Voilà ce que tu penses depuis le moment où tu as ouvert les yeux ce matin, découvrant un splendide étron félin sur tes draps, sur ton torse. Odorant. De consistance suspecte, te faisant hésiter quand au fait de bouger. Le genre de truc immonde sorti d’un orifice encore plus immonde qui te fait te poser des questions sur ce que tu as bien pu lui filer à bouffer pour qu’il te chie un truc aussi infâme sous le nez. Et te faire questionner également quant à l’amour que peut bien te porter Ziggy. Sale bête.
Puis après ça, tu t’es rendu compte en prenant ta douche que tu as encore oublié de payer ta facture d’eau chaude. On peut dire que ça a bien réveillé. Mais toi qui rêvais d’une douche chaude après t’être fait déféquer dessus par ton chat, tu t’es retrouvé à grelotter et claquer des dents le temps de pouvoir, enfin, te sentir propre. À la sortie de la douche, point de serviette ! Tu as oublié de faire une lessive. Génial. Décidément, quelle belle journée de merde. Tant pis, tu te dis. Tu vas te laisser sécher à l’air libre. Et c’est ce que tu as fait.
Et puis, une fois sec, tu t’es habillé, en prenant les premières fringues qui te tombent sous la main. Un jean troué, un t-shirt blanc, ta veste en cuir. Tu enfiles tes chaussures, attrape ton casque de moto, tes clés, laisse de quoi se nourrir à Ziggy et tu sors. Tu as besoin de t’éloigner, de partir, quelques heures, oublier tout ça sur ta fidèle monture. Stardust, que tu l’as appelé, ta moto. Ouais. Ça fait un peu psycho, en fait, ton obsession de te relier à Bowie alors que tu n’es pas lui. Loin de là.
Et tu roules, tu roules. Tu ne sais pas où tu vas mais tu y vas. Enfin. Ca… c’était le plan prévu initialement. Parce qu’au détour d’une rue de la Cité des Anges, tu roules sur un clou. Qu’est-ce qu’il foutait là ? Aucune idée ! Mais ta pauvre Stardust se fait crever un pneumatique. La perte violent de pression déstabilise ton deux roues, tu perds le contrôle. Tout se passe très vite.
Et te voilà, allongé au sol, sonné. Tu retrouve tes esprits, assez rapidement. Des passants passent. D’autres s’arrêtent pour te demander si tout va bien. Tu hoches la tête, avant de retirer ton casque et chercher Stardust des yeux. Elle gît, quelques mètres plus loin, contre la façade d’un bâtiment. Ton cœur se brise, tu sens qu’elle est en piteux état, qu’elle souffre. Tu te lèves, lentement, en faisant attention à ton corps, des fois que tu te sois blessé dans la chute et que tu ne l’as pas senti de suite. Mais non. Ça va. Rien de grave pour toi. Pour ta bécane, en revanche… elle va devoir faire un séjour à ton garage favori.
Mais là, t’as pas la force de la bouger. Ni de tenter quoi que soit. T’as la tête qui tourne, doucement. Besoin de t’assoir. Et boire un coup. Mais t’arrive pas à bouger, une fois ton cul posé. Et tu te doutes bien que les gens ne te viendront pas en aide. T’as dit que tout allait bien, alors on ne s’inquiète pas plus. N’est-ce pas ?
Mais… t’es où, au juste ? Tu regardes vaguement autour de toi. Pas certain de reconnaître le quartier. Tu penses juste être dans la zone résidentielle. Et avoir un peu bousillé la façade d’un immeuble d’habitation. Bon. Tu plaiderais non coupable.
La faute au connard qui a jeté ce clou sur la chaussée…
I got a hangover, whoa! I've been drinking too much for sure !
Longue soirée, le temps qui n'avance plus, tout ralenti puis le noir complet. Le réveil est tout aussi inconfortable que la fin de soirée, gueule de bois quand tu nous tiens. Faut toujours fêter les fins de tournages, on y est peut-être allé un peu fort hier soir, enfin, je dis on en espérant juste que je ne suis pas le seul qui galère ce matin. Encore complètement habillé je n'ai même pas pris le temps de retirer mes chaussures, heureusement que je vis seul maintenant, je me serais fait juger bien comme il faut. Je cherche mon téléphone histoire de retrouver des traces de ce qui a bien pu se passer hier, mais rien. Rien qu'un sms d'un numéro que je ne connais pas qui me remercie, bien, je réponds rapidement un « de rien ». Aucune idée de qui ça peut-être ou même si c'était ironique, ça m'apprendra à boire alors que je dors peu. Rester au lit encore un moment, dégager mes pieds de ses chaussures, une délivrance, simple, mais putin qu'est-ce que ça fait du bien. Le temps de baver de nouveau sur mon oreiller encore une ou deux heures et je me décide à bouger prendre une bonne douche et surtout de quoi calmer mon mal de crâne. Rien à faire pour ma tête de grognon, de toute façon ça ne change pas vraiment de d'habitude. Pas la force de me raser, j'arborerai une magnifique barbe des plus aléatoire et je vous emmerde. Pardon. Me voilà qui m'excuse dans mes pensées, y'a plus qu'à parler seul et on est bon pour me faire enfermer. J'allais me faire un café, mais j'ai encore oublié de me racheter une machine, la vieille est toujours là, me montrant fièrement que je n'aurais plus rien le matin pour me réveiller. C'est autant de la flemme que du manque de temps, je dis ça alors que je fais beaucoup trop de marche chaque matin pour aller m'en chercher un au Starbuck. La logique ne fait pas parti de ma vie. Chemise en jean, t'shirt blanc et pantalon noir, direction le Starbuck avec ma tête de tueur en série.
Toujours la même question, pourquoi je fais autant de trajet pour une boisson bien trop sucré. Sûrement parce que ça me force à sortir et à bouger mes fesses plutôt qu'à faire la sieste. Un petit cappuccino vanille et on repart dans l'autre sens pour rentrer à la maison, en profitant du soleil et de la musique dans mes oreilles. Bien entendu que je ne vais pas me trimbaler en ville sans musique. Ce n'est pas comme si on allait me parler de toute façon, avec ma tête, juste de loin je suis sûr que vous auriez envie de changer de trottoirs. J'avance au rythme de la musique, changeant un peu d'état d'esprit. Toujours dans le mal, mais au moins, j'ai une boisson chaude pour me réconforter et le soleil. Sur le trottoir je fais gaffe à ne rentrer dans personne, je prends des forces en buvant tranquillement et quand la foule semble s'affoler moi je continue mon chemin, avant de voir glisser une moto jusqu'à moi et se stopper contre le mur d'un bâtiment. Quand l'intelligence est loin si loin par rapport à d'habitude, j'en viens à me demander comment cette moto à pu finir contre son mur sans conducteur. Mon regard complètement paumé se pose sur un petit gars qui bizarrement irait super bien avec cette moto. Tout le monde semblent le laisser tranquille. Sérieusement, ce n'est quand même pas à moi d'aller le voir. Quand je vois que les gens reprennent leur chemin je les regarde l'air perdu, comme un gosse qu'on aurait abandonné sur place. Fait chier. Je m'approche en dégageant un de mes écouteurs et je me pose à côté de toi, en grognant.
« Je ne vais pas demander si ça va vu que c'est une question idiote. Vous voulez que j'appelle une ambulance ? Juste histoire de vérifier s'il n'y a aucun soucis ? »
Je joue les princes sauveurs, alors que derrière ça me fait chier. Non, mais clairement, cela retarde ma sieste d'au moins dix minutes, enfin c'est ce que j'espère. Mes mains autour de ma boisson, je ne sais pas quoi faire d'autre que de rester le cul posé là, de toute façon ma tête tourne au ralenti, alors même si t'as répondu, y'a le temps que ça monte.
« La prochaine fois si vous voulez jeter votre moto sur les immeubles, évitez Echo Park... Les mamies n'ont pas forcement le temps de courir. Après je suis sûr que dans les jeux vidéos ça doit faire beaucoup de points en plus. »
J'essaie l'humour, l'humour pas très gentil, un peu glauque, déprimant, c'était quoi mon but déjà ?
Tu ne t’attendais pas vraiment à obtenir des réponses à tes questions mentales. Et pourtant, voilà qu’un type s’approche, retire ses écouteurs et s’installe à tes côtés. En grognant. Tu souffles, doucement. T’as un peu mal au crâne. Mais ça va. Et tu apprécies qu’il ne te pose pas de nouveau la question. Mais le reste… tu souris, viens te passer une main dans les cheveux pour les remettre en place.
« Ca ira. Avec un peu de repos, ça ira. Je roulais pas hyper vite. Rien de grave. Juste un foutu clou sur la foutue chaussée. »
Tu grommelles, doucement. Et tu finis par t’étirer, doucement, lentement, avant de soupirer. Il reprend la parole. Et ses mots te font exploser de rire.
« Meeeerde… j’ai mal visé ! Pourtant, j’étais certain d’avoir une grand-mère dans ma ligne de mire, quand j’ai envoyé ma moto dans le mur… T’penses qu’elle a sauté à plat ventre quand elle a vu la bécane arriver ? J’d’vrais p’t’être r’bosser mon approche pour être capable d’marquer plus de points, la prochaine fois… »
Tu lâches, d’une traite, toujours hilare. Tu viens même t’essuyer une larme de rire qui pointe à ton œil gauche. Et il faut que tu respires. La tête qui tourne à cause du manque d’oxygène causé par l’hilarité, c’est pas un truc qui fait beaucoup de bien. Alors tu essaies de te calmer, te forces à un inspirer, expirer.
« Fiouuu… »
Tu reviens te passer une main sur le visage, avant de ramener tes jambes contre ton torse et poser ton menton sur tes genoux.
« Ça fait du bien de rire… malgré tout ça. »
Tu finis par lâcher, dans un murmure. Et c’est vrai. Ça te permet d’oublier, pendant quelques minutes, que les réparations de Stardust vont te coûter une blinde. Si seulement, on t’annonce pouvoir la réparer. Sinon, il faudra en acheter une autre. Une autre qui ne sera pas Stardust. Alors que toi, tu l’aimes, ta Stardust. Nouveau soupire. Tu fermes les yeux, un instant.
« C’est la merde… »
Tu susurres, avant de te râcler la gorge.
« Journée. De. Merde. »
Voilà. Là, tu l’as complètement dit. Entre le chat qui te chie dessus, le manque d’eau chaude pour la douche et maintenant ton accident de moto qui va te demander de racheter un casque et payer les réparations de la bécane dans le meilleur des cas, une nouvelle bécane dans le pire, oui. Il te semble bien pouvoir dire que c’est une journée de merde. Une belle, splendide, magnifique journée de merde.
« Donc… on est à Echo Park, c’est ça… ? »
Tu demandes, doucement, en tournant la tête vers ton interlocuteur. Tu as donc eu une réponse à ta question. Une idée d’où tu te trouves. Et tu te dis que ça aurait pu être pire. Tu aurais pu te vautrer dans un coin bien plus loin de ton quartier que ça. Parce qu’Hollywood Boulevard à Echo Park, ça fait une petite trotte à pieds, mais c’est définitivement pas le pire trajet que tu aurais pu te taper, sans moto…
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