Valentine's Day (Kalista)

T'es sorti plus tôt du boulot aujourd'hui. En fait, c'est un peu toi qui décide de quand tu sors et quand tu sors pas du bureau, parce que c'est toi le boss. Et ça c'est probablement une des seules choses que tu apprécies en tant que directeur général de ta boite d'assurances. Au moins, quand ça te soûle trop, pas d'autre solution : tu délègues en prétextant un rendez-vous. Ou tu prétextes une réunion en conférence et qu'on te dérange pas. C'est simple, à vrai dire, d'être PDG, à défaut de détester ça au plus haut point. Toujours est-il que t'es arrivé chez toi extrêmement tôt. Suffisamment pour appeler la femme de ménage en extrême urgence. Elle est sympa, Maria, vraiment. Elle te fait le ménage en deux temps trois mouvements c'est nickel. Mais surtout elle débarque toujours aussitôt contactée. Faut dire que tu la paies bien aussi. Pendant que tu t'atèles à faire à manger tranquillement, elle finit le ménage. Tu la remercies, la paie, et elle te propose de te filer un coup de main. Tu n'es pas complètement contre, t'es complètement nul quand il s'agit de préparer quelque chose. Mais t'as vraiment envie de faire l'effort alors tu lui expliques ce que tu veux, en sommes. Une table bien dressée. Toi, tu fais plutôt les choses à l'arrachée. T'as beau avoir les moyens, désormais, t'as quand même été élevé à la bonne franquette, tu peux difficilement le nier. Une fois tout fini, tu proposes à Maria de lui payer cette aide, mais elle refuse. Après tout, te dit-elle, c'est la Saint-Valentin, faut bien que tu profites un peu de ta femme. Tu comprends très bien le sous-entendu. C'est vrai que t'es pas toujours là souvent, et que votre femme de ménage voit bien plus Kalista que toi, mais malheureusement, pour l'instant, c'est difficile pour toi de changer tout ça. Si tu te reconvertissais, alors, oui, tu aurais tout le temps dont tu aurais envie, mais malheureusement c'est pas le cas...
Après plusieurs heures de préparation seul de ton côté, tu entends finalement ta femme entrer. Tu es bien content qu'elle rentre enfin, tu vas pouvoir mettre ta surprise à exécution. « Bonsoir ma puce ! » la salues-tu avec un baiser alors qu'elle rentre, l'aidant à se débarrasser de sa veste, ce qui est plutôt rare -puis tu n'en as jamais l'occasion surtout. « Ta journée a été bonne ? »

17h34. Elle jetait des coups d’œil incessants à l’heure, affichée en bas à droite de son ordinateur. Encore vingt-six minutes. Elle aurait pu faire plaisir à ses élèves et les libérer plus tôt, ça aurait été un soulagement autant pour eux que pour elle, mais elle ne souhaitait pas prendre de retard dans ses cours. Alors elle se forçait à parler, à expliquer, faisant les cent pas en bas de l’amphithéâtre, tentant de cacher son envie de fuir l’université. Enfin, ses élèves étaient si peu attentifs qu’elle aurait pu disparaître sans qu’ils s’en rendent compte immédiatement. Elle détestait cette impression de parler dans le vide, mais elle ne pouvait pas non plus leur en vouloir, elle-même avait été à leur place un jour, blasée par des cours qui ne l’intéressaient pas toujours, notamment lorsqu’ils intervenaient à la fin d’une longue journée. Mais ce n’était plus qu’une question de minutes désormais, ils le savaient aussi bien qu’elle. Elle était crevée ces derniers temps, ne sachant pas vraiment si c’était parce qu’elle passait trop de temps à corriger des copies le soir ou bien si c’était un « effet secondaire » de sa grossesse. Ou peut-être les deux ? Toujours est-il qu’elle avait vraiment envie de rentrer chez elle pour retrouver son homme et se reposer.

Nouveau coup d’œil à l’heure. 17h58. Bon, personne ne pourrait lui en vouloir de libérer ses élèves deux minutes plus tôt. « Ok, on va s’arrêter là, on continuera la semaine prochaine. » Elle n’eut nullement besoin de le répéter deux fois. Rapidement, les étudiants rangèrent leurs affaires et disparurent, la laissant seule dans le silence de l’amphithéâtre. Elle resta quelques minutes à profiter de ce moment de calme, debout au milieu de la pièce, jusqu’à ce que le bruit d’une porte qui s’ouvre vienne interrompre le fil de ses pensées. A peine eut-elle le temps de se retourner que des bras vinrent enserrer sa taille, tandis que les lèvres du nouvel arrivant se posaient délicatement dans son cou, glissant sur sa peau pour y déposer de légers baisers, arrachant un frisson à la jeune femme. « Joyeuse St-Valentin… » murmura une voix suave et chaude près de son oreille. Cette voix qui lui faisait toujours autant le même effet, même après avoir passé plusieurs mois à l’entendre. Sans répondre, elle se retourna et vint sceller ses lèvres à celles de son collègue et amant, dans un baiser langoureux et passionné qui contribua à lui faire tourner la tête. Son cœur battait toujours plus vite lorsqu’il était là et ses pensées étaient plus confuses. Trop confuses peut-être, car elle savait parfaitement qu’elle n’aurait pas dû faire ça, elle lui avait dit il y a quelques semaines qu’ils devaient stopper leurs fréquentations régulières pour le bien de son couple et de l’enfant qu’elle portait. Mais c’était plus fort qu’elle. C’était aussi plus fort que lui. Si quelqu’un était entré à cet instant, leur liaison aurait été découverte, mais l’université était pratiquement vide à cette heure et ils prenaient toujours soin de se montrer discrets. « J’avais envie de te voir. » Hum… L’envie était partagée, et pourtant. « Tu es adorable, vraiment mais… Il faut que je rentre, je suis désolée. » Elle le repoussa doucement, tentant de reprendre ses esprits pour résister à l’envie de retourner se jeter sur lui. Il ne l’empêcha pas de se sauver, il connaissait son petit côté caractériel qui la faisait réagir au quart de tour si quelque chose l’agaçait. Il s’approcha néanmoins d’elle pour déposer un dernier baiser sur son front, accompagné d’une esquisse de sourire, plus triste que joyeux. Après avoir réuni ses affaires et enfilé sa veste, elle lui jeta un dernier regard et quitta l’amphithéâtre pour rejoindre le parking et grimper dans sa voiture.

Lorsqu’elle poussa la porte d’entrée, une bonne odeur vint chatouiller ses narines et, presque immédiatement, elle vit son homme surgir de la cuisine. Une expression de stupéfaction passa brièvement sur son visage. Harry était rentré tôt et avait en plus pris le temps de préparer le repas. Incroyable. « Qui êtes-vous, qu’avez-vous fait de mon mari ? » dit-elle, se mettant à rire doucement. C’était bon de rentrer chez soi et d’être accueillie par l’homme dont elle était amoureuse depuis maintenant presque quatorze ans. Se hissant sur la pointe des pieds, puisque par rapport à lui elle n’était pas très grande, elle passa ses bras autour de son cou et déposa un baiser sur ses lèvres. « Journée fatigante, mais bonne dans l’ensemble oui. Bien meilleure maintenant que je suis avec toi d’ailleurs. » Elle esquissa un sourire puis le relâcha, prenant ensuite la direction de la salle de bain, bien décidée à se détendre sous une douche brûlante. Elle se déshabilla sur le chemin, laissant derrière elle une traînée de vêtements. Façon de l’aguicher ou bien simple habitude de bordélique ? Je vous laisse le soin d’en juger. Toujours est-il qu’elle laissa la porte entre-ouverte, passant simplement sa tête dans l’entrebâillure, juste avant de se glisser sous la douche, pour demander : « Et toi, cette journée ? Je ne m’attendais pas à te voir rentrer si tôt. »

Alors que ta femme était en train d'entrer, tu t'étais précipité vers elle pour l'aider à se débarrasser. Un petit sourire vint éclairer ton visage. C'est vrai qu'il y a de quoi se poser des questions. D'ordinaire tu es plutôt le genre à mettre les pieds sous la table après une longue journée et à tenter de te racheter en faisant des courses ou le ménage d'un endroit oublié par la femme de ménage, ou sali depuis son dernier passage. Genre la cuisine. Tu nettoies souvent après le repas, mais tu ne fais jamais vraiment à manger. Comme on te le reproche assez souvent, t'as pas le temps. C'est Gwen, ta sœur qui te le reproche le plus, à vrai dire. Elle a du mal à comprendre comment ta femme fait pour te supporter et elle te charrie sans cesse à ce propos. Autrement dit, elle t'en envoie plein la tête. Vous vous embrassez. Elle t'a manqué pendant la journée, ta petite blonde préférée. « Hmm... je ne sais pas. Mais si tu crains trop de goûter, ne te force pas ma chérie. Je me sacrifierai s'il le faut. » Ah le mélodrame ! Tu supportes pas ça à la télé, mais t'adores ça quand c'est dans la réalité. Surtout quand il est exagéré et utilisé comme excuse à un manque d'humour.

Elle sent différemment de chaque matin. C'est comme ça depuis qu'elle travaille à l'université. Elle est différente aussi, mais ça ne te choque carrément pas, t'aimes bien. Si seulement tu savais ! Mais l'odeur de sa peau est restée la même, par contre, et même lèvres contre lèvres, ou la tête dans sa nuque tu le constates toujours.

Sa journée à été fatigante. Tu te doutes que depuis qu'elle est enceinte, tout ne doit pas être simple pour elle. Ca ne tiendrait qu'à toi, tu l'implorerais de rester se reposer à la maison. Mais bien sûr, ça ne tient pas qu'à toi. Tu te tais donc, préférant garder les risques d'hostilité pour toi. T'y peux rien, c'était comme ça à ton époque. Même si c'était pas y a si longtemps que ça, en soi. Mais tu sais très bien que ton père a exigé à chaque grossesse de ta mère, donc toi et ta petite soeur, qu'elle reste à la maison. Et t'as jamais eu envie de ressembler à ton père, non merci. « Tes élèves été plus intéressés que d'ordinaire ? » T'avais une fois, pris le temps et le plaisir d'assister à un cours, récemment. Et t'avais bien vu que l'engouement des étudiants était au plus bas. Voire carrément inexistant, en fait.

Elle part à la douche et tu la regardes aller jusqu'à la salle de bain. Décidément, ta Kali, elle change vraiment pas. Un sourire aux lèvres en la voyant déambuler nue, tu ne peux pas t'empêcher de t'exclamer « Tu comptes manger dans cette tenue ? Parce que je me suis fait tout beau et tout sous mon tablier ! » Mais en vrai, maintenant, t'es plus certain d'avoir très faim, même si tu voudrais bien avoir son avis sur tes talents culinaires...

Si ses élèves s’étaient montrés plus intéressés que d’ordinaire ? Ah ah, elle était bien bonne celle-là. Déjà en temps normal l’engouement n’était pas forcément au rendez-vous, alors lorsque le cours avait lieu de seize à dix-huit heures, n’en parlons même pas. Mais bon, elle avait l’habitude maintenant, ce n’était pas une nouveauté. « Bof, pas vraiment. C’est à se demander pourquoi ils ont choisi de faire de l’histoire. » Pour elle qui était passionnée d’histoire moderne, et d’histoire en général, c’était presque impossible de ne pas s’y intéresser. Pourtant il fallait se rendre à l’évidence, ce n’était pas la matière qui passionnait le plus la population. Tant pis, ils ne savaient pas ce qu’ils rataient !

« Et pourquoi je ne pourrais pas manger dans cette tenue ? Personne ne me verrait de toute façon, hormis mon cher mari. » Repoussant la porte du bout du pied, elle s’appuya contre l’embrasure, s’exposant ainsi au regard de son cher et tendre dans toute sa nudité. Fut un temps où se montrer ainsi nue, même devant lui, la faisait rougir de la tête aux pieds. Désormais ce stade était dépassé depuis maintenant des années et elle aimait sentir son regard se promener sur elle. « Hum, j’ai hâte de voir comment tu es beau alors. Même si tu ne garderas pas ce surplus de tissu bien longtemps. » Après tout, c’était la St-Valentin ce soir, et elle avait bien l’intention de ne pas se contenter uniquement d’un dessert sucré. Laissant échapper un petit rire, elle s’engouffra dans la salle de bain et referma la porte derrière elle.

Même si la sensation de bien-être que lui procurait l’eau chaude sur son corps était absolument merveilleuse, elle était pressée de retrouver son mari et sa douche ne dura finalement pas autant de temps qu’elle l’avait prévu. Désormais elle était debout devant son dressing, enroulée dans une serviette, parcourant du regard les nombreuses robes qu’elle possédait pour en trouver une qui serait parfaite pour la soirée. Elle en choisit deux, de couleurs parfaitement opposées. L’une était bleue nuit, la seconde rouge écarlate. Après quelques secondes d’hésitation, son choix se porta sur la bleue, qu’elle se dépêcha d’enfiler, sans rencontrer de réelles difficultés. Elle était enceinte de seulement trois mois et elle rentrait encore dans tous ses vêtements, fort heureusement. A l’heure actuelle, rien ne laissait vraiment deviner son état. Elle avait juste un peu plus de poitrine qu’auparavant, mais son ventre était encore relativement plat, seule une légère bosse commençait à se dessiner doucement, infime indice qu’une vie se développait dans son utérus. Mais sinon rien d’important pour le moment, elle-même avait du mal à percevoir le changement. Elle n’avait de toute façon pas hâte de ressembler à une vache, et n’était pas encore tout à fait familiarisée avec l’idée de porter un enfant, elle qui n’avait jamais été très maternelle. Mais Harry n’avait de cesse de lui répéter que ça viendrait avec le temps, au cours de sa grossesse, alors elle avait fini par le croire.

« Bien, ça devrait faire l’affaire… » murmura-t-elle, terminant d’enfiler une paire d’escarpins parfaitement assortie à sa robe. Elle était coiffée, maquillée, parfumée, prête à rejoindre son tendre amour. Après avoir quitté leur chambre, elle le trouva dans le canapé et vint se placer face à lui, mains sur les hanches, un sourire taquin aux lèvres. « Alors, tu n’as toujours pas fait brûler la cuisine ? » C’était dit sur le ton de la plaisanterie, mais au fond d’elle-même, elle n’avait quand même pas totalement confiance en ses talents de cuisinier, lui qui ne mettait pratiquement jamais les pieds dans la cuisine. « Qu’est-ce qu’on mange ? J’ai faim. » Elle vint s’installer près de lui, se blottissant dans ses bras comme elle avait toujours aimé le faire. Comme il le lui avait annoncé, il était beau, beau à tomber et bon sang, ce qu’il sentait bon. Elle posa une main sur son torse, faisant courir ses doigts sur le tissu de sa chemise, qu’elle lui aurait bien arraché immédiatement. Mais s’ils commençaient maintenant à partir sur ce terrain, ils ne verraient jamais la couleur du repas qu’Harry avait préparé et, même si elle avait très envie de lui sauter dessus, la faim avait pris le dessus, la forçant à se contenir. Elle se contenta de poser sa tête sur épaule, laissant échapper un léger soupir. « Je t’aime… »

Ta question est à fois logique et insensée. Impertinente même, il faut l'ajouter. Mais tu ne comprends pas ces étudiants, qui ne s'intéressent qu'à moitié à l'histoire, puis faut dire que le conflit générationnel n'aide pas non plus à ce que vous ayez les mêmes idées d'un cours intéressant et constructif. Et la relation avec la prof aussi, oui oui. « Peut-être qu'ils aspirent à un métier intéressant sans passer par la case études ? Ils sont beaucoup les étudiants qui ont des supers rêves de carrière mais qui trouvent les études ennuyeuses à mourir et qui préféreraient donc éviter l'université. » Il suffit de voir Gwen, ta soeur. Elle était le portrait même de l'exemple que tu imaginais. Rêvant de beaucoup de choses pour son avenir et déplorant le simple fait qu'il faille entrer sur les bancs de l'université pour espérer avoir les opportunités qu'elle désirait.

Tu réfléchis. C'est vrai après tout, pourquoi ne pourrait-elle pas ? Ah oui, ça y est, ça te revient ! « Parce que j'ai fait un effort pour être bien habillé et que tu pourrais en faire autant ? Et parce que j'aimerais bien goûter ma cuisine sans penser perpétuellement à autre chose, chérie. » Tu manques que de t'étouffer. Elle est loin la Kalista timide et prude ! « Peut-être bien, mais tant que je les ai, tu dois en avoir, c'est la règle ! » Pas de désavantage et hors de question de manger tout nu ! C'est supposé être un dîner romantique, pas nudiste !

La douche de Kalista dura ce qui te sembla une éternité. D'abord, tu as faim, et ensuite tu as une furieuse envie de profiter d'elle un maximum. La Saint-Valentin, c'est une simple excuse pour passer du temps en amoureux quand tu n'en as pas vraiment la possibilité, c'est vrai, mais c'est surtout une excuse pour cuisiner et laisser sa soirée à ta femme de ménage. Puis faut dire, elle aussi, elle a le droit à un repas en amoureux avec son mari... Si elle en a un, Maria. Alors, en attendant, tu feuillettes le dernier magazine de cuisine que tu as reçu. Tu n'en reçois que peu, c'est un abonnement trimestriel que tu as, particularité du magazine, par ailleurs, mais tu apprécies toujours autant de regarder et découvrir toutes les cuisines du monde que tu pourrais expérimenter au fil du temps. Ou du moins... quand tu aurais du temps.

Ta petite femme finit enfin par sortir de la douche. Tu regardes l'heure. Pas si longue, finalement. Même si tu trouves que si, en dépit de ce que t'indique l'horloge. Tu hausses un sourcil. Comme si tu étais le genre à mettre le feu à la cuisine ! « Mon amour... tu sauras que je ne suis pas mauvais cuisinier ! Tu l'ignores parce que je t'ai très rarement fait à manger, mais je sais empêcher de tout faire sauter. » L'amusement se lit sur tes lèvres, étirées en un large sourire. « Ahah ! Ca, c'est la surprise du chef ! » T'es pas le genre à faire des cachotteries, mais pour une surprise, t'es prêt à faire une entorse au règlement. Et, tandis qu'elle se blottit contre toi, l'enlaçant dans tes bras, tu te contentes de faire reculer la "révélation" de cette surprise en appréciant le contact de sa chaleur. « Je t'aime aussi, Kali. » Et encore, ces mots sont dérisoires face à ce que tu ressens réellement pour elle.