Mind your own business ➸ Julian

Rosamund adorait se mêler de ce qui ne la regardait pas. Mais là où la plupart des gens pouvaient juste faire une remarque ou lancer des piques, Rosa allait au fond des choses. Elle devenait actrice de la vie des autres pour l'adapter à ce qu'elle voulait. C'était mal élevé comme comportement et bizarre, mais rien de ce que Rosa faisait était ordinaire. Elle était cet alien dans ce monde trop conformé à un moule. Elle n'était pas malheureuse et elle n'avait pas le sentiment d'être différente. Juste dans son monde, mais un monde qui lui plaisait et qui lui donnait le sourire. A quoi cela servait d'être comme tout le monde si c'était pour être malheureux après ?

Bref, encore une fois, Rosa s'était encore une fois mêlée de choses qui ne la regardait pas. Alors qu'en cette veille de Noël, la plupart des gens faisaient leurs achats de Noël, Rosa s'occupait de la vie des autres. Aujourd'hui, la "victime" était Julian. Elle avait vu sur l'application de Bitchcation que ce dernier avait trompé son mari. Parfois, Rosa se prenait aussi pour la grande défenderesse des veuves et des orphelins et, ayant le numéro de Julian, elle avait tout de suite envoyé un sms pour l'engueuler. Faute de réponse, elle avait décidé d'opter pour une autre tactique. Vu qu'à la base, il lui avait donné son numéro pour parler de films, elle lui avait proposé de passer une après-midi, près des studios, autour d'un café et pour discuter cinéma.

Quand ce dernier arriva sur place, elle lui fait un grand signe pour lui proposer de la rejoindre. "Salut !" dit-elle avec un grand sourire. Elle voulait tout de suite lui parler de ce qu'elle avait vu sur la bitchcation, mais elle entendit tout de même qu'il s'assoit et commande sa boisson. Quand ce fut fait, elle s'éclaircit la voix et dit directement "Bon Julian... Faut qu'on parle sérieusement... C'est vrai ce qu'à dit Bitchcation ?" Ça ne servait à rien d'y aller par quatre chemins quand on voulait d'un truc.

Le premier SMS avait laissé Julian à la fois perplexe et de mauvaise humeur. Sa vie s’effondrait et la dernière chose dont il avait besoin, c’était bien d’écouter des inconnus le disputer comme un gamin pris en faute. Sa mère y était déjà passée quelques semaines plus tôt et il ne voyait absolument pas en quoi sa vie privée concernait l’expéditeur de ce message. Il lui avait donné son numéro sans réfléchir, des siècles plus tôt, alors qu’il avait à partir précipitamment et que l’alcool faisait déjà son petit effet sur lui. Il n’y avait plus tellement pensé depuis ce soir-là. Jusqu’à ce qu’elle ne décide de revenir de force dans sa vie pour se mêler de ce qui ne la regardait pas. Le premier message, Julian l’avait donc ignoré. La période des fêtes le mettait déjà bien assez sur les nerfs comme ça. L’ambiance était lourde à la maison, les silences profonds et le malaise impossible à ignorer. Fêter Noël en plein divorce… Quelle idée stupide. Mais il n’y avait aucun moyen de l’éviter, pas quand sa mère avait décidé de s’en mêler.

Raison pour laquelle quand le deuxième SMS arriva, sur un ton beaucoup moins accusateur, Julian accepta de rejoindre Rosa. Il n’était pas stupide au point d’imaginer qu’elle avait déjà abandonné l’idée de se mêler de ses affaires. Mais entre écouter une fille vaguement folle lui poser des questions indiscrètes ou s’asseoir face à Drew dans le plus grand des silences… Il avait besoin de prendre l’air, de penser à autre chose, de s’éloigner le temps de retrouver la force de l’affronter. Il avait donc fait semblant de croire que Rosa voulait “discuter de cinéma autour d’un café” et l’avait retrouvé sur le lieu du rendez-vous sans même traîner des pieds. Il ne souriait pas pour autant quand il arriva devant la jeune femme et malgré ses efforts, il ne parvint pas à étirer autre chose qu’une affreuse grimace en tirant une chaise pour s’installer face à elle. “Salut…” lâcha-t-il vaguement, tandis qu’une serveuse bondissait près d’eux. Il commanda un café noir, dans l’espoir que ça lui mette une petite claque et lui donne un peu d’énergie. Pendant quelques secondes, il resta silencieux à observer la matière de la table entre eux.

Il savait parfaitement pourquoi elle l’avait fait venir et pourtant, il devait bien être un peu stupide car quand Rosa lança les hostilités, il eut l’audace de s’en offusquer et même de paraître étonné. Son corps se tendit tout entier et après quelques secondes à l’observer intensément, il secoua la tête et baissa les yeux. “Je croyais que tu voulais parler de films.” fit-il remarquer, sans chaleur, mais pas méchamment non plus. “Qu’est-ce que ça change, de toute façon ?” reprit-il après un bref silence à regarder ses propres doigts avec trop d’intérêt pour ne pas sembler bizarre. Il était mal à l’aise et visiblement morose, beaucoup trop pour avoir l’audace de mentir. Ça ne signifiait pas pour autant qu’il avait envie de parler de ça avec une parfaite inconnue. “Tu peux peut-être m’aider à améliorer mes connaissances en matière de cinéma, mais certainement pas sauver mon mariage. Alors oublie ça, ok et dis-moi plutôt quels films tu as vu dernièrement.” tenta-t-il, sans grand espoir de la convaincre. Il ne la connaissait peut-être pas, mais elle lui semblait quand même pas mal têtue et paraissait entretenir une passion dévorante à mettre son nez dans les affaires des autres. Ils s’étaient rencontrés comme ça, après tout.

La façon de faire de Rosa n'était pas la meilleure, c'est sûr, mais au moins, c'était une bonne façon d'avoir des réponses. Positives ou négatives, peu importe, elle savait qu'elle allait avoir une réaction. C'est pour cela que la jeune femme fonçait toujours bille en tête, sans réfléchir, parce qu'elle savait qu'elle allait au moins avoir une réaction. Bien entendu, Julian se sembla pas ravi de son accueil. Ça, ce n'était pas étonnant. Il essaya de changer de sujet, disant que ça ne la regardait pas. Il avait raison, bien évidemment, mais il en fallait bien plus à Rosa pour qu'elle abandonne. "Tu ignores mes messages et je voulais parler de ça avec toi. Alors, voilà..." dit-elle avec une petite moue de personne coupable. Elle leva les yeux au ciel quand il demanda ce que ça change. "Il ne faut pas être aussi défaitiste. Certes, tu as fais une connerie, mais ce n'est pas la fin du monde." Rosa, elle voulait essayer d'arranger les choses. Elle détestait les tromperies, et tuerait surement Tyler s'il la trompait un jour, mais elle voulait aussi savoir le pourquoi du comment. Elle trouvait cela triste de l'entendre dire que son mariage ne pouvait être sauvé, comme s'il avait déjà fait son choix... "Tu veux parler de film ? Alors, parlons de films. Est-ce que tu connais Eyes Wide Shut ? Sur la route de Madison ? American Beauty ?" Bien sûr, elle n'avait pas dit ces noms par hasard, elle avait fait attention à choisir des films qui traitaient de l'infidélité. Après, elle espérait qu'il allait comprendre où elle voulait en venir quand elle citait ces films. Après, vu qu'il ne s'y connaissait pas en films, elle gardait un doute, mais comme ça, ça serait aussi une manière de développer sa culture...

Ils auraient pu passer la journée assis là à lever les yeux au ciel à tour de rôle. Ou du moins, Julian le croyait encore quand la conversation fut à peine entamée et bien que ce ne soit pas vraiment son activité favorite au monde, il préférait toujours ça à ce qui l’attendait à la maison. Mais trop rapidement, Rosa le priva même de ce petit plaisir-là, en rétorquant que malgré sa petite erreur de parcours, il ne fallait pas abandonner tout de suite. L’homme baissa la tête, de nouveau passionné par la surface plane de la table. Parfois, quand le silence devenait trop difficile à supporter, il se prenait à espérer que ce soit vrai : qu’avec seulement un peu d’efforts, il puisse faire marche arrière et retrouver sa vie d’avant, son mariage, Drew, sans qu’aucun problème ne vienne se dresser sur leur route. Ça ne durait, hélas, jamais assez longtemps pour qu’il prenne le risque de tenter quoi que ce soit. Mais il continuait de penser que rien de tout cela ne concernait Rosa. Et tant qu’elle ne le savait pas, elle ne le voyait pas encore complètement comme un monstre, pas vrai ? Il fut tiré de ces pensées pas très glorieuses quand la jeune femme prétendit un moment vouloir aller dans son sens et parler de films en proposant certains titres. “J’ai vu American Beauty, il y a quelques années.” concéda Julian en posant un regard suspicieux sur elle. Il ne se souvenait que vaguement du film, juste assez pour savoir qu’elle essayait simplement de lui faire passer un message. “Alors quoi, tu penses que je suis en pleine crise existentielle ?” Il secoua la tête avant même d’avoir terminé sa question, un peu désabusé par cette façon si simple de voir les choses. La serveuse réapparut à peu près au même moment, déposant une tasse fumante devant Julian, qui échoua à lui offrir un sourire en remerciement. Il referma ses doigts autour de la tasse et attendit patiemment que la jeune femme soit assez loin pour reporter son attention sur Rosa. “Ma vie n’a rien à voir avec un film et Dieu merci ! Il me semble que le narrateur meurt à la fin de celui-là, non ?” Il tira une grimace le temps de quelques secondes après cette réflexion. Il espérait définitivement que les choses ne se termineraient pas comme ça… “Si tu veux vraiment comparer ma vie amoureuse à un film, je propose d’en trouver un dans lequel des gens bien essayent de faire ce qu’il faut, mais où la vie n’est jamais aussi simple que ça.” conclut-il. Malheureusement, il n’était pas vraiment capable de citer un film qui pourrait retracer de près ou de loin le drame actuel de son existence, mais Rosa serait bien capable de trouver toute seule, pas vrai ?

Julian resta silencieux un moment, Rosa détestait ça. Peut-être que le silence était une des choses qui lui faisait le plus peur (ça et les lieux bondés de monde), mais elle avait le sentiment que quand les gens étaient mutiques, c'est parce qu'ils pensaient des choses qu'ils ne voulaient pas exprimer. Des choses pouvant être blessantes. Il faut aussi dire que cela la revoyait à ces longs moments qu'elle avait aussi passée seule, perdue avec ses pensées et elle ne voulait pas revivre ça. Pour elle, le bruit, le bavardage surtout, c'était devenu sa carapace. Elle ouvrit la bouche pour parler, mais ce fut à ce moment que Julian lui répondit. "Ah bah, tu n'es pas un cas totalement perdu alors." dit la jeune femme avec un sourire quand ce dernier dit qu'il avait vu American Beauty. Car après avoir discuté avec lui, Julian semblait vraiment n'avoir vu aucun classiques. Enfin, elle avait surtout dit ça pour alléger un peu la situation et pour montrer qu'elle n'était pas là en guerre. Elle haussa les épaules quand il lui demanda si elle pensait qu'il était en crise existentielle. "J'en sais rien, je ne te connais pas depuis assez longtemps pour dire ça... Mais bon, je pense que quand quelque chose se passe à un instant T, ce n'est pas innocent." Rosa faisait parti de ces gens qui se disait que toutes nos actions, même celle qu'on regrettait après, arrivait pour une seule et même raison. Bon après, elle pensait aussi que le gouvernement guidaient leurs actions... Bon, par contre pas sûr que ce soit le cas pour Julian. "Ta vie peut devenir comme celle d'un film si tu t'en donne les moyens. Mais si c'est le cas, prend plutôt exemple sur La Route de Madison." Ce film était surement l'un de ses préférés, une des rare choses qu'elle partageait avec ses parents. Son deuxième prénom était même inspiré de ce film. Madison... L'histoire d'une femme qui pendant quelques jours vit une relation extra-conjugale avant de décider de rester avec sa famille... "Tu devrais le regarder, Meryl Streep est magnifique dedans."

Ils ne se connaissaient pas vraiment, enfin Rosa acceptait de le reconnaître. Il manquait encore qu’elle admette qu’elle n’avait aucun droit de confronter Julian sur ses histoires de couple et tout serait parfait ! Sauf qu’à bien y réfléchir… Julian n’avait pas tellement d’amis avec lesquels il aurait pu parler de ça, s’il en avait eu envie. Il n’avait repris contact avec personne du lycée, à l’exception de Simon et… Ils ne se voyaient plus, uniquement à la demande de l’avocat qui s’y refusait catégoriquement. Qu’importe qu’il soit en pleine crise existentielle ou qu’il fasse seulement ce qu’il fallait, vu de l’extérieur ça ressemblait vraiment à n’importe quoi. Réalisant cela abruptement, l’homme releva son regard désespéré sur son interlocutrice et lâcha un soupir, alors qu’une main venait mettre un peu de désordre dans ses cheveux. “Sur la route de Madison…” souffla-t-il en écho à ce qu’elle venait de lui dire. Il secoua la tête sans aller plus loin sur le sujet et à la place, fut surpris d’entendre le son de sa propre voix s’élever de nouveau : “On va divorcer.” Un soupir lui échappa, mais étrangement c’était moins désagréable qu’il ne l’aurait cru en premier lieu. “Et ce que tu as lu est vrai, je l’ai trompé. Enfin… C’était à peine une infidélité, honnêtement. Mais je suis un vrai crétin, on peut se mettre d’accord là-dessus. Drew est la meilleure chose qui me soit jamais arrivée et je l’aime tellement, c’est juste…” Il semblait que maintenant qu’il avait ouvert la bouche, il n’arriverait plus jamais à se taire. Au moins, il n’entrait pas trop dans les détails et parvenait à résumer la situation suffisamment pour contenter Rosa tout en conservant assez de sa pudeur naturelle. Ou du moins l’espérait-il. “Ce mec… J’en suis amoureux depuis toujours et c’est même pas une façon de parler ou une exagération dramatique. Enfin, peu importe vu que j’ai tout gâché avec lui aussi.” Il força son regard, retombé sur la table à un moment au milieu de ses explications, à revenir se planter dans celui de la jeune femme. “Je parie que dans aucun de tes films on trouve des histoires aussi débiles et tristes.” se moqua-t-il, sans trop de passion. Il avala quelques gorgées de café avant qu’il ne soit trop froid et dans une piètre tentative de gagner quelques secondes de répit, mais il n’en aurait probablement jamais assez. “Voilà, tu sais tout maintenant. Satisfaite ?” Presque contre son gré, un sourire étira le coin de ses lèvres. Rosa était envahissante, mais il l’aimait bien, sans qu’il ne sache trop se l’expliquer. Elle allait droit au but et il appréciait cette qualité. Même s’il devinait déjà qu’elle aurait beaucoup à dire sur sa petite histoire et qu’il n’apprécierait pas forcément tout de sa façon de voir les choses, il était presque impatient d’entendre ses remarques. Presque.

Un nouveau silence s'installa, Julian était surement en train de réfléchir. Rosa luttait très fort contre l'envie de couvrir ce silence, mais elle savait qu'elle devait l'éviter. Julian reprendra la parole quand il le voulait. Elle en profita pour rejoindre ses propres pensées, se demandant ce qu'elle ferait si elle apprenait que Tyler la trompait. Elle était bien trop folle de lui pour que ce soit elle la fautive d'un adultère. Elle ne sait pas comment serait sa réaction, elle deviendrait complétement folle, ça s'est sûre... Ouais, peut-être valait-il mieux pour la sécurité du beau brun que cela n'arrive jamais. Finalement, Julian lui annonça qu'il allait divorcer avec Drew. Rosa le regarda un peu tristement avant de dire "Je suis désolée pour toi..." Si elle le connaissait un peu plus, elle l'aurait surement prit dans ses bras, mais dans le cas présent, elle essayait de se montrer aussi compatissante que possible. Elle était nulle pour réconforter les gens et avait à chaque fois l'impression d'être maladroite, mais elle faisait vraiment du mieux qu'elle pouvait.

Julian confirma que ce que la bitchcation avait dit était vrai. Pour une fois, elle n'avait pas raconté des mensonges, malheureusement, ça avait suffit à briser des vies. "Comment ça, ce n'est pas vraiment une infidélité ?" demanda-t-elle, un peu trop curieuse. Il était difficile de se tromper sur la notion d'infidélité. Soit il y en avait une, soit non. Pour Rosa, il n'y avait pas vraiment d'entre deux. Et puis Julian lui expliqua qu'il était amoureux depuis toujours et Rosa comprit un peu mieux. L'amour, la passion, c'était vraiment une chose compliquée. Il en était de même pour elle, même si à l'heure actuelle, elle ne s'en rendait pas compte. "Oh si, il y a des histoires comme ça dans les films, crois-moi. Il y a de TOUT dans les films." dit-elle avec un petit sourire. La jeune femme réfléchit un peu, réfléchissant à ce que Julian lui avait dit et essayant d'analyser tout ce qu'elle venait d'entendre. "L'autre gars... Tu l'aimes encore aujourd'hui ? Ou alors il était juste un vieux fantasme qui a pu se réaliser l'espace d'un instant ?" Elle ne voulait pas paraitre trop intrusive avec ses questions, elle voulait juste essayer de comprendre un peu mieux les sentiments de Julian pour pouvoir le conseiller, à sa manière. Bien sûr, elle n'avait pas la science infuse, mais peut-être que ces idées n'étaient pas complétement défaillantes. "Et je ne dirais pas que je suis satisfaite non... Pas quand je vois que c'est aussi compliqué pour toi..."

Contre toute attente, la jeune femme resta très sobre. Il ne l’aurait pas parié, vraiment et alors qu’il commençait tout juste à se faire à l’idée de raconter ses histoires personnelles à une inconnue, sa réaction raviva le malaise contre lequel il luttait. Il ne méritait pas la pitié, clairement pas. Et pour une fois qu’il n’y avait pas d’exaspération ou de désapprobation dans le regard qu’on lui renvoyait, la culpabilité frappait de nouveau. “C’était juste un baiser. J’imagine que pour certains, c’est déjà trop, mais je trouve ça relativement inoffensif.” s’expliqua-t-il à l’étonnement de Rosa. Peut-être était-il le seul à voir les choses ainsi, mais ça ne lui semblait pas vraiment terrible. Il aurait pardonné une chose pareille et il savait au fond de lui que Drew lui aurait pardonné aussi s’il l’avait voulu. Le problème ne venait pas du geste, mais des sentiments cachés derrière. Du mensonge, aussi. Il essayait d’être honnête, maintenant, et de réparer ses erreurs. Beaucoup trop tard et c’était compliqué, oui… “C’est un peu pathétique, mais je sais pas si c’était juste un fantasme ou s’il y a vraiment quelque chose. C’est compliqué, comme tu dis, j’ai pas vraiment pris le temps de penser à ça pour le moment. Ça m’a semblé plus important de me concentrer sur Drew d’abord.” Et pour quel résultat ? Il essayait de ne pas regretter sa décision, mais c’était parfois tellement difficile de vivre avec le silence, les regards en coin et Drew, si proche et si loin à la fois. Il secoua la tête un peu brusquement, chassant au loin toutes ces pensées ridicules qui n’apportaient rien de bon. “Est-ce que tu es amoureuse, Rosa ?” demanda-t-il, sa question tombant un peu comme un cheveu sur la soupe. “C’est à cause de ça que j’aime pas vraiment les films. Parce que toutes ces histoires nous font croire que ça finit toujours bien, peu importe les complications sur la route, le héros finit toujours par avoir un genre d’épiphanie et par prendre la bonne décision et tout le monde s’en sort. Mais dans le monde réel, comment on fait pour atteindre cette grande réalisation sans blesser personne ? C’est presque impossible et je trouve ça tellement frustrant.” Mais comme elle l’avait souligné, on trouvait de tout dans les films et sans doute parviendrait-elle encore à lui prouver qu’il se trompait avec une liste de films interminable.

Julian lui donna un peu plus d'information, disant qu'il n'y avait eu qu'un baiser. Rosa fit une petite moue, n'étant pas vraiment d'accord avec le fait que ce soit inoffensif. Elle faisait parti de ces gens qui pensaient que c'était déjà trop. Mais ce n'était surement pas ce que Julian voulait entendre, alors pour une fois, elle garda ses pensées pour elle... Du moins pour le moment. "Hmm, je vois." dit-elle en toute simplicité. "Après un baiser peut dire beaucoup de choses..." En effet, il y avait une différence entre un simple smack et un french kiss. Même si pour Rosa que ce l'un ou l'autre, c'est trop. Julian répondit à sa question, lui disant que c'était compliqué. Elle trouvait que c'était un peu facile comme réponse. Pour la jeune femme, tout dans la vie était compliqué. Que ce soit l'amour, les amis, la famille etc. Malgré tout ce qu'on pouvait dire, rien n'était jamais facile... Ou alors était-ce elle qui avait connu beaucoup de galère que maintenant elle pensait ça ? "Déjà, si tu dis que tu dois te concentrer sur Drew, c'est qu'il a de l'importance pour toi. Ce n'est pas innocent." dit-elle avec un petit sourire.

Julian lui demanda si elle était amoureuse et les yeux de Rosa se mirent à briller. "Oh oui !" dit-elle avec joie. "Tyler est vraiment l'amour de ma vie !" Seulement ce qu'elle ne savait pas, c'est que cet amour ne vivait que dans sa tête et qu'elle souffrait d'érotomanie. Alors pour Rosa, elle vivait une belle et grande histoire d'amour avec Tyler, alors qu'en réalité, il savait à peine si elle existait. La jeune femme finit par hausser les épaules quand Julian mentionna que tout finissait toujours bien dans les films "Encore une fois, ça dépend des films... Mais par contre, oui, je suis d'accord avec toi sur le fait de prendre une décision sans blesser personne. Malheureusement, ce n'est pas possible dans la vraie vie. Mais malgré tout, il faut faire des choix pour avancer, même si on en vient à blesser quelqu'un. C'est triste, mais c'est comme ça." Venant d'une personne utopiste, son discours pouvait sembler déprimant, mais de par son vécu, elle avait vite apprit à ne plus se soucier de blesser les personnes autour d'elle, surtout celles qui lui auraient fait du mal.

hrp:

Il releva son regard incrédule sur la jeune femme, presque choqué qu’elle sente le besoin de souligner qu’il tenait à Drew. C’était son mari, ils venaient de passer dix ans ensemble… “Bien sûr que je tiens à lui, c’est mon mari, on est ensemble depuis dix ans !” Il ne s’expliquait même pas le besoin de se justifier et devinait sans mal l’hypocrisie qu’on pouvait lui prêter devant un tel discours. Mais il avait envie de croire qu’il ne l’était pas, pas vraiment. Il ne se sentait pas encore capable de l’expliquer clairement, parce que ça ne l’était pas totalement dans sa tête. Il essaya, pourtant. Même si ça ressemblait davantage à un brusque changement de sujet, il se donna un peu de mal pour faire comprendre à la jeune femme ce qui le désespérait réellement, faisant même appel à un langage qu’elle maîtrisait, même s’il savait d’avance qu’il se fourvoyait encore une fois. Il n’y avait qu’à voir la manière dont elle réagit en avouant qu’elle était effectivement amoureuse. La façon dont son visage s’éclaira soudainement, la chaleur dans sa voix, dans son regard. “Tu vois, c’est exactement ça.” dit-il en la pointant du doigt. “Cette façon que tu as de parler de cet homme. Quand on te regarde, y a aucun doute. C’est ça que je veux.” Il haussa les épaules et retomba dans le fond de sa chaise en passant une main sur son visage comme pour en chasser toutes les pensées qui venaient le parasiter. “J’aimerais trouver ça complètement dingue et mal d’embrasser un autre homme, de même seulement penser à un autre homme, ne jamais avoir de doutes, ne jamais me dire “et si…”, que ce soit tellement évident qu’on sache ce que je ressens juste à me regarder.” Et qu’importe combien il tenait à Drew, il ne renvoyait certainement pas cette impression quand il prononçait le nom de son mari. Il secoua la tête, autre tentative de s’éclairer l’esprit qui ne donnait pas de grand succès. “Alors, Tyler, hein ?” souffla-t-il en forçant un sourire en coin. “À ton tour de me raconter des trucs, pour changer ! Qu’est-ce qu’il fait dans la vie ? Depuis combien de temps vous êtes ensemble ? Je viens de te parler des pires secrets mon mariage, alors je veux des détails !” exigea-t-il gentiment.

Spoiler: