"under the skin" lucy

Oui j'attendais qu'elle me dise de rester, mais elle ne le ferait pas, elle voulait le mieux pour moi et ce sans concessions. Mais elle ne savait pas ce qui était le mieux pour elle déjà, alors comment le savoir pour moi. « Pareille. », soufflais-je avant qu'elle ne s’énerve sans raison sur une serveuse qui se révéla simplement attiré par moi. Ce qui me mettait assez mal à l'aise tant je n'avais pas l'habitude d'être convoité, dragué ou quoi que ce soit d'autre. Alors, lorsque Lucy revient et que je lui donna une explication, elle sembla perturbé, légèrement, avant qu'elle ne déclare qu'elle était jolie. Regardant donc la serveuse, je finis par sourire un peu penaud avant de reporter mon attention sur la jeune femme. « Oui, mais ça doit être rien de plus qu'un pari. », déclarais-je avant de plonger ma tête sur ma tasse. Personne n'était attiré vers moi. J'avais un physique un peu trop différent, une tête d'enfant, une dégaine atypique et surtout ça se voyait sur ma tête que je n'étais pas le genre avec qui on pouvait s'amuser facilement. Yuina était comme moi, c'est sans doute pour ça qu'on a finit ensemble. Mais dans le fond, j'étais pas certain de pouvoir plaire à quiconque quand la seule personne que j'avais jamais aimé ne le faisait pas en retour. Je voulais bien croire que ce n'était pas dans son intérêt de finir avec moi, mais quand on voyait la généralité avec laquelle on m'évitait.

Alors oui elle était jolie, elle semblait avoir de l'humour et la discussion n'avait pas été un calvaire, mais je n'avais pas plus confiance en moi que Lucy pour le coup. « Donc je vais éviter de me ridiculiser. », concluais-je en ne relevant pas le regard et en me mettant à jouer nerveusement avec mes doigts. Je n'avais aucune raison de croire que je pourrais un jour réussir à m'ouvrir à quelqu'un, la seule personne vers qui j'avais pu m'était connu depuis beaucoup trop d'année.

Lucy bouillonnait intérieurement. Pour une fois elle essayait de se contenir, même si on pouvait probablement voir une petite flamme danser au fond de son œil. Elle essayait de se contenir parce qu'elle savait qu'elle n'aurait aucune justification à sa colère, ou plutôt que la seule justification possible était d'admettre qu'elle était follement amoureuse de lui et qu'elle le voulait pour elle seule. Si elle comptait garder la face à ce sujet, le seul moyen était donc d'avoir l'air indifférente, voir même de l'encourager. Mais il était beaucoup trop contre-nature pour Lucy de jouer la comédie à ce point. Donc elle se contentait de rester dans cet état intermédiaire où elle avait l'air d'être vaguement agacée mais pas énervée et essayait de parler le plus calmement possible, tandis qu'en vérité elle ne pensait qu'à tordre le cou de Thomas. La brune fronça les sourcils en le voyant évoquer un pari avec un air un peu dépité. Ils n'avaient plus l'âge des paris, et cette fille avait l'air un peu trop gentille pour ça. « Qu'est-ce que tu racontes ? » répondit-elle avec un air dubitatif. Elle avait pensé un peu naïvement que pendant leur séparation il avait un peu avancé niveaux filles, car oui c'était compliqué au lycée mais c'est compliqué pour toute le monde au lycée, tout le monde est mal dans sa peau. De plus Thomas était loin d'être moche, il avait beaucoup de charme à sa manière et il était gentil comme personne sur cette terre. Elle ne comprenait pas pourquoi il avait l'impression de si peu plaire et était toujours ainsi dans l'auto-dénigrement. C'est sûr que c'était peut-être ça qui lui manquait pour attirer les filles, la confiance en soi. C'est sexy la confiance en soi. Lucy avait presque envie de l'inciter à appeler cette fille pour lui prouver qu'il avait tort. Mais elle le voyait dans une vision d'horreur se tailler à l'autre bout du pays avec la serveuse et frissonnait intérieurement en tirant longuement sur sa cigarette. « Même si tu te ridiculises, y a 40 millions d'habitants en Californie Thom'... C'est pas la fin du monde. » Elle n'arrivait pas à croire qu'il ait toujours cette manière de penser malgré ce qui leur était arrivé et ce qu'il lui avait dit à ce sujet : qu'il regrettait de ne rien avoir dit parce qu'il avait peur. Ce n'était pas le même niveau de peur, mais dans le fond c'était un peu la même chose. Elle jeta un coup d’œil dans la direction de Thomas et d'un coup, sans qu'elle puisse trop s'en empêcher, s'énerva à nouveau. « Nan mais tu sais quoi vas-y, tente maintenant, c'est pas comme si tu étais là avec moi. Je vais rester là sans un bruit à faire le pot de fleurs. Peut-être même que je peux jouer une petite ballade pour vous mettre dans l'ambiance ? Ou lancer des pétales de roses ? » Elle eut un rire sarcastique et croisa ses bras contre sa poitrine tout en regardant par la fenêtre avec le nez levé à la manière d'une enfant boudeuse. Elle n'avait pas pu s'en empêcher, et s'en fichait désormais d'avoir l'air de lui faire une grosse crise de jalousie.

« Les nanas qui viennent me voir en générale le font pour un pari… », répondis-je le plus simplement du monde. Elle savait pas ce que j'avais fait de ma vie jusqu'à présent, alors forcement, si pour elle ca semblait difficile à croire, en vérité, j'étais bien ce genre de mec ayant pas un franc succès avec les femmes et qui plus est étant amoureux de la seule personne refusant de l'être. Elle s'était mise à fumer, et si je n'avais rien dit, après son petit discours sur le fait de ne pas pouvoir me ridiculiser, ce ne fut pas la même chose. C'était en effet pas la fin du monde, mais à en croire combien s'était difficile pour moi de trouver quelqu'un avec qui j'étais assez bien pour construire quoi que ce soit. Je n'étais pas sauvé. « C'est sur que c'est bien de se faire ridiculiser. », soufflais-je dans un premier temps alors que la tension montait d'un cran. Suffisamment pour qu'à la voir sortir une nouvelle clope, je perdis patience. Elle le savait que j'aimais pas ça, ell le savait et l'avait quand même fait. « Arrêtes de fumer. », déclarais-je sans pour autant être agressif. Car agressif elle le fut seule. Elle venait de vider son sac, exprimant quelque chose que j'aurais assimilé à de la jalousie. Fronçant les sourcils, je la fixais un long moment sans rien dire. Je n'étais pas à l'aise avec les femmes et si celle la était gentille, jolie, elle n'était pas celle que j'aimais. Lucy en revanche, oui. Et si je n'avais aucun compte à rendre à la serveuse, le refus de Lucy faisait aussi que je n'avais rien à lui rendre. Absolument rien. « Tu me fait quoi là ? », demandais-je sans doute brusquement. Les sourcils froncés, le visage fermé. Elle jouait à quoi ? Elle était dérangé, c'était évident. Soupirant, je finis par me lever, sortant mon porte monaie avant de laisser un billet qui payerait les deux consommation et le pourboire sans problème.

« Je suis fatigué Lucy. Je t'aime, tu le sais, tu continues à croire ce que tu veux pour justifier le fait que tu sois pas en mesure d'éprouver la même chose. Je l'entends. Mais aussi gentille, mignonne ou je ne sais quoi que pourrait être cette serveuse, elle sera jamais toi et du coup, je ne tenterais pas ma chance justement. », elle pensait me protéger d'elle, très bien, la réalité c'était qu'elle me blessait plus en me rejetant. « Alors désolé, mais moi je sais pas faire semblant, pas avec toi. », rangeant mon porte monnaie je me reculais avant de faire demi-tour et sortir du bar. Je ne pouvais pas. Je ne pouvais pas la laisser réagir comme ça sans que cela m'atteigne. Je l'aimais, plus que je n'aurais du, et j'aurais vraiment traversé le pays pour elle. Simplement, là. J'en avais marre qu'elle décide ce qui était bon ou non pour moi. Marre de devoir me satisfaire d'autre chose qu'elle.

Bon. Le moins qu'on puisse dire c'était que sa petite sortie amicale objectif réconciliation et bons sentiments n'avait pas vraiment fonctionné. Étant d'assez mauvaise foi, elle n'hésitait pas à blâmer en grande partie Thomas pour ça. Il n'avait pas l'air d'être sur la même longueur d'onde qu'elle, ni enclin à oublier ce qu'il s'était passé entre eux. Lucy ne pouvait pas trop lui en vouloir pour cela, elle même sentait que quelque chose avait changé. Elle ne pouvait pas s'empêcher d'y repenser et de se sentir envahie d'un sentiment doucereux. « T'es trop dramatique. » soupira-t-elle. Il en fallait un peu plus pour se ridiculiser vraiment qu'un truc pareil, enfin pour elle du moins. Elle trouvait que Thomas exagérait. Les râteaux ça arrive, ce n'est pas un drame, ça pique un peu sur le coup et on en rit le lendemain. Elle souleva un sourcil en le voyant lui demander d'arrêter de fumer. Il allait arrêter de la materner un jour ? Elle se contenta de lever les yeux au ciel par agacement en continuant à tirer sur sa cigarette. Elle faillit même, comme si elle était en pleine crise d'ado, lui répliquer "je fais ce que je veux". En vérité, ça n'avait pas vraiment besoin d'être dit, il savait très bien tacitement qu'elle faisait ce qu'elle voulait, d'ailleurs elle avait sorti ses cigarettes juste pour le faire chier. Depuis qu'il était de retour dans sa vie, elle fumait un peu moins, elle se sentait coupable et voulait lui montrer que son opinion comptait pour elle. Aujourd'hui c'était raté, elle avait envie de fumer toutes les cigarettes de Los Angeles pour lui montrer au contraire qu'elle s'en tamponnait de son opinion. Après sa tirade passive agressive, Lucy soutint le regard de Thomas en ne montrant aucun signe de regret de ce qu'elle avait dit. Même si au fond elle sentait qu'elle venait de foutre en l'air la tranquillité de leur rendez-vous, que c'était sans retour, et qu'elle avait elle-même brisé le masque d'amitié qu'elle leur avait imposé. En entendant sa question, toujours la mâchoire tendue elle répliqua au quart de tour : « Toi tu me fais quoi ? » . En le voyant se lever elle voulut ouvrir à nouveau la bouche pour gueuler mais elle ne sut même pas quoi dire tellement tout ça était con et resta à le regarder payer avec une gueule de poisson rouge. En l'entendant parler elle se mit à regarder par la fenêtre comme si elle ne voulait pas l'entendre puis se tourna vers lui en faisant légèrement non de la tête, mais sans qu'aucune objection n'arrive à émerger. Dans sa bouche, on aurait dit que Lucy était une tortionnaire, qu'elle ne l'aimait pas et le rejetait et faisait toujours semblant. Ah bah, si c'était ça qu'il pensait d'elle et de ses sentiments, elle avait réussi son coup, mais à quel prix ? En le voyant se casser sans même l'attendre ou lui faire un signe, Lucy attrapa son sac et sa veste et se rua hors du café. Arrivée dans la rue, elle fit des grands signes de mains en secouant les quelques bracelets qui s'y trouvaient. « Thomas ! » Son nom complet ça faisait plus sérieux. Elle écrasa la fin de sa cigarette sous sa chaussure. Il n'allait pas lui faire le coup encore une fois. Elle accéléra le pas en sa direction et se plaça devant lui avec un sourire sincère. « Tu veux pas que je te ramène en voiture ? » Ça fait sacrément désespérée ça Lucy. « On fera un petit tour. C'est la voiture de mon père, que je lui ai volé tu sais bien, ça te rappellera des souvenirs de quand on allait à la plage avec. S'il-te-plaît Thomas. » Elle ne savait pas exactement où elle comptait aller avec ça, elle n'avait simplement pas envie de le laisser partir.

Je n'avais pas envie de continuer. Pas envie de me battre. Partant presque aussitôt avoir payé, je ne pris pas mon temps dans la rue, marchant en ligne droite pour partir le plus loin possible. Sauf qu'après à peine quelques minutes, j'entendis déjà sa voix. Ne m'arrêtant pas, il fallut qu'elle se mette entre moi et ma destination pour que je daigne m'arrêter, le regard sombre. J'étais plus en état là. Elle me proposa de me ramener en voiture. Sérieusement ? Elle reprit, expliquant qu'on pourrait faire un petit tour dans la voiture volé de son père, comme à l'époque, quand on allait à la plage. « Des souvenirs de l'époque ou j'ai pas eu le courage de te dire que je t'aimais ? Histoire de faire un avant après ? », j'étais acide, sans doute trop. Mais c'était trop là. Elle pouvait pas me repousser mais me demander de rester sans s'attendre à un minimum de contre partie. Je pouvais vivre avec elle, pour elle. Mais je ne pouvais pas resté assis à attendre éternellement. « Pourquoi je devrais dire oui ? », demandais-je finalement ? Pourquoi je devais une fois de plus faire ce qu'elle voulait en m'oubliant totalement ? En ignorant qui j'étais juste pour elle. Juste pour lui faire plaisir. Je ferais tout pour elle, littéralement, mais pas si je me prenais des murs en continue, pour des raisons cons, ca n'avait aucun sens. Qu'elle ne m'aime pas, pas de cette façon et je comprendrais, mais qu'elle m'aime et qu'elle refuse de me laisser approcher, simplement car elle avait peur de me détruire. Elle me détruisait en restant loin en me rejetant en pensant me faire mal. Elle ne pourrait pas y arriver autrement. Je le savais. J'avais passé ma vie à l'aimer, des mois à la chercher et quelque soit ce qu'elle avait décidé, je refusais d'abandonner, pas tant que j'aurais une vrai réponse. Mais pour ce soir, j'avais eu ma dose, son comportement m'avait fatigué, m'avait poussé à bout.

Au début de la remarque de Thomas, Lucy se contenta de lever les yeux au ciel avec un petit sourire. Elle le rendait fou, sûrement. Mais elle avait besoin de lui dans sa vie et elle ne voulait pas qu'il la boude. Qu'est-ce qu'il lui faisait, du chantage ? Il n'était pas mieux qu'elle, en fait, les deux avaient la même manière d'obtenir ce qu'ils voulaient. Sauf que comme ils voulaient des choses radicalement différents, forcément il fallait que ça coince. Un avant après ce serait peut-être différent pour lui, pour elle qu'est-ce qui avait changé ? Elle prétendait toujours vouloir strictement être son amie et ne lui avait rien avoué de ses sentiments. Du reste tout avait changé, mais dans ses relations avec Thomas elle était toujours à peu près au même point qu'à l'époque de la plage. Et puis elle trouvait l'expression avant après un peu déplacée dans son cas, alors elle souleva un sourcil un peu dubitatif en regardant Thomas. « Sérieusement ? » Elle ne s'attarda pas sur le sujet et soupira légèrement en continuant à afficher un demi-sourire complètement sans rapport avec la gravité de la conversation et l'agacement visible de Thomas. Elle aurait bien voulu s'énerver elle aussi mais elle n'avait plus vraiment de raison vu qu'il avait certifié qu'il s'en foutait de la serveuse et que maintenant la seule méchante dans l'histoire c'était elle. Pourquoi devrait-il dire oui ? « Pour me faire plaisir, déjà. » dit-elle en croisant les bras et en le regardant d'un air affirmé. Bon, là il risquait vraiment de s'en foutre de lui faire plaisir vu le coup qu'elle venait de lui jouer, donc il allait falloir qu'elle trouve une meilleure raison. Elle fronça les sourcils. « Merde Thom' j'essaie juste de... » Lucy chercha ses mots quelques instants. « On peut pas passer un aprèm normal au lieu de se prendre la tête ? » Son sourire tomba un peu et elle se passa la main sur le visage. Bon, c'était peut-être un peu abusé pour elle de dire ça vu qu'elle avait un peu cherché la dispute en lui faisant une crise de jalousie. Et peut-être que Thomas n'avait aucune intention de passer du temps avec elle si elle refusait d'être honnête avec lui à propos de ses sentiments. Mais elle en avait besoin, de ce temps simple avec lui, parce qu'elle ne pouvait pas ne pas le voir. Sa main glissa contre celle de Thomas. « S'il-te-plaît. »

Ok, j'avais réalisé en le disant que le coup du avant après était pas ouf, mais je pouvais pas revenir en arrière alors bon, s'était dit. Mais quoi qu'il en soit, d'après elle, je devais dire oui pour lui faire plaisir. Encore ? Je faisais que ça lui faire plaisir, toujours, sans jamais chercher à me faire plaisir. Parce que j'étais généreux, surtout avec elle, et que je savais pas dire non. Même cette fois, je me retins d'accepter, car il était hors de question de céder quoi que ce soit. Visiblement dérangé par ce fait, elle s'énerve légèrement avant de perdre ses mots. Elle essayait juste quoi ? Elle voulait passer une après midi normal sans se prendre la tête... Sérieusement ? Secouant légèrement la tête, j'étais toujours fermé, incapable de lui céder quoi que ce soit dans le fond. Incapable de dire oui ou non. « Alors pourquoi une crise de jalousie ? Pourquoi c'est toujours à moi de te courir après et que la seule fois ou moi j'en ai marre, je devrais te donner gain de cause ? », oui pourquoi ? Pourquoi je devais toujours payer le prix fort et elle non ? Pourquoi j'avais pas le droit d'être traité normalement ? Juste une fois. J'en avais marre, j'en avais marre de me battre pour elle, j'en avais marre de croire, d'espérer ne serais-ce qu'une vie normale pour nous. Elle me prenait pour un con et je disais rien, jamais. « Tu penses que je voudrais pas passer une journée tranquille avec toi ? Alors oui, je t'ai dit de me retenir, parce que je suis paumé Lucy, je l'ai toujours été et j'ai pas eu besoin de toi pour ça. », je m'en fichais un peu qu'on me regarde, car oui, j'avais haussé le ton, significativement même pour une fois.

« T'as trouvé une façon de te libérer, pas moi, moi je suis toujours le même pauvre type qui attends comme un con d'avoir sa chance et de toute façon comme d'habitude, le train partira sans moi car j'aurais été une fois de plus trop complaisant, j'aurais encore une fois voulu faire plaisir à tout le monde, être le parfait fils, le parfait meilleur ami, le parfait élève alors que j'aimerais juste être moi, mais ça, même ma meilleure amie peut pas m'aider parce qu'elle a disparu et qu'à la place j'ai une version plus torturée d'elle même, alors que sur le papier, m'abandonner était qu'une façon de devenir heureuse. Tu te mens, je me mens, tout le monde est content, alors non, je vais pas te faire plaisir. Pas encore, parce que cette journée sera pas comme les autres, elle sera pas normale, pas tant que j'aurais l'impression de devoir répondre aux attentes de tout le monde sauf les miennes. », j'avais fini par baisser d'un ton, mais clairement, je ne pouvais pas. J'avais l'impression que quoi que je fasse, il n'y aurait rien pouvant m'aider. Même en tant qu'amie.

Lucy était surprise. Elle ne pensait pas que Thomas pouvait autant s'énerver contre elle pour si peu, du moins ce qu'elle percevait comme si peu. Elle réalisait qu'il n'y avait pas qu'elle, que c'était comme s'il était frustré par tout un tas de chose, et au premier rang, par lui-même et sa façon s'agir. C'était juste elle qui s'en prenait les retours. Elle pensait juste qu'ils pouvaient reconnecter de manière simple et sans artifice, mais il semblait qu'elle s'était trompée, que Thomas n'avait aucune intention de se laisser mener par le bout du nez, qu'il ne risquait pas de dire amen à tout ce qu'elle proposait sous prétexte qu'il l'avait fait par le passé. Il semblait que leur dynamique était en train de changer et c'était quelque chose qui perturbait énormément Lucy. Oui, il lui semblait qu'il n'avait pas envie de passer une journée tranquille avec elle, elle avait l'impression qu'il cherchait constamment à faire des histoires, c'était égoïste et infondé sûrement mais c'était ce qu'elle pensait. Elle leva les yeux au ciel : elle savait très bien qu'il était paumé. Un aveugle le verrait sur son visage. Il croyait quoi, qu'elle avait tout bien droit dans sa vie et qu'elle savait où elle allait ? Qu'il lui avait suffit de changer de sexe pour retrouver son chemin ? Vraiment, vraiment pas. Simplement, elle acceptait la perdition comme une part d'elle-même, et ne l'affichait pas comme une honte comme Thomas le faisait. Lucy croisa ses bras contre sa poitrine et regarda ailleurs en se mordant la lèvre inférieure en l'écoutant. Lorsque son ton descendit et que sa voix s'arrêta elle leva vers lui ses yeux bleux pétillants. « T'as fini ? » Puis elle secoua la tête en serrant les lèvres. « Tu me fais chier. » Elle avala sa salive et planta son regard acide dans le celui de Thomas. « Tes attentes ? Mais vas-y, qu'est-ce que tu veux ? Balance. Tu veux qu'on se mette ensemble, qu'on s'aime et qu'on se marie ? Eh bien non, je n'en suis pas capable Thomas, pour tout un tas de raisons, que tu trouves peut-être débiles mais je m'en fous. Donc quoi, tu vas juste me faire la gueule jusqu'à la fin des temps ? Me faire chier comme ça jusqu'à ce que j'accepte ? Tu crois que c'est comme ça que ça marche ? » Elle soupira et un gros mensonge sortit de sa bouche, ce qui ne parut pas sincère du tout, Lucy se rappelant ainsi pourquoi elle évitait généralement de mentir : « Je suis pas jalouse. Va voir qui tu veux si ça peut t'aider à te trouver ou je ne sais quoi... Je te demande pas d'être le parfait meilleur ami, je veux juste qu'on soit un minimum là l'un pour l'autre. Et si c'est trop demandé, bah casse-toi écoute et soyons paumés chacun de notre côté. »

On allait jouer à ce jeu encore longtemps ? A s’écouter à moitié ? Elle voulait que je donne mes attentes, avant de les donner. Se mettre ensemble, s’aimer, se marier. Elle en était pas capable. Et elle avait ses raisons, je les connaissais en partie. Que je les trouve débile ou non ça ne changerait rien. Alors il restait quoi ? Qu’on se fasse la gueule jusqu’à la fin des temps ? Que j’allais la faire chier jusqu’au bout ? Jusqu’à ce qu’elle accepte ? Non ce n’était pas comme ça que ça marchait, mais j’avais tellement l’impression d’avoir loupé quelque chose en ne lui disant rien à l’époque que je ne pouvais pas… Et puis elle mentit, encore, l’intonation sonnait faux alors qu’elle affirmait qu’elle n’était pas jalouse. Je pouvais voir qui je voulais si ça me faisait me sentir bien, mais ce qu’elle attendait de moi c’est qu’on soit là un minimum l’un pour l’autre. Un minimum ? Soupirant en baissant les yeux, je reprenais contenance, « Je veux pas me casser, je veux pas te forcer, je veux que tu sois honnête. », demandais-je simplement. Comment j’étais censé l’aider ? Être là pour elle si elle refusait d’être honnête ? Je ne pouvais pas avancer sans elle, c’était évident et ça le sera toujours, quelque soit la place qu’elle occuperait. Mais je ne savais pas comment. J’avancerais, sans doute, mais avec ce sentiment de ne pas pouvoir continuer quoi que ce soit. Avec cette impression de perdre pied dès que mes sentiments reprendraient le dessus, c’est à dire souvent. « Je veux bien continuer uniquement si on se regarde droit dans les yeux, qu’on arrête de se mentir. Je préfère entendre quelque chose et me voir expliquer pourquoi ça ne se passera pas comme ça plutôt que d’essayer d’avancer avec toi, pour toi sans jamais savoir ce que je peux faire ou non sans te blesser. », typiquement, sortir avec quelqu’un d’autre qu’elle, je n’aurais pas le droit, elle me l’avait suffisamment fait comprendre. Mais alors pourquoi ? Car elle était pas prête à ça ? Ou car je n’étais pas capable de me détacher émotionnellement.

« Désolé… », finis-je par souffler dans un soupir, « Je sais pas détacher ce que je ressens de ce que je veux, je le sais, mais j’ai pas envie de me casser, te perdre une seconde fois c’est juste… Impossible. », j’avais l’impression d’avoir des mouvements d’humeur un peu trop violent, mais soyons honnête, j’étais incapable de m’affirmer, et j’étais juste là, comme un con. Essayant d’exprimer des sentiments sans vraiment y arriver. Je devrais m’affirmer un jour, sans doute, mais ce n’était pas pour aujourd’hui car la simple menace qu’elle parte suffisait à me faire reculer.

Qu'elle s'énerve et mette les points sur les I, loin d'avoir attisé la colère de Thomas, l'avait un peu tempéré. Elle avait l'impression d'entendre vraiment ce qu'il pensait maintenant. Il voulait juste qu'elle soit honnête. Elle, pas honnête ? C'était presque une insulte à ses yeux. Mais elle était forcée d'admettre pourtant qu'elle s'était dissimulée, qu'elle n'avait pas dit ce qu'elle pensait vraiment à Thomas comme elle le faisait avec le reste du monde entier. Lucy était capable de dire des trucs hyper insultants à des gens qu'elle ne connaissait pas, de clamer à tout va des déclarations d'amour sans queue ni tête à des personnes dont elle avait appris le nom il y a dix minutes. Par contre, être franche avec Thomas dont elle avait été l'amie la plus proche pendant des années lui était impossible. Allez savoir. Impossible... Elle le regarda dans les yeux. Bien évidemment qu'il était impossible qu'ils se séparent à nouveau. Il fallait juste qu'ils trouvent une balance. Ce qui était facile à dire. Lucy soupira avec un petit sourire et leva sa main assez lentement pour la passer contre les cheveux de Thomas un moment puis la laissa retomber à côté d'elle. Les mots avaient besoin d'une pause avant de sortir, non pas parce qu'elle avait l'intention de les mesurer, ça elle n'en était pas trop capable, mais simplement parce qu'elle avait l'impression qu'il n'y avait pas de retour. « D'accord oui, j'ai pas été honnête avec toi. » Elle tapait nerveusement le bout de sa chaussure contre le lampadaire en métal de la rue. « Je suis jalouse. T'imaginer avec quelqu'un à ma place, une meuf, ou même, un ou une meilleur.e ami.e, une personne plus importante que moi pour toi quoi, ça me fait chier. Alors oui c'est super égoïste et con... » Elle croisa ses bras contre sa poitrine. Thomas allait peut-être trouver que son propos dérivait ensuite, mais pas du tout. « Tu te rappelles de ma cousine Karen qui habitait à côté de chez toi et qu'on croisait souvent ? Une fois y a très longtemps elle m'avait dit qu'elle t'aimait bien. Je lui ai raconté que tu te brossais pas les dents et que tu avais des morpions. » Elle ricana. « T'aurais vu la gueule qu'elle a tiré. » Elle rit à nouveau puis reprit un air sérieux. « J'étais amoureuse de toi, égoïste et conne. Je suis toujours ces trois choses. » Lucy serra les lèvres. « Maintenant quand je te dis que je ne peux pas, je suis honnête. Je ne peux pas t'entraîner avec moi, ne serait-ce que par rapport à ta famille. Je me suis habituée à ma liberté, je sais pas trop où je vais, tu as besoin de quelqu'un qui te soit fidèle et qui te guide un peu. Je veux que tu te construises une vraie vie, un truc solide, une famille ; et pour ça je ne suis pas la bonne. » Elle plissa les yeux et sourit doucement. Un sourire qui était complètement déplacé. Mais elle était juste satisfaite d'avoir dit les choses. Il allait probablement lui trouver un contre-exemple pour chacune de ses raisons et essayer de la convaincre comme un avocat au barreau. Elle espérait qu'il ne le fasse pas, mais il allait probablement le faire. Ça la ferait rire. « Je ne te mentirais plus. Promis. » dit-elle avec un air déterminé.