Malan | Je suis tellement énervé que je pourrais m’en foutre une sans le faire exprès.

Mabel n'était le genre de personne à se plaindre. Loin de là. C'était le genre de personne qui venait quand même à son boulot, même avec 40 de fièvre, le genre de personne qui prenait le risque de contaminer ses collègues plutôt que d'admettre qu'elle était malade. Pour elle, malade était synonyme d'être faible et jamais Mabel n'accepterait le fait d'être faible, ne serait-ce qu'une micro-seconde. Pourtant, il y avait des jours où il n'y avait pas le choix, il fallait se rendre à l'évidence, les humains n'étaient pas forcément les plus résistants. Pourtant la journée avait bien commencé pour Mabel, il faisait beau, elle se sentait de bonne humeur (chose suffisamment rare pour être relevée) alors c'était le cœur léger qu'elle se rendit à son travail. C'était une journée plutôt calme, ce qui ne faisait qu'améliorer l'état d'esprit de la belle blonde, mais il suffisait d'une seconde pour tout changer. Alors qu'elle était en train de préparer des frites, d'un coup la friteuse prit feu. Instinctivement Mabel se recula, mais trop tard, elle s'était déjà brûlée la main. Aussitôt, elle l'a pensa sous l'eau, pour minimiser les dégats, tandis qu'un de ses collègues s'occupa d'éteindre le feu de friteuse.

Après dix minutes sous l'eau froide, Mabel jeta un coup d'oeil sur sa main avant de grimacer. C'était immonde, on aurait dit la main de Gollum. "Oh putain Mabel, il faut que tu ailles aux urgences là, c'est sérieux comem brûlure !" lui dit son collègue. Mabel haussa les épaules, feignant l'indifférence. "Non, c'est bon, ça va aller" dit-elle alors qu'elle avait le sentiment qu'on lui enfonçait un million d'aiguilles dans la main. Au regard de son collègue, elle devina que celui-ci ne croyait pas un mot de ce qu'elle disait. "Bon, je t'emmène aux urgences, interdiction de discuter !" Elle râla quelques secondes avant de céder. Ouais, bon, elle avait vraiment mal, ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée.

Les urgences... Mabel n'y avait pas mit les pieds depuis ses sept ans. Cette fois où elle s'était cassé la gueule d'un muret de deux mètres, en voulant prouver qu'elle était capable d'y sauter. Bizarrement, elle en gardait zéro souvenir, aussi, elle ne savait pas du tout comment cela fonctionnait. Quand elle arriva à l'accueil, elle cru qu'elle allait commencer un meurtre. On lui avait dit d'attendre. "Attendre ? Comment ça attendre ?! C'est pas censé être les urgences ? Vous voulez que je vous définisse le mot urgence ? Car là, je n'ai pas l'impression que vous soyez pressés..." Mais on lui dit qu'elle avait des cas pire qu'elle, qui étaient prioritaires blabla. On lui passa un formulaire à remplir. Mabel prit ce dernier tout en faisant la gueule, avant d'aller s'asseoir. Et elle cru que le cauchemar continuait en voyant les questions qu'on lui posait, surtout celle à propos de l'assurance. Putain de merde, comment allait-t-elle faire pour payer, elle avait une assurance de merde, elle était sûre que ça n'allait pas être pris en charge... Elle savait qu'elle aurait du négocier avec son collègue pour qu'il l'amène au dispensaire... Malgré le risque de choper une maladie vénale là-bas, juste en touchant une poignée de porte... Le temps passait, et elle attendait toujours... Alors qu'il n'y avait personne dans la salle d'attente. Elle se redirigea vers l'accueil  "Bon, c'est quand que quelqu'un vient s'occuper de moi ? Quand je serais morte ? Ça fait plus d'une heure que j'attends là !" "Oui, mais on est débordé.... Mabel soupira avant du taper du poing, de sa main valide, sur le comptoir  "Mais vous faites chier putain ! Débordés ? Vous vous foutez de ma gueule ? La salle est vide !!"

« C’est pas le moment de vérifier le ballonnet, dépêche toi il désature ! » L’interne relâcha la sonde, la panique envahissant ses traits. Après une hésitation, il attrapa la lame, la calant contre la langue avant d’enfoncer la sonde dans la gorge. Aslan le regarda faire, observant avec attention. Pas de buée dans le tuyau, c’était louche. Il attrapa le stéthoscope, écoutant les poumons : presque rien, juste un sifflement inquiétant. « Putain Arthur, t’es dans l’oesophage ! » Il le poussa sans ménagement, retirant la sonde et recommençant aussitôt l’intubation.
Il savait que ce n’était la bonne manière de lui parler. C’était loin d’être la manipulation la plus simple, et il n’était encore qu’un étudiant. Mais c’était justement ça, le problème. Aslan considérait que n’était pas à un infirmier de gérer les étudiants de médecine. S’il n’avait pas eu une spécialisation en anesthésie, lui-même n’aurait probablement pas su le faire non plus, et la patiente leur aurait claqué entre les doigts. Ils étaient en sous-effectif, tout spécialement aujourd’hui, et ça commençait à prendre des proportions dangereuses qui avaient tendance à jouer avec son sang froid. Ca allait vite, un sous-effectif : un séminaire pour une partie des médecins, deux burn-out chez les infirmières, et il se retrouvait déjà à faire plus de babysitting avec les internes qu’un réel travail d’infirmier.

Par chance, les Urgences étaient plutôt calmes, aujourd’hui. La patiente stabilisée, Aslan laissa Arthur l’emmener dans un autre service et retourna aussitôt aux admissions. Avec la poisse qu’il avait, la salle d’attente presque vide une heure plus tôt serait déjà pleine à craquer.

Mais non, ce n’était pas le cas - pas cette fois. La salle était presque déserte, et le raffut qui en émanait n’était le fruit que d’une seule patiente, une jeune femme blonde, frêle, et visiblement d’une humeur aussi rayonnante qu’Aslan.
C’était courant, bien sûr. Les américains n’étaient pas connus pour leur patience d’une façon générale, mais ajoutez à cela l’inquiétude et la douleur, et vous obteniez de vraies bombes à retardement. L’infirmier avait très vite appris à ne pas s’en formaliser - mais il fallait bien avouer que quand il était de mauvais poil également, c’était bien moins simple à supporter. Il coupa les deux femmes d’un faussement enjoué « Bonjouuur », se glissant derrière le comptoir de l’accueil. « Pardon pour l’attente, on était en pleine partie de Monopoly, c’était vraiment la fo-lie... » Il croisa le regard soulagé de sa collègue, attrapant le dossier d’admission qu’elle lui tendait. « Mais pas de chance, j’ai perdu, alors… » Il agita le dossier en guise de conclusion, l’air de dire que du coup, il était obligé de venir s’occuper d’elle.

D’accord, les sarcasmes étaient rarement la meilleure façon de désamorcer les choses - mais il avait méchamment besoin de décompresser, lui aussi.

Il parcouru rapidement le dossier du regard, soupirant en lisant le terme brûlure. Pas étonnant qu’elle râle, ce genre de blessures faisaient un mal de chien. Il releva les yeux vers la jeune-femme, sortant de l’accueil pour commencer à se diriger vers les boxs de soins. « Mabel Wilson, suivez-moi je vous prie. »

Peut-être était-ce la douleur ou alors son humeur en général mais Mabel avait des envies de meurtre. Ce n'était clairement pas le moment pour venir la faire chier. Et plus elle attendait, plus elle avait le sentiment que la douleur dans sa main empirait. Elle avait l'impression de recevoir des décharges à chaque fois qu'elle bougeait la main. Si son père avait été là, il lui aurait surement dit que tout cela n'était que psychologique et que cette brulure n'était que superficielle. C'était peut-être le cas, mais toujours était-il que, psychologique ou non, elle douillait sa mère. Elle inspira un grand coup, essayant de se concentrer sur autre chose, mais non, rien ne marchait. Et la réponse de la secrétaire ne l'aidait pas à se sentir mieux. Elle allait à nouveau râler quand une voix la coupa dans l'action. Un infirmier vu sa tenue. Alors qu'elle se disait qu'on allait enfin s'occuper d'elle, la réponse de ce dernier l'agaça. "Sérieux ? C'est une politique dans cet hosto de se foutre de la gueule des personnes blessées ?" demanda-t-elle énervée. "C'est bien beau ça, bravo ! Si je n'étais pas blessée, j'aurais applaudit tiens !" rajouta-t-elle avec ironie. Peut-être que si elle n'était pas blessée ou alors que le sarcasme ne lui aurait pas été adressé, elle aurait trouvé ça drôle, mais actuellement, elle était trop énervée pour faire preuve d'humour.

Enfin l'infirmier lui dit de la suivre, enfin on allait s'occuper d'elle. Ce n'était pas trop tôt. Elle avait bien envie de le dire à voix haute, mais vu que le personnel de cet hôpital avait l'air bien chiant, elle craignait qu'on la fasse attendre de nouveau, juste parce qu'elle avait ouvert sa gueule. Ils arrivèrent dans une petite salle et Mabel s'installa sur le lit d’auscultation sans vraiment attendre la proposition de l'infirmier. A vrai dire, elle voulait en finir au plus vite avec ça, et c'est pour cette raison qu'elle enchaîna "Je me suis fais ça au boulot, une friteuse à prit feu. J'ai passé ma main sous de l'eau tiède mais je crois que les dégâts sont plus important que ce je pensais." Elle grimaça avant de montrer sa main qui était devenue aussi fripée qu'un vieux pruneau. Actuellement, elle se souciait pas vraiment de l'esthétique de sa main, mais elle s'inquiétait plus de savoir si un nerf avait été touché ou non.