Une matinée après le travail - PV James

e Starbucks Coffee d'Echo park était un passage obligatoire par lequel je faisais un petit détour, pour les matinées de travail. Avant de plonger dans la frénésie du centre ville, où se situaient les bureaux fédéraux, j'aimais bien vivre un petit moment de calme pour savourer mon café matinal accompagné d'une bonne pâtisserie. Mon petit déjeuné en quelque sorte. Cette habitude là, je la gardais même lors de mes rares journées de repos dont je disposait. Ce jour là, comme tous mes autres jours sans travail, je devais malgré tout rester à la disposition du bureau via un bipeur qui m'alertait immédiatement, si l'on avait besoin de moi quelque part.

Je poussai donc la porte d'entrée du Starbucks et balayait les quatre coins de la pièce du regard. Déformation professionnelle ? Certainement ... Il était impensable pour moi de rentrer quelque part sans vérifier d'un coup d’œil que rien ne cloche dans les alentours. Une habitude de militaire, celle d'un homme ayant vécu en guerre pendant presque une décennie. C'est alors que je remarquai la présence de Sam, une danseuse que j'avais croisée par hasard en essayant de l'aider à se débarrasser d'un homme un peu trop collant. Dans les clubs de striptease, c'était assez courant de voir les clients déborder un peu avec les filles. En la voyant, j'étais heureux car ce serait peut-être là une occasion rêvée de pouvoir discuter avec elle, hors de son cadre professionnelle rarement idéal pour une discussion au calme.

Lorsque ce fut à mon tour, je saluai la serveuse en lui demanda mon café accompagné d'une part de Cheesecake relevé d'une pointe de coulis au fruits rouges. Je plongeai alors une main dans la poche droite de mon pantalon pour en sortir un billet de cinq dollars, afin de régler l'addition, avant de prendre le plateau qui contenait mon petit déjeuné. J'approchai doucement de l'endroit où se trouvait la jeune femme. Je n'étais pas spécialement doué pour approcher les gens et venir discuter, mais je n'avais pas envie de passer à coté d'une telle occasion de parler au calme. Je souriais alors à la jeune femme, une fois à sa hauteur, avant de lui dire :

« Bonjour Sam ! Je peux m'inviter à ta table ?»

Habituellement, je faisais l’ermite à vouloir rester seul dans mon coin et surtout ne parler à personne, tout en feuilletant mon journal. Mais la présence de Sameira avait tout changé ce matin là.

'avais attendu sa réaction, non sans une point d'anxiété. Si Sam avait refusé ma compagnie pour une quelconque raison, j'aurais été certainement déçu. Mais, bien au contraire, la jeune femme acquiesça avec un beau sourire aux lèvres en m'invitant à m'asseoir à sa table. Je lui souris à mon tour avant de m’exécuter.

Étant donné l'heure matinale, je me disais que Sam avait finis de travailler depuis quelques minutes car je supposais qu'en travaillant une bonne partie de la nuit, la jeune femme devait profiter du matin pour dormir et récupérer. Malgré le fait que je sois militaire, ayant évolué dans un milieu masculin presque toute ma vie, je n'en était pas pour autant un macho qui ne considérais les femmes comme des personnes faibles et dont on peu profiter. Au contraire, dans ma section, j'avais comme sœur d'arme une jeune caporale qui ne manquait ni de courage, ni de répartie pour repousser les avances et autre insinuation des autres hommes de la compagnie. Et pour Sameira, le fait de voir les hommes tenter de dépasser les limites devait être malheureusement très récurrent. Alors oui, notre rencontre fut un peu spéciale lorsque j'avais joué le rôle de l'agent de sécurité qui, médusé, me regardait prendre l'homme par le col et lui dire de foutre le camp. Là encore, c'était un réflexe et une pulsion que je n'avaient pas pu contrôler. Mais cela m'avait permis de pouvoir parler à la jeune femme ensuite donc finalement c'était une bonne chose que d'agir ce soir là.

« Ca va bien, merci ! Et toi ? tu rentres du club ?»

J'avais commencé par boire une gorgée de mon café avant de gouter un bout de cheesecake aux fruits rouges. C'était très bon, comme souvent au starbucks. Tandis que je buvais encore une fois, j'observais avec un peu plus de discrétion le visage de la jeune femme qui, il fallait l'avouer, était loin d'être désagréable à contempler. Et encore plus au naturel, sans tout le maquillage trop voyant qu'elle portait les soirs où elle travaillait.

ne soirée compliquée pouvait signifier tout un tas de choses concernant Sam. Elle pouvait avoir fait les frais d'hommes mal intentionnés, elle pouvait aussi avoir constaté les dégâts causé par cette bitchcation, et les quolibets qui la prenaient elle et son employeur pour cible. J'ignorais totalement sur quels faits étaient basés ses ragots, mais connaissant sam, j'étais certain que tout ceci n'était que mensonges et que la jeune femme n'était pas du genre à se jeter dans le lit du boss pour surpasser tout le monde.

« Oui. Café, gourmandise et journal c'est le quotidien du petit déjeuné. Et même les jours comme aujourd'hui où je ne travaille pas »

Ah, on pouvait le dire, j'étais vraiment le militaire dans toute sa splendeur, qui ne faisait pas mentir les clichés. Toujours debout aux aurores, je gardais des habitudes bien précises et un rituel quotidien élaboré à la minute pour toujours être dans les temps. M'accorder une grasse matinée ? pourquoi faire ? J'étais tout aussi bien à lire les résultats sportifs des Lakers, Clippers, Kings, Dodgers et de toutes les autres équipes ayant élu domicile dans la cité des anges. Le sport était bien ma seule vraie passion si l'on excluait mon métier et tout ce qui l'entoure. J'étais d'ailleurs abonné au Staples center pour aller voir les deux équipes de basket de la ville. Si certains y voyaient une rivalité, moi je trouvait que c'était une chance d'avoir deux équipes en NBA : une légendaire mais en méforme, l'autre en pleine forme mais en manque de trophées. Mais bref, ce matin ça n'était pas le sport qui m’intéressait mais bel et bien Sam avec qui j'avais la chance de discuter.

« Je sais pas si ta soirée, peu enjouée, est due aux conneries écrites dans cette foutue application... Mais sache que je suis là si tu as besoin pour parler où te changer les idées ...»

Oui, nous avions cette relation que je n'expliquais pas vraiment de protecteur/protégée. Pourtant je trouvais que Sam était une femme forte et qui n'avait pas besoin de quelqu'un comme moi, se débrouillant bien toute seule. Mais c'était malgré tout la moindre des choses d'être présent pour les gens qui comptent dans la vie. Et pour mon cas, il n'y en avait pas des dizaines dans ma vie d'homme. Si l'on excluait mes anciens frères et sœur d'armes, je pouvais compter les autres sur les doigt d'une main de tortue ninja (qui, c'est bien connu, n'ont que trois doigts...)

’avais affiché un sourire amusé lorsque Sam hésitait entre la folie et le courage me concernant, en rapport avec le fait que j’étais matinal, même lors de mes journées de repos comme celle-ci. Sans doute avait-elle raison et que j’étais un peu taré sur les bords. On dit que la vie appartient à ceux qui se lèvent tôt et je pense que c’est vrai. Rester dans le lit jusqu’à midi et n’avoir que l’après-midi pour s’occuper, très peu pour moi. Je préférais en faire un maximum le matin et éventuellement profiter de mon temps libre de l’après-midi pour aller à Venice Beach et faire un peu de sport.
Sameira, semblait vraiment affectée par cette rumeur émanant de cette application. Je pense que si l’on découvrait qui se cachait derrière cette application de commérages, là où les personnes passeraient un sale moment face aux habitants qui se voyaient coller des étiquettes dans le dos et dont la vie privée, parfois déformée, se retrouvait exposée sur la place publique. Après avoir terminé ma part de cheesecake, je répondis à la jeune femme :

« A mon humble avis, plusieurs personnes sont derrière ça. Ca me parait bien difficile de suivre autant de chose dans une ville aussi grande que LA.

Je pris ensuite mon café pour finir de le boire par petites gorgées. Le petit déjeuné était terminé pour ce qui était de boire et manger. Il ne me restait qu’à profiter de la compagnie de Sam qui restait malgré ses ennuis de la veille et la fatigue, tout à fait fraiche et charmante ce que j’admirais en secret. J’aurais aimé que l’on partage des choses ensemble, histoire peut-être d’être plus complices et plus intimes encore. Jusque-là, à part ce petit déjeuné et les soirées sur son lieu de travail, nous n’avions rien fait d’autre qui sortirait un peu plus de l’ordinaire et de la routine. Mais que pouvais-je lui proposer ? Au fond, ces années passées loin de la civilisation m’avaient enfermé dans une bulle où les loisirs ne sont que très restreints et plutôt rares également. J’essayais de me motiver pour changer cela maintenant que j’étais confronté à la vraie vie, mais habituellement le manque de motivation me rattrapait et me poussait à jeter l’éponge. Seulement la simple présence Sameira changeait tout et me motiverait à sortir de mes zones de confort pour découvrir d’autres loisirs, et vivre d’autres sensations. Par un sourire sincère, je lui demandai donc :

« Je suppose que tu n’as qu’une envie c’est d’aller dormir et de récupérer. Mais si tu es disponible plus tard dans la journée… on pourrait faire quelque chose pour te changer les idées si tu veux ? Histoire de dire merde à cette appli et de profiter quand même de la vie.

écidément, cette jeune femme était surprenante. Après avoir passé une soirée à danser, dans une ambiance bruyante sur scène et usante derrière le rideau, à cause de la mauvaise ambiance qui y régnait, Sam trouvait encore le courage de sortir et de vouloir profiter de son temps libre sans aller dormir, ni même se reposer. Il était certain qu’elle ne manquait pas de courage. Cela me rappelait la phrase qu’elle m’avait pourtant dite quelques minutes plus tôt et je ne pouvais m’empêcher d’y faire référence tant pour faire un trait d’humour que pour souligner peut-être un point commun que nous aurions …

« Travailler toute la nuit et sans aller dormir derrière ? Je vois que je ne suis pas le seul fou plein de courage qui arrive à se dispenser de son lit …

J’avais dit cette phrase en souriant sur la fin. C’était assez ironique de voir que finalement, Sam avait prononcé ces mots sans songer à ce qu’elle était en train de faire elle-même. Et cela me faisait rire car finalement nous étions assez semblables pour le coup. Ce qui, en plus, n’était pas pour me déranger car cela signifiait que la jeune femme était disponible pour la matinée. S’il avait fallu attendre l’après-midi, j’aurais sans doute trépigné d’impatience, tournant en rond et regardant ma montre sans cesse jusqu’à l’heure du rendez-vous. Ou pire, elle aurait tout simplement pu refuser de sortir, ayant d’autre chose à faire où tout simplement car elle n’appréciait pas ma compagnie. Là, j’avais une chance de pouvoir partager un moment avec elle et j’espérais ne pas tout rater.
Que faire alors ? Tout ce qui se rapprochait de la restauration ou des bars était exclu comme nous étions justement dans un coffee shop. Il fallait l’avouer, je ne connaissais pas grand-chose en terme de divertissement dans cette ville. Lorsque j’étais enfant, je n’avais jamais eu la chance d’avoir des parents pour m’emmener aux parcs d’attraction et autres sorties divertissantes. Et maintenant que j’étais adulte, j’étais plus souvent immergé dans le travail qu’à me consacrer une journée à prendre du plaisir là où je n’étais jamais allé. J’étais franc et voulais rester honnête avec Sam. Alors je lui expliquai mon point de vue en espérant que cela ne me ferait pas passer pour un homme bizarre :

« Par contre, je … n’ai pas spécialement d’idée à te proposer pour sortir. Je crains de ne pas être quelqu’un de très marrant. A moins que tu sois passionnée par les stands de tirs… A ce moment-là oui je maitrise. Mais ce n’est pas des plus poétique j’en conviens.

Dis-je alors, riant un peu jaune. Aller dans un stand pour lui apprendre à viser et tirer ça pouvait être marrant, mais on avait vu beaucoup plus romantique comme sortie. Alors j’espérais qu’elle me proposerait quelque chose d’autre si elle avait une idée précise car personnellement, je n’avais jamais eu la chance de pouvoir tester d’autres activités que le sport et les armes. Depuis mon enfance en orphelinat jusqu’à ce jour là.