What you want right now ? (Ae-liam)

Un soupir étouffé par le tissu spongieux de la serviette de bain et je finis par relever la tête pour me regarder dans le miroir. Mon reflet me renvoie une vérité déformée, mais j'ai l'habitude maintenant. Peut-être un peu trop. Qui saurait le dire? Lorsque la conscience fait un passage, les regrets ou le dédain se peignent sur mon visage et transforme mes traits. Mais ce n'est pas le cas ce soir. Non, il n'y a qu'une certaine frustration et une volonté de faire passer la journée par une dépense d'énergie.

Je croyais que le problème de la dépense d'énergie était réglé pour ce soir lorsque cette blondinette est venue m'accoster au bar pour que me demander si je lui offrais un verre. Le genre de gazelle charmante aux yeux papillonnant et large sourire, peut-être un peu dénudée d'esprit, mais qui compense par un profond décolleté qui n'a pas à être gêné. Que le contenu de son soutien-gorge soit refait ou non, ça, j'en ai rien à faire; on peut s'amuser quand même. Alors où est-ce que ça a merdé pour que je me retrouve seul chez moi? L'hypothèse étant qu'elle ne voulait qu'un verre sans dépenser un rond? Non, elle est resté et semblait apprécier ce qu'elle avait sous les yeux, la boisson n'ayant peut-être même servi que de prétexte puisqu'elle y a à peine trempé les lèvres. Une phrase dite de travers? Non, là encore, je crois pas qu'elle avait de plainte à formuler. La furie brune avec laquelle j'ai couché y'a deux ou trois semaines et qui a cru bon de se taper une scène parce qu'elle n'a pas compris ce que "Allez, ciao!" veut dire et crois que notre "histoire" durerait plus que quelques heures dans son lit? Bingo! Ticket gagnant. Et elle n'a apparemment pas apprécié que je lui remette les pendules à l'heure dans un certain calme et total désintérêt. La gazelle non plus apparement. Pour le coup, je me suis pris une gifle de celle qui aurait pu être le plan de ce soir et surtout, une douche de cocktail sucré et coloré gracieuseté de Miss "Pourquoi j'ai pas de tes nouvelles!?". Ma chemise est probablement bonne pour la corbeille. Chiant.

L'abandonnant, je marche le long de l'appartement, fouillant dans mon registre de contacts qui pourrait passer à la casserole avant que je n'en sois réduit à me claquer un marathon sous les étoiles. Le nom d'Aeden apparaît au milieu de tout ça et me tire un sourire en coin. Mes doigts courent un instant sur le clavier. "Yo, sweetheart. J'espère que t'es chez toi." Le premier sms part avant que je n'aille récupérer un simple t-shirt noir et que j'enfile des baskets. "J'arrive." Ajoutais-je avant de verrouiller derrière moi. S'il n'était pas chez lui, je serais prêt à parier qu'il s'est mis en route dès le premier signe de ma part. Du coup, je peux bien prendre mon temps pour parcourir les quelques mètres qui séparent nos deux appartements.


Quelques coups cognés sur le battant de la porte et j'attends qu'il m'ouvre, appuyé nonchalamment contre le cadre.

- Désolé, j'ai oublié les roses et la bouteille de champagne, ironisais-je en guise de salutation, ne me gênant pas pour entrer.

Pas vraiment de salutations, du moins pas au sens Bonjour-Bonsoir du terme. Ça tourne plutôt aux piques qui flirte entre amusant et chiant. M'invitant à l'intérieur sans même attendre qu'il aie ouvert la bouche. Et pourtant lorsqu'il le fait, un sourire vient soulever le coins de mes lèvres alors qu'il me surnomme l'inconnu. Crédible… Ou alors il fait bien des choses avec des inconnus. Mmhh. Dis comme ça, c'est peut-être vrai. Après le niveau de connaissances dépend de l'appréciation de chacun. Il connaît certaines lignes de mon corps, mais n'a aucune idée de qui je suis. Il connaît William, mais ne sait pas par où il est passé. Je connais certains de ses penchants, certains des ses points faibles, mais ...je me fous du reste. Et ce que je sais, je ne l'ai appris que par hasard, non parce que je cherchais véritablement à savoir.

C'est une subtilité que plusieurs n'arrivent pas à figurer : rares sont ceux qui m'intéressent pour autre chose qu'une partie de plaisir ou un avancement personnel. Je sais charmer, je sais flatter, mais je ne le fais que lorsque j'en ai envie. Et maintenant, alors que je sais que je n'ai pas vraiment à me forcer avec Aeden pour que les attaches de ceintures sautent, je n'ai pas envie d'être outrageusement charmant. Aussi, j'ignore sa première question, préférant, une fois vaché sur le canapé, m'étirer pour me servir sans demander dans le paquet de cigarettes sur la table basse. Muet, j'allume, prends mon temps et laisse plutôt mon regard vagabonder. Du moins, jusqu'à ce qu'il insiste.

- Ta soeur, répondis-je, presque blasé. Mais t'as le bassin plus large et confortable, qu'est-ce que j'y peux? fis-je en haussant négligemment les épaules.

Je n'ai aucune idée si c'est vrai ou pas. Je n'ai pas non plus besoin de vérifier. Même si c'est faisable si elle existe et que je la croise. Pas comme si ça me créerait le moindre scrupule d'avoir passé dans le lit des deux.

Haussant un sourcil alors qu'il dit que je ne pourrais pas me passer de lui, ma voix de faire traînante lorsque je lui réponds.

- Oh, j’ai dit que c’était confortable, pas que t’étais la 8e merveille du monde, rectifiais-je en tirant une bouffée.

Faut bien lui crever sa bulle avant qu'il se mette à croire qu'il est irremplaçable dans ma vie. Il touchera plus le sol si je le laisse filer sur ses pensées. Et de la bave sur mes chaussures parce que j'ai un mec en pâmoison en avant de moi, non merci! C'est drôle le temps de le rembarrer, mais c'est à peu près tout.

Mais bon, désormais j'ai peut-être la méthode pour lui faire ravaler n'importe quelle plaisanterie, puisque je semble avoir toucher une corde sensible en mentionnant sa soeur. Mais c'est qu'il serait protecteur le mec!

- T’oserais vraiment lever la main sur moi, Aeden? Le questionnais-je avec un sourire bien installé au coin des lèvres, le fixant, particulièrement amusé qu'il me menace à demi-mots.

Ça pourrait être marrant qu’il essaie de m'en coller une, tiens! Ça n'en serait que plus agréable de le retourner dans son ressenti, de jouer sur ses points faibles, jusqu'à ce qu’il quémande que je m’occupe de lui. Ouais. Faudra peut-être que j’essaie de trouver la soeurette un jour. Rien que pour lui faire péter les plombs au frérot.

Il s'approche, coupant l'espace entre nous, envahi le mien tandis que je laisse faire et qu'il déblatère au sujet de me connaître un peu mieux. Ha bah, il va courir longtemps le lapin avant que je lui dise qu'est-ce qui pourrait miner ma journée! Il se prend pour un hypothétique petit copain sentimental, là ou quoi? Un rire s’échappe de ma gorge, sarcastique, alors que je me fous que sa question soit par curiosité ou inquiétude.

- Pourquoi je te balancerais la moindre information? Ça se mérite, ça, tu sais? Le questionnais-je moqueur.

Et c’est pas comme si présentement y’avait vraiment quelqu’un dans ma vie qui méritait que je lui dise ce qui s'y passe! Y’a peut-être eu des gens, avant, à qui j’aurais pu dire un ou deux trucs, mais sans plus. Qui plus est j'ai pas été élevé avec la mentalité de déballer tout ce que j'avais en dedans pour le vomir en larmes, pleurs ou tendresse, alors à quoi bon que j'essaie de changer ça maintenant? Pour ses beaux yeux? Pour établir une relation de confiance? Et puis quoi encore? Les emmerdes ça arrive, les journées difficiles aussi. C’est la vie qui avance c’est tout. Parfois elle prend des chemins qu’on avait pas prévu ou offre des voies qu’on aurait pas imaginé possibles.

Après s’il veut vraiment une info, je peux bien lui en rappeler une, mais c’est pas difficile à trouver que je suis un baiseur sans réel remord. C’est pas un scoop, mais ça en étonne encore quelques uns/unes. Je veux dire, Miss Daïquiri tantôt, faut pas penser que c’est la première fois que j’ai droit à ce genre de scène.

La langue d’Aeden contre mon oreille me ramène à la situation me faisant oublier les deux nanas et l’engueulade au bar pour m’occuper d’un autre genre de scène. Mes doigts attrapent la mâchoire du brun qui s'amuse peut-être un peu trop, le fait reculer. Je serre un peu, juste pour le diriger et que je puisse le regarder. Tirant lentement sur ma cigarette, je défais légèrement ma prise pour me permettre de passer mon pouce sur ses lèvres tranquillement, sans rien dire. Mon regard passe de ses yeux à ses lèvres tandis que je l’embête, que je joue avec sa patience.

Délaissant cette partie charnue, je glisse mes doigts à son cou pour le maintenir en place tandis que je m’approche à mon tour après avoir expulsé la fumée du bâton de nicotine sur le côté.

- De nous deux, qui sait rendre l'autre complètement dingue? Murmurais-je près de son oreille.

Il n'est pas question que je la lui lèche comme il l'a fait, non. Je ressers un peu plus ma prise sur sa gorge, le repousse à nouveau pour l'obliger à ce que son dos rencontre le canapé. Sans gêne, je m'installe sur sa cage thoracique, coinçant l'un de ses bras avec un jambe, tandis que l'autre est bien appuyé au sol. J'en suis relativement stable.

- T'as l'air de quoi, là? Me moquais-je jouant de ma main sur son coup, bougeant son menton à ma guise tandis que je tire un peu de nicotine.

Un regard un peu blasé tandis qu'il en déduit que j'en pâme pour son derrière. J'ai déjà dit que c'était pas la 8e merveille du monde. C'est un cul, pas le Saint Graal. Une paire de fesse avec lesquelles m'amuser quand je veux pas jouer de la main droite. Il va encore s'imaginer de quoi s'enfler la tête probablement. Je pourrais rectifier encore une fois, protester, mais est-ce que ça vaut vraiment l'énergie? Nah. Qu'il pense ce qu'il veut finalement. Il se mangera le mur de la réalité plus durement un beau jour et c'est tout. Il atteindra peut-être ce niveau de pathétisme. Pour son amour-propre, c'est peut-être pas ce qu'il y a de plus souhaitable, mais pour mon amusement personnel, je dis pas non. Et si j'argumente trop longtemps, il croira que j'essaie de camoufler une impossible vérité comme quoi je peux plus me passer de lui. Mouais, mais non, ça va.

Ce à quoi je dis pas non, par contre, c'est poser un doigt ou deux sur sa soeur rien que pour le provoquer. D'accord, ça ne se fait pas en claquant des doigts et faudra peut-être que je sache qui s'est la nana en question avant de pouvoir dire que je peux vraiment faire pression chez lui de ce côté. Et, disons que, pour l'instant, j'ai d'autres chats à fouetter, mais je garde dans un coin de ma tête. Ou pas. On verra bien ce qui se pointe et me fait envie. Et ce qui me fait envie, ce soir, maintenant, avant de profiter de lui et de son corps, c'est de le l'embêter. Sur n'importe quel front. Et ça fonctionne assez bien jusqu'à présent je dois dire. Ça me tire d'ailleurs un sourire en coin, parfaitement valide avec le qualificatif  "connard"  qu'il doit penser ou du moins c'est ce que les traits de son visage me laisse à penser. Il n'a pas l'air d'apprécier particulièrement que je le prenne pour l'un des coussins du canapé. Pourtant, il tenait vraiment à me faire dire que j'adorais qu'il soit confortable y'a dix minutes. Faudrait qu'il sache ce qu'il veut, ce mec. Et ça méritait pas nécessairement un coup à quelques poils de proximité de mes couilles. Les réflexes humains étant ce qu'ils sont, je me replis en un spasme et le relâche par la même occasion, manquant de le griller avec ma cigarette. Pourtant elle reste entre mes lèvres tandis que c'est mon tour d'apprécier le confort des fournitures. Et il s'amuse à m'avoir planqué les bras dans le dos ce con!

Coincé par mon propre poids, je n'apprécie que très moyennement le cadran de la montre qui frotte sur les cicatrice près de ma colonne vertébrale. Ça ne m'empêche pourtant pas de lui servir un simple sourire crâneur quand il me retourne baveusement ma question. Une poussée et je pourrais tout changer. Une poussée des mains, un coup de bassin et je change la donne, l'envoyant au sol sans délicatesse pour récupérer ma liberté de mouvements. Mon équilibre y ayant goûté au passage, mon genou rencontre le sol également avant que je ne puisse vraiment l'amortir. D'un rapide mouvement, je me débarrasse de ma clope dans le cendrier avant de me brûler. Mon autre main agrippant la taille de son pantalon, je le tire sèchement jusqu'à ce que mon bassin ne rencontre ses demi-lunes. Pas la meilleure des idées quand on vient de se prendre un coup dans ce secteur, mais on ravale la grimace avant que ça pointe et on continue de le regarder comme si le tour de hanche était un tour basique.

- Ça te va comme réponse? Le narguais-je.

Son gémissement répond parfaitement à ma question. Bien sur que ça lui convient. Il aimerait probablement que je continue sur cette voie d'ailleurs et c'est ce qui me fait avoir un air de crâneur. Ce qui le fait soupirer. Faut pas croire à ce son que je vais encore me retrouver sans rien comme activité pour la soirée. Non. J'en connais assez pour capter la lueur qui est passée dans ses iris : il en veut encore. Mais ne l'admettra pas nécessairement ouvertement. Sauf que le frustrer jusqu'à ce qu'il l'admette est un jeu amusant.

Et quand je dis qu'il ne l'admettra pas, je prends pourtant le genre d'acte qui suit pour une demande de sa part. Le mouvement de bassin pour inverser nos positions, sa tentative de m'immobiliser et de me mettre à sa merci, ses mots qui forme une provocation au creux de mon oreille.

- Et je dois te croire quand tu dis ça? Le questionnais-je, laissant lentement les mots glisser hors de ma bouche, haussant un sourcil pour lui montrer que je ne suis pas dupe.

Il commencerait à s'ennuyer? Non, je suis certain que non. Mais il désire ardement de nouveaux mouvements à le faire gémir comme tout à l'heure. Il veut plus de contact et pas seulement que j'essaie de lui faire prendre les nerfs. Et comme pour prouver mon point, il vient coller ses lèvres aux miennes. Je n'ai pas besoin de faire un geste qu'il serait presque prêt à effectuer tout le boulot. Enfin presque. L'idée change un peu quand je sens ses dents s'enfoncer dans ma chair, jusqu'à vouloir l'éclater. Le goût ferreux qui s'installe dans ma bouche me confirme que ça paraîtra encore quelques jours. Pourtant je le laisse faire sans émettre un son, me contentant de le fixer jusqu'à ce qu'il aie fini son manège. Je n'irai certainement pas lui donner la satisfaction de lâcher une plainte ou un gémissement de plaisir tordu. Et certainement pas pour une blessure aussi petite.

Il se redresse et je croise son air fier qu'il n'essaie pas de cacher. C'est bon, il est content? D'un mouvement sec, je défais la prise sur mes poignets, lui faisant ainsi perdre son point d'appui au-dessus de ma tête. J'en bouge d'ailleurs la mienne pour m'éviter un coup de boule si le choc le met en déséquilibre. Oui, c'est évident que je préfère qu'il s'éclate le front sur le parquet et non sur mon nez. C'est pas un crime de pas vouloir se prendre des coups inutiles, à ma connaissance.

Prévenant une possible tentative de blocage de sa part avec une main, je glisse l'autre sous son boxer avec autant de délicatesse qu'on enfourne un pain. Je n'ai pas tellement de difficulté à trouver ce que je cherche.

- Tu t'ennuies toujours? Demandais-je avec un sourire en coin prononcé, un air joueur qu'il voudra peut-être me faire ravaler, mais il n'est plus tellement en position d'essayer quoi que ce soit du genre. Sa tentative pour m'éclater une couille puis sa volonté à me déchirer la lèvre inférieure, je vais m'amuser à les lui faire payer.