Dessine-moi un mouton

Il a pas à être là Leo, il sait bien. Ce qu'il fiche chez les gens normaux qui vont et viennent pour apprendre apprendre et encore apprendre, c'est une grande question. Et il n'a pas la réponse.

Ce doit être ça, ce qu'on appelle "déambuler".

"Bonjour, vous travaillez ici ?
- Oui.
- Et qu'est-ce que vous faites, au juste ?
- On organise une campagne de lutte contre le massacre des bébés phoques au Canada.
- Et ça marche bien ?"

Ses questions étaient vastes, parfois étranges, mais n'étaient pas toujours complètement dénuées d'intérêt (contrairement à ce que l'on pouvait penser). Car oui, il avait cette lueur de curiosité dans le regard qui incitait son interlocuteur à répondre sans cesse, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de son plus d'image de la part du graffeur.

La conversation s'étala sur une demi-heure. Parlant de la tuerie des bébés phoques au Canada, Leo apprenait qu'il était peut-être favorable de vérifier ce qui trainait dans son assiette.
Puis il se souvint qu'il y avait rarement quelque chose dans son assiette, ce qui classa l'affaire plus rapidement que prévu.

Alors il tourna les talons et abandonna les manifestants.

Quelques temps plus tard, il arrivait près d'un escalier, énorme -- gigantesque !! avec ce qui ressemblait à des fragments de marbre incrustés dedans. Mais cela ne devait être que pâle imitation, un truc pour en mettre plein la vue et attirer d'autres gens normaux à venir apprendre apprendre et encore apprendre ici.
Une grimace de dégout tira les traits de son visage.
Un chat sauvage entrait dans une fausse cité d'or, retapissée par la cosmétique et les sourires colgate de ses directeurs. Mais peut-être ne voyait-il que le mal là où il le voulait. Leo faisait rarement confiance aux chemins battus, aux pré-requis et à l'"avenir tout tracé". Son dédain envers les billets d'argent était sans limite.

Et son corps libre comme l'air atterrit près d'un petit étang. Mon dieu. Un étang !! se dit-il. Même une école portait une attention toute particulière à son mobilier, tout comme à l'entretient de ses jardins. Une pelouse tondue à ras, pas un seul déchet par terre et des étudiants tous vêtus de costumes chics.
(dans une autre vie, aurait-il été l'un de ces gens normaux qui vont et viennent apprendre apprendre et encore apprendre ?)
Mais son regard se posa sur le dos féminin d'une personne en pleine action. Une personne assise, un peu reculée derrière les arbres-cachettes, affairée à griffer à coups de crayons le calepin sur ses genoux. Que dessinait-elle ? Il ne semblait y avoir en face d'elle qu'un carnaval d'autres étudiants sans intérêt.
Le chat s'approchait, les coussinets du silence masquant toute trace de bruit. Et il se faufilait dans le dos du dos de la jeune fille. En silence on a dit !

"Meow... Meow." Il est à un souffle de la personne de sexe féminin. Sa truffe mal avisée se penche par-delà l'épaule innocente de la dessinatrice. "Je te vois..."

Le campus. Un endroit animé, toujours rempli qui offrait un panel assez important de diversité. Tu en étais la preuve vivante. Une coréenne qui était sur ce sol américain. Et tu étais loin d'être la seule. Tous les pays devaient y être représenté pour former une belle vue multiculturel même si la base américaine était solide et bien ancré. Les confréries, les clubs... Ce n'était pas forcément ce que tu regardais le plus.
A force de venir ici tous les jours, d'étudier, de dessiner, de manger ici, tu avais perdu cet émerveillement des premiers jours qui pourtant avait été présent et fort.

Alors quand tu sortais de tes cours la tête dépitée et blasée de ces jours où tu n'avais envie de rien faire ce n'était pas étonnant que rien ne soit beau. Rien ne soit attrayant dans cette université qui essayait de t'attirer et te retenir comme elle le faisait avec chacun d'entre vous. Tous ceux qui foulaient chaque matin les marches de ce grand perron donnant l'impression d'aller dans la maison blanche ou une quelconque villa un peu trop vieille et strictes.
Chacun allait à ses occupations alors que tu remettais ta sacoches sur ton épaule regardant les marches qui se dessinaient devant toi pour les descendre sans encombre. Ca aurait été le comble. De tomber alors que la journée avait longue et pleines de rebondissements plutôt mal venu.

Vissant tes écouteurs sur les oreilles tu laissais des paroles d'une langue qui t'avait semblé banale et qui maintenant te semblait douce, presque mélancolique. Ta langue natale. Tu gardais un ancrage important dans ce pays que tu avais du quitté pour un père qui n'avait pas encore eu des papiers en règle pour chacun de vous. Car tu n'étais pas seule. Il avait emporté avec lui sa famille, tes frères et soeurs. Mais ici tu ne les cherchais pas, pour ceux qui étaient scolarisé dans cette université. Tu ne cherchais que du calme et un moment à toi.
T'enfonçant alors un peu plus la personne solitaire que tu étais s'installa devant un endroit banal, mais que tu aimais. L'herbe s'étendait, les arbres te cachaient parfois du soleil trop agressif et l'eau réveillait en toi cette tranquillité presque perdue avec toute cette agitation. T'asseyant un moment tu te permis même de pencher ta tête vers le ciel regardant les feuilles qui voulaient te cacher le ciel bleu et blanc de ces nuages envahissant. Un petit sourire fend tes lèvres avant que tu n'enlèves lentement tes écouteurs.

Sortant ta pochette à dessin tu sortis également un crayon et te mis à dessiner. Normalement tu dessinais avec de la musique mais là ce que tu voulais c'était capté l'ambiance de ce que tu avais autour de toi. ET pour cela tu avais besoin d'écouter ce qu'il se passait. Pendant un bon moment tu te concentras couchant ce que tu voyais sur cette feuille de papier vierge rapidement de plus en plus grise.

C'était dans cette concentration presque divine que tu fus sorti par un son pour le moins particulier. Meow.. Meow Un sourcil se hausse alors que rapidement la présence à tes côtés est distincte et presque pesante. Tu sursautes d'un coup à ses mots et sa proximité t'éloignant alors d'un coup en te poussant simplement sur le côté tes yeux détaillant avec surprise le jeune homme qui t'avait effrayé. Des mots coréens sortirent d'entre tes lèvres et tu soupires un bon moment en reprenant un rythme cardiaque normal. Il t'avait fait peur. Tu ne pouvais le nier.

" Qui êtes vous ? Et qu'est ce que vous voulez pour me faire peur comme ça !"

@Leo Arcangelo