[Jour 1 - Trajet] Super Quatre Fromages

On pouvait parfois penser au premier abord, vu son manque de caractère apparent, que Patrick était un type un peu casanier, voire même carrément un type ennuyeux. Pour qui le connaissait un petit peu, le contraire devenait évident. L'informaticien était un marcheur aguerri et avait beaucoup voyagé dans sa vie, partant souvent seul ou presque seul d'ailleurs, dans des endroits lointains. Aussi, lorsqu'il avait entendu parler d'une mystérieuse aventure dans une région inconnue, il avait sauté sur l'occasion et s'était embarqué là-dedans, emmenant avec lui au passage Evan comme binôme. C'était la première fois qu'ils passaient des vacances ensemble comme ça, enfin, si on pouvait appeler ça des vacances. Même s'il n'était pas du genre démonstratif, Patrick était surexcité toute la veille du départ et jusque dans l'avion où il avait eu du mal à fermer l’œil. Il fut ravi de voir qu'ils étaient arrivés en Amérique du Sud, il connaissait assez peu et était ravi de découvrir ces régions. Il regarda où ils étaient sur la carte et nota leur point d'arrivée. Bon. Il supposa que le seul moyen c'était le stop, car sinon les bus c'était un coup à se perdre ça, non ? « Bon ben, c'est parti... » dit-il avec un petit sourire en direction d'Evan. Il s'avança alors vers la route qui passait devant la sortie de l'aéroport et tenta d'héler des voitures.

Si on lui avait dit qu'un jour, il participerait à une aventure aussi folle, il ne l'aurait sans doute pas cru. Mais il était bel et bien là, après une nuit dans un avion, à ne pas savoir où ils allaient atterrir. Le tout en compagnie de Patrick. Il ignorait comment ça se passerait et s'ils s'entendraient dans de telles circonstances, mais il n'y avait aucune raison que ça se passe mal, de toute manière. Il était simplement content de pouvoir partager quelque chose d'aussi exceptionnel avec le jeune homme. Nul doute qu'ils n'oublieraient jamais cette aventure. Quoiqu'il en soit, les voilà donc à la sortie de l'aéroport avec pour seule indication le nom d'une ville. Ils avaient une carte et une boussole, mais il allait de soi qu'ils ne pourraient pas faire le trajet à pied vu la distance. Evan adressa un petit sourire à Patrick et hocha la tête. "C'est parti pour l'aventure de notre vie !" Il était fatigué, mais totalement excité et il avait hâte de commencer l'aventure, de découvrir des endroits qu'il n'avait jamais vus. Il fallait dire qu'il n'avait jamais vraiment voyagé auparavant. Il suivit Patrick jusqu'à la route et ne put s'empêcher de laisser un petit rire en le voyant faire. "On est pas à LA où il suffit d'appeler un taxi pour qu'il vienne. Laisse faire le pro !" Le pro, hein ? Non, ce n'était pas du tout la première fois qu'Evan faisait du stop. Pas du tout ! Le jeune homme s'arma de son plus beau sourire et leva le pouce dans l'espoir que l'un des véhicules s'arrête à leur hauteur et veuille bien les emmener au moins sur une partie du trajet.

Patrick leva les yeux au ciel avec un sourire en entendant Evan dire qu'il était un pro du stop. Depuis quand déjà ? C'était une technique pour l'impressionner en faisant son aventurier ? D'accord, il trouvait ça mignon. Patrick le regarda un moment faire, puis se mit à côté avec son pouce levé ensuite mais ils virent rapidement qu'aucune voiture ne semblait s'arrêter, et ce même au bout de quinze minutes. On ne s'arrêtait même pas pour leur demander où ils devaient se rendre. D'ailleurs, on ne leur lançait même pas de regards, c'était comme s'ils étaient invisibles. Trente minutes. Quoi, ils fallaient qu'ils se mettent à poil et qu'ils dansent en imitant des poules pour que les automobilistes daignent leur accorder un regard ? Patrick finit par avoir une idée en regardant en direction de la station service qui se trouvait à une cinquantaine de mètres de l'autre côté de la route. Il proposa à Evan, en désignant l'endroit : « Et si on allait là-bas pour demander aux gens qui font le plein où ils vont et s'ils peuvent nous prendre ? » Bon, il pouvait le faire, mais c'était peut-être une meilleure idée que ce soit Evan. Son petit-ami avait beaucoup plus le feeling avec les gens que lui et il fallait mettre le plus de chances possibles de leur côté. Ils traversèrent la route et se mirent à interpeller quelques personnes.

Comment pouvaient-ils avoir autant la poisse ? Pourquoi personne ne semblait vouloir s'arrêter ? Ils n'avaient tout de même pas une tête de dangereux psychopathes, si ? Il y avait fort à parier que s'ils avaient été du sexe opposé, les voitures se seraient arrêtées tout de suite. Mais ça ne servait à rien de tergiverser, malgré la frustration d'Evan. Il n'allait certainement pas se foutre à poil, manquerait plus qu'ils ne se fassent arrêter pour attentat à la pudeur. Ce serait un comble tout de même. Au bout d'une trentaine de minutes sans succès, Patrick proposa d'aller demander aux gens en train de faire le plein. C'était une bonne idée. "J'espère que quelqu'un aura pitié de nous. Bon sang ! Je veux pas finir dernier !" Evan était un compétiteur, il n'aimait pas perdre et il donnait toujours son maximum. Mais cette fois, ça ne dépendait pas que de lui et de ses capacités. Il repéra une jeune femme un peu plus loin, en train de faire le plein, et s'approcha d'elle, toujours armé de son plus beau sourire. Il ne parlait pas vraiment espagnol, mais il espérait que la jeune femme comprenait au moins un peu l'anglais. Au pire, il lui suffirait de montrer la carte avec la destination, non ? Arrivé à sa hauteur, il lui demanda donc si elle allait dans la même direction qu'eux et si elle pouvait les emmener. Pourvu qu'elle accepte. Sinon, il ne leur resterait sans doute plus qu'une solution: se rendre à destination à dos d'âne !

Ça faisait quoi, une heure qu'ils galéraient là ? C'était bien parti. Il sentit Evan agacé lorsqu'ils allèrent vers la station service, grommelant qu'il ne voulait pas finir dernier. Patrick était beaucoup moins compétiteur que lui et plus habitué à ce genre de galère, mais il comprenait que ça pouvait être rageant et lui sourit donc doucement, lui signifiant qu'il était sûr que la chance allait tourner. Mais allait-elle vraiment tourner ? Patrick resta un peu en arrière en le laissant aborder une jeune femme qui au début parut intéressée, sûrement parce qu'il était étranger (ou peut-être par autre chose...). Evan avait beau sembler avenant, ce fut sans succès et elle refusa. Ainsi qu'une ribambelle de personnes derrière. Patrick, qui se tenait un peu en arrière les bras croisés et se contentait de sourire lorsqu'Evan le désignait du doigt en parlant à quelqu'un, observait la route. C'est alors qu'il vit arriver un espèce de minibus tout cabossé et coloré, semblait rouler difficilement. Le nom "Espiritu" était inscrit dessus, parmi d'autres noms, mais il ne savait pas si ça voulait dire qu'il y allait ou si c'était le nom du bus ou une déco ou quoi que ce soit d'autre. Il s'approcha d'Evan et le tira par la manche. « Faut qu'on tente ce minibus. » dit-il doucement, alors qu'il voyait que les deux derniers passager étaient en train de monter et donc qu'il s'apprêtait à partir. Sans attendre qu'Evan donne son avis, il agrippa son poignet pour l'inciter à se dépêcher puis le lâcha et se mit à courir en direction du minibus en faisant des grands gestes. Il semblait plein mais ils pouvaient demander à monter sur le toit avec les bagages ou ce n'était qu'un truc indien?. Enfin pour ça, il fallait déjà qu'il ne parte pas sans eux. « Por favor, por favor. » se mit-il à crier en voyant le bus se mettre à démarrer, priant pour que le conducteur les attende.