son regard menaçant se posa un instant sur Drew avant de revenir à la jeune femme. Il retrouva son sourire poli au passage. “Je veux bien que quelques films soient réellement inspirant et transcendants, mais la plupart ce sont juste des petites histoires qui n’apportent rien, non ?”

Rosa essayait de rester plutôt calme, prête à entendre les arguments de son interlocuteur. Mais quand ce dernier sembla se moquer des Disneys, elle le foudroya du regard. Ce dernier disait qu'il ne voyait pas le côté éducatif des films. La brune roula lourdement des yeux avant de débiter,  "Alors juste quelques exemples comme ça, mais il y a Là-Haut qui parle de la relation entre les personnes âgées et la jeunesse, la solitude que peut éprouver une personne âgée, comme quoi il faut s'accrocher à ses rêves. Ou alors je peux te parler de Pinocchio qui montre à quel point le mensonge est quelque chose de mal. Les 101 Dalmatiens pour la défense des animaux. Et d'une certaine manière, ils favorisent l'imagination, ils inculquent des bonnes valeurs... Bon certes, les vieux Disney comme Cendrillon ou Blanche Neige sont rétrogardes, mais les nouveaux apprennent la persévérence, le fait de s'aimer tel que l'on est, de croire en ses capacités... Ces films sont aussi un peu une première manière à faire face au deuil. D'une manière douce et édulcoré mais au moins les enfants savent ce que c'est... Plus ou moins. Honnêtement, les Disney c'est très éducatif !" Elle soupira avant de secouer la tête. Elle avait encore des tas et des tas d'exemples en tête. Elle essayait quand même de se contenir un minimum sinon elle pourrait monologuer des heures sur le sujet. Elle pouvait en faire une dissertation de philosophie. Thèse, antithèse, synthèse.

Rosa entendant les arguments, elle pouvait comprendre tout à fait ce qu'il ressentait. A force de voir toujours les mêmes choses tout le temps, on en faisait une overdose. Mais elle n'était pas d'accord quand il disait que tout le monde s'émerveillait devant les strass et les paillettes. "Tout le monde n'aime pas le cinéma juste parce que c'est un univers qui peut faire rêver... La plupart des gens aiment juste aller au cinéma pour se couper du monde pendant deux heures..." C'était un peu son cas. Elle, tout ce qu'elle voulait en étant au ciné, c'était pouvoir s'échapper un peu de la réalité. "Non mais après si tu donnes des mauvais exemples... Je suis désolée mais pour moi Fifty Shades c'est un nanar... Et il y a des films bien mieux... " Elle soupira avant de reprendre "Bien sûr qu'un film n'apporte rien en soi, ce n'est pas ça qui va changer ma vie. Mais même si ça n'apporte rien physiquement ou financièrement, je pense que ça peut apporter beaucoup au niveau psychologique..."

Où il pensait vite se lasser et s’échauffer, Julian réalisa finalement qu’il s’amusait. Un peu. Cette jeune femme avait l’air passionné. Du genre enflammée, même. Quant à lui, il était peut-être effectivement de mauvaise foi, à refuser de voir l’intérêt profond derrière les films de Disney ou à ne citer que des exemples ridicules pour appuyer ses arguments. Il retint un sourire, sans trop savoir pourquoi il ressentait le besoin de cacher son amusement, alors que la demoiselle continuait sa démonstration et que les arguments à lui opposer disparaissaient peu à peu. “Ok, ok, très bien. Peut-être que je ne suis rien de plus qu’un petit homme fermé d’esprit, alors et qui refuse d’entendre raison !” concéda-t-il, dans une très mauvaise imitation d’un air triste. La bière lui montait un peu à la tête, mais il n’y avait pas que ça, il en fut convaincu quand il y eut quelques approbations dans l’assemblée - de la part de ceux n’étant pas encore retournés à d’autres conversations - et que cela l’agaça aussitôt. Le vrai problème venait sans doute d’ailleurs et il n’avait aucune de chercher où pour le moment. À la place, il se pencha davantage sur la jeune femme et lui lança un regard perçant, comme s’il cherchait à la mettre à l’épreuve par la seule force de ses yeux. “Mais je suis encore prêt à reconnaître mes torts quand ils me sont si vivement exposés.” assura-t-il, ignorant au passage le rire se voulant sans doute moqueur de son tendre époux à ses côtés. Il lui donna un petit coup de coude l’air de rien, sans jamais regarder ailleurs que sur l’inconnue. “C’est quoi, votre nom ?” demanda-t-il, sans plus chercher à cacher son sourire. “Je vous écoute, dites-moi quels films je devrais regarder pour être complètement convaincu que vous avez raison. Je veux des titres qui changeront ma façon de voir le monde ou qui me retourneront vraiment les entrailles.” exigea-t-il, juste avant de s’éloigner, reprenant sa place sur sa chaise, son dos appuyé contre le dossier tandis qu’il croisait les bras sur sa poitrine. Il l’observait toujours avec attention, curieux, pas encore certain qu’elle pourrait le convaincre de s’enfermer quatre heures dans une pièce sombre pour regarder la télé, mais réellement prêt à faire l’effort d’écouter et d’ouvrir son esprit.

Rosa soupire en entendant la lourde ironie dans la voix de son interlocuteur. C'est sûr qu'avec une telle réaction, il n'allait pas monter dans l'estime de la brune qui commençait à le placer dans la catégorie petit con. Pourtant, elle venait lui parler avec tout plein de bonnes intentions, lui montrer à quel point le cinéma pouvait ouvrir l'esprit... Mais bon, pour ça, il fallait déjà avoir un minimum l'esprit ouvert et aux yeux de Rosa, ce n'était pas le cas pour la personne en face de lui. Elle croisa les bras avant de faire la moue "Oui. Je pense bien que votre esprit est totalement fermé. Je peux comprendre qu'on puisse ne pas aimer les films, mais si vous n'essayez même pas..." Elle soupira avant de décroiser les bras. Elle se disait qu'elle en faisait peut-être trop, mais en même temps, le cinéma était toute sa vie... Elle essaya de passer sur un autre terrain. "Est-ce que vous lisez au moins ?" Rosa était curieuse, car pour elle, il était important d'avoir des moyens pour évader son esprit. Quand l'homme lui dit qu'il était prêt à reconnaitre ses tort s'il lui était exposé, Rosa arqua un sourcil. Il entendait quoi par là ? C'était quoi cette expression ? Il n'était pas en train de la draguer au moins ? Elle préféra l'ignorer, répondant à sa question. "Rosamund, mais tout le monde m'appelle Rosa" Phrase qu'elle disait à chaque fois qu'elle rencontrait une nouvelle personne. "Et vous ?" Quand il lui demanda de citer des films à voir, le regard de Rosa s'illumina. Elle allait enfin avoir une chance de cultiver cette homme. Elle resta un moment à réfléchir. Elle avait tellement de films en tête, que là, à chaud, elle pouvait en citer une centaine. Elle pouvait en nommer largement plus si elle prenait le temps de vraiment réfléchir. Au final, elle se dit que le mieux était d'arrêter de le faire et simplement dire les premiers noms qui lui venaient à l'esprit. "Forrest Gump déjà, ce film est un classique. Good Bye Lenin!, Eternal Sunshine of the Spotless Mind, La Vague, American History X, Inception, La Ligne Verte, Seul au monde... N'importe quel film avec Tom Hanks..."

Avant même qu’il ne puisse s’en empêcher, Julian leva les yeux au ciel en entendant la jeune femme confirmer qu’il avait l’esprit fermé. Peut-être bien. Il n’était pas connu pour être quelqu’un de flexible, au contraire, mais de là à le juger pour un petit désaccord de rien ! Quoiqu’il fasse sans doute la même chose en refusant d’admettre que le cinéma pouvait avoir de l’intérêt. Il ne répondit rien et ne fut même pas vraiment vexé. Ça le faisait rire, en fait. “Bien sûr que je lis !” affirma-t-il, avec un peu plus de vivacité encore. “Mais peut-être pas autant qu’il le faudrait.” Mais ça n’était pas sa faute, à la fin. Avec son job, trouver du temps pour se poser et regarder un film ou dévorer un bouquin, c’était compliqué. Et il avait tellement d’autres excuses à offrir pour justifier qu’il ne soit pas l’homme le plus ouvert d’esprit à cette table, même si de nombreux détails dans son mode de vie et sa personnalité auraient dû le placer en bonne position dans la liste, d’ailleurs… Mais il préféra ne pas s’enfoncer encore un peu plus et épargna à la jeune femme la longue liste de ses mauvaises excuses, lui offrant plutôt une occasion de l’éduquer. Il ne savait pas s’il agirait un jour pour élever sa culture cinématographique, mais ce soir, il voulait croire que oui. Même s’il y avait de grandes chances que ça ne soit que le résultat de l’ivresse montant doucement. “Moi c’est Julian.” se présenta-t-il à son tour, après que la jeune femme se soit présentée elle aussi. Et alors, elle lui fit cette liste improbable. Bien sûr, il connaissait presque tous les noms de ces films, bien qu’il ne les ait effectivement pas vus. “Tom Hanks ? C’est drôle, je ne le voyais pas comme le genre d’acteur avec une filmographie aussi... “ Il ne termina pas cette phrase, son regard pensif se perdant dans le vague un instant. “J’en sais rien en fait. C’est vrai que je suis obtus...” lâcha-t-il, avec l’air de celui qui vient d’apprendre une grande vérité sur le monde, le genre déstabilisante et un peu inquiétante. “Mais vous savez quoi ? Drew et moi, on aura bientôt un enfant…” reprit-il, un peu moins dépité, en désignant son mari d’un vague signe du pouce, “et je vous promets que je regarderai chaque Disney que cet enfant voudra voir, jusqu’à la fin et en essayant de ne pas me plaindre. Ce sera ma pénitence et mon éducation en même temps !”

Rosa avait bien remarqué que le gars, il avait levé les yeux au ciel. Depuis quelques temps, elle essayait de se montrer plus sortable en société et c'est pour ça qu'elle ne dit rien. Fut-un temps, elle l'aurait surement engueuler, voir peut-être mordu, mais ça c'est quand le ton montait un peu trop. Elle se contenta cependant de lui jeter un regard noir, espérant qu'il comprenne le message. Julian lui affirma qu'il lisait... Avant d'ajouter qu'il devrait peut-être le faire plus. "Si on n'aime pas les films, la lecture c'est parfait pour s'évader l'esprit... En tout cas, pour moi ça marche comme ça. Tu fais comment toi ?" demanda-t-elle un peu curieuse. Car pour elle, il n'y avait pas d'autres moyens donc elle se demandait ce qui pouvait exister. Peut-être la musique ? Elle aimait bien la musique aussi, c'est vrai, mais ça ne la faisait pas autant voyager que les films.

Le gars fini par dire son nom. Ainsi, il s'appelait Julian. Elle savait bien qu'un prénom ne faisait pas la personnalité, mais depuis le début de la conversation, elle avait commencé à le juger. Alors, elle s'est dit que Julian c'était bien un prénom de gars n'aimant pas les films... Même si ça ne voulait rien dire en soit.

Et puis là... Ce fut le drame. Julian dit qu'il ne voyait pas Tom Hanks comme un grand acteur, du moins c'est ce que la jeune femme avait comprit. Elle ouvrit la bouche en grand, prête à gober les moches et eu des yeux exorbités. Elle tape des paumes de ses mains sur la tête avant de s'exclamer. "QUOI ?! Mais Tom Hanks est juste l'un des plus grands acteurs de notre siècle... VOIR DU MILLÉNAIRE ! Et je ne parle pas des années 2000 !" Peut-être elle en faisait trop, mais elle était tellement fan de lui, elle l'idéalisait. "Ouais, moi aussi je suis obtus... Mais c'est parce que j'ai toujours raison aussi." dit-elle le plus naturellement du monde en faisant une petite moue. Rosa avait toujours autant de mal à se remettre en question. Rosa sourit à la dernière phrase de Julian avant de dire avec un doux sourire. "Je suis sûre que tu vas finir par les aimer !"