expectations vs reality / asriel & patrick

Patrick était installé dans un des gros fauteuils en cuir marron du café, examinant son gobelet de café latte d'un air suspect. "Patrik". Il y avait "ck" à la fin de Patrick, tout le monde le savait quoi, et il n'y avait pas d'exception. Ça relevait du talent à ce stade pour faire une faute dans son prénom. Ce n'était pas très important en vérité. Mais il se sentait stressé, il ne savait pas trop pourquoi, depuis ce matin il était un peu sur les nerfs, enfin, en ce moment en général même. Il était un peu dans ce genre d'humeur où il avait envie de laisser tout en plan pour partir Dieu sait où, comme s'il avait un pressentiment qu'un truc mauvais allait arriver et qu'il devait quitter la ville. C'était débile, et il en avait fait part à ses plus proches amis qui lui avait confirmé que ça l'était, d'ailleurs. Après tout, c'est vrai, il n'avait pas de raison de penser cela, le travail était un peu ralenti en ce moment mais tout s'y passait bien, il sortait plus que d'habitude, il avait fait des rencontres agréables, et en plus il n'avait même plus Jonathan dans ses pattes depuis leurs multiples engueulades au mariage de leur cousine. Non, à bien y songer sa vie était plus qu'agréable en ce moment, alors pourquoi ce sentiment ? Il n'en savait rien, et il espérait qu'il n'allait pas continuer trop longtemps à traîner.

Pour ce qui était de son rendez-vous, il était un peu hésitant. Il devait rencontrer "pour de vrai" un type qu'il avait rencontré sur internet il y a un certain temps, Asriel. Il traînait sur des forums de geek, de codage, etc, et avait, entre autre, sympathisé avec lui. Récemment, il discutaient beaucoup plus sérieusement d'un projet professionnel qu'avait Asriel, qui souhaitait se convertir, et qui aurait notamment voulu solliciter Patrick. Et puis ils s'étaient dit qu'après tout, habitant tous les deux à Los Angeles, peut-être qu'il était plus simple d'en discuter face à face. D'habitude, Patrick ne rencontrait pas vraiment les gens irl, il était plutôt contre l'idée. Et cela pour une raison assez précise, sa timidité. S'exprimant plus facilement à l'écrit et ayant moins peur du jugement, sur internet il était très ouvert, sympathique, parlait un peu à tout le monde, était très blagueur, en plus avec sa publication fréquente de musique on devait le prendre pour un genre d'artiste branché. Il se confiait plus facilement aussi. Mais alors forcément, par rapport à la "vraie vie", le changement était radical, il était cet homme taciturne et un peu froid, constamment gêné et difficile à décoincer, et avec un look vaguement hipster qui pouvait le faire paraître au choix adolescent ou snob. Toutefois, il avait fait une exception pour cette fois, déjà parce que s'il s'agissait surtout de converser d'informatique, ça il maîtrisait ça allait, et puis parce qu'il n'avait pas confié à Asriel de trucs trop gênant sur lui, enfin, d'autant qu'il se souvienne, donc ça irait. Oh mais si ça se trouve si, si ça se trouve il allait être gêné, peut-être qu'il lui avait raconté cette fois dans les vestiaires du lycée où... Mais nan c'était idiot, c'était sa timidité qui parlait, jamais il lui aurait raconté ça. Reprenons nos esprits. Il resserra les doigts sur son gobelet et consulta son portable pour passer le temps et penser à autre chose. Il espérait qu'il arrive à le reconnaître, il avait déjà vu sa photo, non ? Et puis sinon, il reconnaîtrait sûrement "Patrik" sur son café, après tout.

@Asriel E. Wakefield

Un Starbucks. C'est un endroit où je n'ai pas franchement l'habitude d'aller, mais c'était sans doute le plus simple. Ce matin, le réveil a été plus facile que les autres jours. Je suis de meilleure humeur et ma sœur m'a demandé ce qu'il se passait. La rencontre avec Patrick me rend joyeux, j'ai hâte de pouvoir le voir. Je le connais depuis maintenant quelque temps et il avait paru intéressé par mon projet. Il semblait aussi bien s'y connaître et nos conversations étaient intéressantes. C'est quelqu'un de plutôt sympathique, je me demande comment il est dans la vraie vie. J'espère bien m'entendre avec lui et je suis pressé de le voir. Je n'ai rien dit à père qui pense que j'ai un rendez-vous banal. Il m'aurait retenu pendant des heures si je lui avais dit que mon but était de rencontrer quelqu'un pour parler de mon projet d'entreprise. Si ce projet se concrétise, peut être qu'il allait enfin me laisser tranquille. Mais rien ne pourrait me mettre en colère aujourd'hui, un fin sourire s'étant posé sur mon visage. C'est une de ces journées qui me semblent tellement merveilleuses, je me demande où se situe le souci. Je sais que cela est trop beau pour être vrai, mais peu importe.

Mon père me rappelle avec la même amabilité que d'habitude que j'ai une réunion avant mon mystérieux rendez-vous et je prie pour que ce ne soit pas des bilans financiers. Will sera là apparemment, j'en profiterai pour lui parler sans doute. Mais pour le moment, en route. Il faut que je me dépêche si je veux pouvoir, partir plus tôt et ainsi ne pas être en retard pour ma rencontre avec Patrick. J'ai déjà vu une photo de lui, il m'en a envoyé une pour que je le reconnaisse et je dois avouer qu'il est plutôt sympathique à regarder. Cette pensée me trouble quelque peu et je décide de l'ignorer. Mais je n'ai pas été beau joueur, je me suis juste décris au lieu de lui envoyer une photo. La dernière fois que j'ai envoyé ma photo, la personne m'a dit que c'était impossible, car je ne pouvais pas être la personne dessus. Être la belle gueule et être médiatiquement un peu reconnu est assez épuisant. Mais j'espère quand même que Patrick ne saura pas qui je suis ou alors qu'il s'en fichera. Mais je suis assez tranquille en ce moment, ça s'est un peu calmé au niveau des journalistes, mais il y a quelques mois où j'apparaissais dans des magazines féminins comme étant le mari idéal. Et après on me demande pourquoi ce type de chose me fatigue.

Je suis sur la route pour aller sur le lieu de rencontre, j'ai un peu de retard mais mon frère voulait absolument me parler avant mon départ. Il m'a donné un livre sur la gestion des entreprises en me disant que cela me servirait pour mon projet. On dirait qu'il me soutient et je le prends dans mes bras pour le remercier, laissant exploser ma joie. Il me repousse rapidement avant de partir en rougissant, un peu honteux de mon comportement et non sans me traiter d'imbécile. Ah que je l'aime mon frère. Je range le livre dans ma mallette et je sors rapidement avant que quelqu'un ne me demande quelque chose. Je trouve assez rapidement le Starbucks et j'entre. La décoration est plutôt sobre et je vais commander un café. La jeune femme qui me sert, glousse et note mon nom sans me le demander. Au moins, il sera bien écrit. Une fois mon café en main, je regarde les gens qui sont là et j'aperçois Patrick qui est dans un fauteuil. Oui ! Il est là ! Je suis content qu'il soit venu et je tente de me calmer avant de m'approcher, reprenant une attitude zen.

« Patrick ? Bonjour, je suis Asriel. Vous allez bien ? »

J'ai l'habitude de vouvoyer dans la vraie vie et je m'assois sur le second fauteuil, posant ma mallette à côté de moi. Il n'y a rien de spécial dedans à part mon ordinateur personnel et le livre de mon frère. Je le place cependant à un endroit stratégique pour avoir un œil dessus au cas où.

« Excusez moi d'être en retard, j'ai été retenu au bureau. »

Je suis HEU-REUX d'être là et on peut le voir à mon sourire amical. Pourvu qu'il ne s'en aille pas pour je ne sais quelle raison. Je suis dans la vie comme je suis sur internet, enthousiaste quand je me sens bien et relativement ouvert aux autres. Je n'ai pas de mal à discuter avec les gens, j'ai appris à faire croire que je suis à l'aise même quand je ne le suis pas. Ma méfiance et mon manque de confiance en mois sont aussi présents, que ce soit sur internet ou dans le vraie vie mais pour le moment, je suis dans une phase bénéfique et je vais tenter d'y rester.

Patrick ne regarde pas vraiment les gens qui entrent pour essayer de deviner de qui il s'agit. Certes, Asriel lui a vaguement indiqué la couleur de ses cheveux et sa taille ou deux trois autres trucs, mais il n'a pas vraiment envie de jouer aux devinettes, et puis il aurait peur de fixer des gens bizarrement. Il préfère jouer à un jeu idiot sur son téléphone et faire mine de souffler sur son café pour le refroidir, car il le boit toujours tiède, ne vous demandez pas pourquoi il n'y a pas de raison. Il ne sait pas combien de temps passe, à vrai dire il ne réfléchit plus trop et il ne le voit plus passer, mais son café était presque à la bonne température lorsqu'Asriel l'avait abordé. Son arrivée l'ayant tiré de sa torpeur, il avait affiché un demi sourire un peu surpris. C'était marrant, il l'avait pensé plus quelconque, pour ne pas donner de photo comme ça. Alors qu'il ressemblait au genre de gars dans les magazines féminins que lisaient tout le temps son ex-copine. Ça fait un peu rire Patrick intérieurement, surtout qu'il se rappelle comment elle se plaignait de lui parce qu'il n'était pas du tout comme ça. D'un hochement de tête, il confirme son identité avant de laisser Asriel continuer. Il doit avouer que ça lui fait un peu bizarre qu'il le vouvoie au début, un peu formel vu qu'ils avaient l'habitude de se tutoyer sur internet, mais finalement ça le rassure un peu, il n'est pas forcément alaise avec des familiarités d'entrée de jeu. Et puis, ils étaient tout de même là pour des raisons professionnelles, non ? Patrick répond poliment mais avec l'air un peu ailleurs.  

"Oui, oui, bien... Et vous ? " Il rajoute ensuite, suite aux excuses d'Asriel pour son retard, avec un air tout aussi distant. "Pas grave, j'ai pas vu le temps passer."

Patrick se racle la gorge puis se penche pour prendre son café et en boit une longue gorgée pour éviter d'avoir à parler. Pourquoi est-il toujours si gêné dans ce genre de situation ? Une sorte de mélange d'une panique de dire un truc idiot, d'une peur de donner une mauvaise impression et d'un espèce de malaise général de la rencontre et du contact. Et ce mélange faisait généralement qu'il disait des trucs idiots et donnait une mauvaise impression, donc le cycle s'entraînait tout seul, et résultat à bientôt trente ans il se retrouvait à redouter les rencontres avec des gens qu'ils ne connaissait pas comme un enfant de six ans à la rentrée des classes. D'ailleurs, je vous laisse imaginer ce que c'était quand il était enfant, puis adolescent, vous auriez largement de quoi rire. Il se passe une main dans les cheveux et prend une inspiration. Son cerveau fait comme un blocage et il ne sait même pas de quoi il doit parler. Bon sang Patrick, dis quelque chose de banal, n'importe quoi.

"Je... Le bureau ne risque pas de me retenir, c'est très calme en ce moment vu que... que... qu'on vient de terminer un gros contrat d'ERP."

Bon, c'était pas passionnant, mais au moins il avait dit quelque chose, ça paraîtrait pas trop bizarre. Il fallait vraiment qu'il arrive à se détendre parce que là il allait juste faire fuir le type, clairement. En plus lui qui devait le croire super cool, ouvert, détendu et marrant, bonjour la dégringolade, il devait se dire qu'il n'avait pas signé pour ça.
 

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