Polly wanted a cracker... [Ciaràn & Tova]

Polly wanted a cracker...

feat Ciaràn & Tova

Ouvrir son cabinet est une étape importante. Presque dangereuse, en réalité, surtout à 25 ans. Parce qu'il faut se construire une réputation, réputation qui guidera votre carrière. Mais je n'ai jamais vraiment eu peur du danger.

En huit mois, je n'avais traité que des affaires assez simples, pour ne pas dire complètement barbantes. Vol. Détérioration de bien public. Vol. Encore vol. Mais je ne crachais pas dessus, elles m'aidaient à me lancer et à me faire un nom. Je me souviendrai toujours du jour où cette jeune fille a franchi le pas de mon cabinet. Elle avait à peine quinze ans, et sa mère s'agrippait à sa main, comme si elle craignait que sa fille s'évapore. A leur regard paumé et à leurs traits tirés, j'ai rapidement compris qu'on ne venait pas, aujourd'hui, me parler d'un portable volé.

Vous avez contacté la police ? Non. C'est étrange comme, parfois, ce qui peut nous sembler évident est loin d'être un réflexe pour les autres. Cette jeune fille, devant moi, avait été invitée à la soirée d'une amie qui fêtait ses dix huit ans, avait été agressée, était rentrée chez elle. Est-ce qu'elle avait appelé la police ? Non, elle avait pris une douche. Est-ce qu'elle avait prévenu sa mère ? Non, elle avait avalé une boîte de médicaments. Et la première chose qu'elles avaient faite en sortant de l’hôpital était de venir me voir, ici, pour me raconter leur histoire. Le rôle des avocats est bien souvent sous-estimé. On ne s'imagine pas le nombre de démarches qu'il faut faire avec nos clients, avant même que le dossier ne trouve une existence aux yeux des forces de l'ordre. C'est donc tout naturellement que mon premier acte, en tant que représentante de cette jeune fille, a été de l'accompagner au commissariat le plus proche pour qu'elle y dépose plainte. Et la machine pénale était lancée. Déposition. Enquête. Interrogatoire. Contre-interrogatoire. Confrontation. Assignation. Une suite d'épreuves à traverser face auxquelles les victimes n'arrivent pas toujours à faire front tant elles semblent sans fin. Ma cliente, elle, semblait tenir le choc. Ou plutôt, elle était dans un état second qui l'aidait sans doute à tenir debout. Et tenir debout était impératif, surtout ce jour là, puisqu'elle allait devoir se confronter à son agresseur présumé -du moins aux yeux de la loi, pour moi il ne faisait aucun doute qu'elle disait la vérité. Respire. Ça va aller.

En arrivant au commissariat, on nous indiqua un étage et un couloir où attendre. Maître Mallemort y trônait déjà. Sa réputation n'était plus à faire : défenseur des riches, très doué, très demandé. Il avait sans doute étouffé bon nombre de dossiers. Et malheureusement pour ma cliente, son agresseur n'était pas né dans les quartiers les plus mal famés, sans quoi son sort aurait rapidement été réglé. Il ne me restait plus qu'à espérer que l'enquêteur à qui l'on avait remis ce dossier ne soit pas aussi bourré de préjugés que mon confrère, ni aussi corrompu.