Enfermée dans son bureau, les volets fermés, elle est un peu noyée sous les projets, les plans et ses calculs lorsque son téléphone portable la coupe soudainement de ses réflexions. Esquissant un froncement de sourcils, agacée d’être sortie aussi brutalement de son état de concentration, elle finit par se résigner et commence à chercher cet objet agaçant à la mélodie tout aussi dérangeante. Les papiers sont poussés sur le côté, le clavier soulevé et secoué dans tous les sens et la tasse à moitié pleine maltraitée sous une pluie de « Fait chier », « Merde » et « Putain » pour finalement trouver son smartphone sur son siège. Elle était assise dessus depuis le début. La seule pensée qui lui vint en décrochant fut qu’il était temps de penser à réactiver le mode vibreur. C’est d’un
« Allo » désinvolte qu’elle accueille sont correspondant. Elle fait un pari avec elle-même qu’il s’agit soit de sa mère qui la harcèle encore une fois pour venir la voir avec les petits, soit sa soeur pour lui soutenir mordicus que son dernier pull est bien couleur framboise et non raisin. Enfin bref, elle s’attend à des conneries pour lesquelles elle n’a pas vraiment le temps de se consacrer, là, tout de suite.
« Bonjour Madame Oxton. Je suis désolée de vous déranger … » Et elle perd sur tous les tableaux. L’agacement laisse place à la curiosité. A l’autre bout de la ligne, il s’agit d’India O’Deorain, la jeune adolescente qui garde ses enfants. Par intuition, rien qu’au ton de la voix, elle sent qu’il y a quelque chose qui cloche.
« …J’ai eu un petit souci et mon père est injoignable. Est-ce qu’il vous serait possible de m’aider … » Pour sûr cela ne pouvait être au sujet de ses gamins, ils sont avec leur père à San Francisco. A peine la conversation est terminée que la grande brune se précipite hors de son bureau en direction de sa voiture. Elle roule un peu vite pour arriver jusqu’à la demoiselle, c’est vrai, mais se montre plus prudente sur le chemin vers la maison de cette dernière.
Quand Jayden se stationne devant la maison, elle constate qu’il y a de la lumière et se retourne vers l’adolescente pour lui faire signe de descendre. Elle la raccompagne jusqu’à sa porte avant de frapper et de se faire accueillir par un homme aux cernes un peu trop présentes. Il a l’air fatigué et tendu, deux points qui réveillent la tendre pitié de la jeune femme. Le diagnostique est plus que clair : cet homme a besoin de décompresser d’autant plus si elle doit lui annoncer pourquoi c’est elle qui ramène sa fille. Après avoir échanger quelques banalités imposées par le sens de la courtoisie, Jayden invite un ami au bar. Personnellement, elle a toute confiance en la demoiselle derrière lui pour ne pas brûler la baraque. Après tout si ça n’avait pas été le cas, elle ne l’aurait jamais laissé entrer dans sa maison . Et , ah oui, garder sa progéniture aussi.
Vous savez à présent comment elle en est arrivée à se dandiner gentiment et chanter sur Cotton Eye Joe, son verre de bière à moitié entamé et à essayer de divertir un ami avant de lui asséner.
« Ta fille m’a appelé parce qu’elle n’arrivait pas à te contacter! Et elle cherchait à te contacter …If it hadn't been for Cotton Eye Joe… parce que le service de sécurité l’a appréhendé suite à la farce d’une de ses amies ….Where did you come from Cotton Eye Joe ? » Sur ce, elle but une nouvelle gorgée de sa bière.
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