Be careful, you moron ! | Aslan

C'était une journée comme une autre, à priori. On était samedi et Evan ne travaillait pas. Il en était bien content car même s'il adorait son travail, parfois, c'était quand même agréable d'avoir un weekend de libre, un weekend juste pour soi. Et surtout, un weekend qu'il pourrait passer avec Patrick. En parlant de Patrick, il avait envie de lui faire plaisir et de lui acheter un petit cadeau. Comme ça. Il n'y avait aucune occasion particulière, mais Evan adorait faire plaisir aux gens qu'il aimait et forcément, Patrick n'y faisait pas exception. Il avait donc décidé d'aller au centre-ville pour faire les boutiques et tenter de dénicher quelque chose qui pourrait plaire à son petit ami. La tâche s'avérait plus compliquée que prévue, d'ailleurs. Finalement, il s'était arrêté dans l'un de ses magasins préférés étant donné qu'il s'agissait d'un magasin qu'on disait geek, avec des jeux vidéos et des produits dérivés type figurines et autres. Nul doute qu'un truc comme ça plairait à Patrick. Il décida de prendre un jeu qui venait tout juste de sortir, ainsi qu'une figurine Pop d'un certain Groot. Parce qu'il était marrant, ce Groot.

Quoiqu'il en soit, une fois ses trouvailles en main, il s'arrêta un peu plus loin pour prendre un petit milk-shake à emporter. Comment résister à un délice glacé par cette chaleur ? Il était donc tranquillement en train de siroter son milk-shake lorsqu'il vit une silhouette qu'il connaissait malheureusement un peu trop bien. Aslan. Bah. Il lui suffirait de passer à côté comme s'il ne l'avait pas vu et le tour serait joué. Sauf qu'au moment d'arriver à sa hauteur, Evan vit cet idiot commencer à traverser la route alors qu'une voiture arrivait droit sur lui. Mais qu'est-ce qu'il foutait, ce con ? Le jeune homme avait beau ne pas apprécier l'autre des masses, il n'allait pas non plus rester là à le regarder se faire écraser. Il n'hésita pas une seule seconde et se précipita vers Aslan, ayant fait tomber son milk-shake et ses cadeaux sur le trottoir. "ASLAN !" Il le poussa hors de la trajectoire de la voiture et s'écrasa au sol avec lui, quelques mètres plus loin. Le conducteur du véhicule s'était contenté de klaxonner bêtement en poursuivant sa route. D'ailleurs...ne roulait-il pas un peu trop vite ? Oui, bon, ce n'était pas la question, là tout de suite.

Evan se redressa car il était évidemment hors de question qu'il reste sur ce crétin plus que nécessaire. Là, on aurait presque dit qu'il lui faisait un câlin sur le trottoir. Plusieurs personnes s'étaient arrêtées et s'agglutinaient autour d'eux pour voir ce qui se passait, mais Evan ne leur prêta aucune attention pour le moment. Il observa Aslan et lui tendit une main pour l'aider à se relever. "Ça va ? Pas de casse ?" Il était calme. Pour l'instant. Un très court instant car déjà, il sentit la colère monter en lui. "Qu'est-ce que tu foutais, bordel ?! T'as des tendances suicidaires ou quoi ? Si tu veux te foutre en l'air, évite de le faire devant moi, tu seras sympa." Il croisa les bras et fronça les sourcils. Ce n'était pas parce qu'il venait de lui sauver la vie qu'il l'appréciait plus. "J'ai perdu un milk-shake à cause de toi. T'as intérêt à m'en payer un autre." Le pire dans tout ça, c'était qu'il était sérieux. Heureusement, les cadeaux achetés tout à l'heure semblaient intacts et une femme lui apporta même le sac en question. Evan la remercia avant de s'adresser aux passants toujours en train de les regarder. "Tout va bien. Y a plus rien à voir. Circulez !" Sans doute que cela aurait été plus efficace s'il avait été en service, mais peu importe. Il poussa un soupir et se passa une main sur le visage. "Crétin..." Bien entendu, c'était destiné à Aslan. Qui d'autre ?

Les mots de sa collègue tournaient en boucle dans son crâne. « Ça fait plusieurs semaines que de la morphine disparaît de la réserve, et apparemment ils suspectent le personnel... » Elle avait murmuré ça, penchée par-dessus le patient auquel ils étaient en train de changer le pansement. Elle ne l’avait pas dit clairement, mais Aslan le savait : si cette rumeur était vraie, il était le coupable tout trouvé. Quel meilleur suspect que l’ancien drogué de l’équipe ?
Et pour la première fois depuis des années, l’infirmier avait eu peur pour son travail. Il avait tant galéré pour en arriver là - à une vie stable et normale dont il arrivait à être fier, un boulot qu’il aimait et qui lui permettait de se rendre utile aux autres. Il ne pouvait pas perdre tout ça comme ça, pour quelque chose qu’il n’avait pas fait. Ça n’avait pas de sens.
Pourtant il ne pouvait pas s’empêcher d’avoir un mauvais pressentiment. Certes, un test d’urines lui suffirait à prouver qu’il n’avait consommé aucun opiacé ces derniers mois - mais il ne pourrait jamais prouver qu’il ne le revendait pas aux drogués dont il s’occupait aux Narcotiques Anonymes. Et le fait que ses supérieurs en aient semble-t-il parlé à tout le monde sauf à lui ne faisait que confirmer ce qu’il pensait : ça sentait mauvais pour sa gueule.

Son regard tomba soudainement sur un visage qui lui était familier, au milieu de la foule d’anonymes ; Hannah. Merde. Il était crevé, il sortait de douze heures de garde, il avait bien trop de préoccupations en tête. Il voulait juste rentrer chez lui et dormir - faire la conversation à l’une de ses exs tarée était la dernière chose dont il avait envie. Alors, sans réfléchir, il bifurqua sur la route, pressant le pas pour changer de trottoir.
Il aurait dû faire attention. Concrètement, il le savait - il passait sa vie à recoudre et réconforter des individus qui auraient dû faire attention. Mais la fatigue, l'énervement de la mauvaise nuit qu’il venait de passer, peut-être ; et le bon sens le plus basique lui avait échappé.

Tout s’était passé très vite ; il sentit qu’on le poussait avant même de voir la voiture. Et puis, l’instant d’après, il se retrouvait par terre, sous quelqu’un qu’il ne connaissait malheureusement que trop bien ; Evan.
Il resta immobile sous son poids, trop choqué pour bouger ou chercher à se débattre ; et il lui fallut plusieurs secondes pour réagir et attraper la main qu’il lui tendait pour l’aider à se relever. « Je… ça va, merci. » répondit-il, hébété.
Et puis, soudainement, Evan se mit en colère, et Aslan resta planté là, au milieu de la foule, l’écoutant l’engueuler en silence. La peur, la reconnaissance, la colère - les émotions se mélangeaient dans une masse chaotique en lui. Mais c’était la honte qui prenait le plus de place, grandissant sous le poids des regards des passants, brûlant et consumant quelque chose au fond de sa poitrine. Son regard s’était brouillé, comme s’il était sur le point de pleurer. L’humiliation aurait sans doute été là peu importait qui l’avait - mais il avait fallu que ça tombe sur Evan. Difficile d'imaginer pire.

Sur l’ordre du policier, la foule se dispersa un peu ; et l’homme lui adressa alors un dernier compliment.
Aslan sentit son sang bouillir. « C’est bon, j’ai dit merci, je suis désolé. » Les mots étaient sortis, durs et froids. Fronçant les sourcils, il attrapa son sac, le remettant rageusement sur son épaule. « Et soi pas con, devant toi c’est une chose, mais je me foutrais jamais en l’air exprès en public devant des enfants ! » La remarque lui était venue naturellement, comme s’il avait déjà eu l’occasion de réfléchir à ce qu’il ferait et ne ferait pas pour se suicider - et au fond, c’était possible, qu’il y aie déjà pensé. La solitude avait pesé lourd plus d’une fois dans sa vie.

Ses yeux se posèrent sur la boisson, piteusement répandue au sol, et l’histoire de remboursement lui revint en tête. Il passa ses doigts sur la poche de son jean, vérifiant qu’il avait assez sur lui. Il lui devait déjà la vie ; autant ne pas lui devoir, en plus, un milk-shake à quatre dollars. Et puis, ça ne pouvait pas lui faire de mal, à lui non plus - ce qui venait de se passé l’avait plus ébranlé qu’il ne voulait l’admettre. « Viens, je t’en repaye un... » soupira-t-il, essayant de se calmer.

De toutes les personnes qu'il aurait pu sauver, il a fallu que ça tombe sur Aslan. Depuis leur... rencontre dans cet ascenseur, Evan avait bien du mal à faire comme si de rien n'était. Alors, il avait fait son possible pour le croiser le moins possible, histoire d'éviter un nouveau moment gênant. A ce jour, il ne comprenait toujours pas comment une chose pareille avait pu se produire. Mais là n'était pas la question. Il ne portait certainement pas cet homme dans son cœur, mais il ne le détestait pas au point de vouloir sa mort et au point de le regarder se faire renverser, voire écraser, par une voiture. Lorsqu'il avait bondi pour le pousser hors de la trajectoire du véhicule, il n'avait pas réfléchi. Il ne s'était pas dit qu'il s'agissait d'Aslan et qu'il mériterait de finir à l'hôpital. Non, il avait juste vu un être humain qui avait besoin d'aide. Maintenant que tout danger était écarté, le jeune homme laissa libre cours à sa colère. Après s'être enquis de l'état de santé de l'autre, évidemment. Autant savoir tout de suite s'il devait appeler les secours. Aslan avait l'air tout aussi ravi qu'Evan de se retrouver dans cette situation. Ils étaient au moins d'accord sur ça. Mais au moins, il allait bien. C'était tout ce qui comptait.

"C'est bon, je te crois ! Mais sérieux...qu'est-ce que tu foutais ? Tu sais pas qu'il faut toujours regarder à gauche et à droite avant de traverser la route ?" Son ton était légèrement moqueur, mais il se doutait bien qu'au fond de lui, Aslan ne devait pas être très rassuré. Frôler la mort de la sorte laissait une trace, Evan en savait quelque chose. Certes, les circonstances n'avaient pas du tout été les mêmes, mais finalement, le ressenti l'était probablement. Et là...ce fut la surprise. Alors que le policier s'apprêtait à repartir de son côté, Aslan l'invita à boire un verre. Ou du moins, il lui proposa de lui repayer un milk-shake pour remplacer celui qu'il avait fait tomber. "T'es sérieux ?" Il se détendit un peu et finit par esquisser un petit sourire narquois. "C'est un rendez-vous, alors ?" N'importe quoi. Mais ça lui ressemblait bien. Et puis, il fallait bien détendre un peu l'atmosphère. Il emmena donc Aslan à l'endroit où il avait acheté sa boisson à peine quelques minutes plus tôt, mais cette fois, il s'installa à l'une des tables disposées à l'extérieur. C'était étrange de partager un tel moment avec Aslan, quelqu'un qu'il n'avait jamais aimé. Et c'était sans doute un euphémisme...

Toutefois, Evan commençait à se dire qu'il devrait peut-être relativiser. Son animosité envers Aslan remontait à plusieurs années. De l'eau avait coulé sous les ponts. Et il y avait l'ascenseur. Maudit ascenseur. D'ailleurs... devrait-il en parler à Patrick un jour ? Sérieux. Pourquoi pensait-il à des choses pareilles ? Il poussa un petit soupir et croisa le regard de l'autre. "Alors euh... ça va, la vie ?" Ça va, la vie ? Sérieusement ? D'ordinaire, Evan n'avait aucun mal à communiquer avec les autres, il était quelqu'un de très sociable. Mais face à Aslan, c'était totalement différent. Ne pas lui gueuler dessus était même presque bizarre.

L’argument du suicide en public, devant des enfants, semblait tomber juste ; Evan n’insista pas, demandant plutôt ce que son voisin avait bien pu vouloir foutre pour se retrouver dans cette situation.
Aslan baissa la tête, mal à l’aise. Est-ce que c’était une bonne idée de lui dire, ou est-ce que ça n’allait faire que le descendre encore un peu dans l’estime que le policier avait pour lui ? Il ne voulait pas voir Hannah parce qu’elle ne lui aurait pas lâché la grappe pendant une heure à essayer de le démontrer combien sa vie était parfaite désormais, mais au fond, leur relation ne s’était pas terminée si mal que ça. Cela dit, avec le peu de détails que l’infirmier était enclin à donner sur sa vie privée, Evan pouvait imaginer n’importe quoi. Mais il avait bien des exs, lui aussi - il pouvait sûrement comprendre.
Il haussa les épaules, se décidant à être honnête. Cela importait peu, au fond. Il était déjà au plus bas dans son estime ; et il n’allait pas le repousser sous une voiture juste parce qu’il continuait de creuser… si ? « J’essayais d’éviter mon ex, j’ai paniqué. » Il releva les yeux vers lui, son regard se plantant dans le sien, mal à l’aise. Il réalisa alors ce qui pouvait avoir compris par le terme d’ex. « Pas elle, ne t’en fais pas. » Son cœur se serra en l’évoquant. Elle, la femme qui les liait autant qu’elle les éloignait.

Ils s’étaient un peu calmés, tous les deux – et après un regard à la boisson qu’Evan avait sacrifié pour venir le sauver, Aslan s’était enfin décidé à lui proposer de lui en repayer une. "T’es sérieux ? C’est un rendez-vous, alors ?" Le jeune homme lui jeta un regard mauvais, mais un sourire naissant au coin de ses lèvres le trahissait déjà : au fond, il trouvait ça drôle, lui aussi. Mais vraiment au fond. « Me force pas à changer d’avis, Scott, ou je te rembourse plutôt ton milk shake par pièces de 1 centimes dans ta boîte aux lettres », grommela-t-il, à la fois gêné et amusé. Il était impossible en parlant de rendez-vous, de ne pas penser à l’incident de l’ascenseur. Peu importait leurs efforts pour enterrer ce souvenir au plus profond de leurs subconscients, il était là, prêt à resurgir à chaque fois qu’ils se croisaient. Comme s’ils avaient besoin de ça pour trouver la compagnie l’un de l’autre horripilante.

Evan l’emmena au magasin de milk-shakes, et comme promis, Aslan paya la commande. Il avait pensé que ça s’arrêterait là ; qu’ils repartiraient chacun de leur côté, leurs milk-shakes à la main. Sauf qu’une fois sortis de la boutique, le policier s’installa à une table de la terrasse.
Il le dévisagea un instant, perdu. Il ne s’était pas attendu à ça. Evan ne l’aimait pas, ils le savaient tous les deux. D’ailleurs, le surinamais non plus, ne le portait pas vraiment en son cœur. Alors, pourquoi faire durer la gêne ?
Seulement, il se voyait mal le planter là alors qu’il venait de lui sauver la vie. Et puis, une part de lui se surpris à espérer que, peut-être, prendre le temps de discuter pouvait améliorer les choses entre eux. Le policier n’avait pas un mauvais fond et il le savait très bien.
Alors, après deux secondes d’hésitation, il finit par s’asseoir en face de lui, sirotant sa boisson en faisant d’être absorbé par l’observation des passants.
Tout pour éviter de soutenir son regard.
Mais ceux-ci finirent inévitablement par se croiser, et Evan sembla alors se sentir obligé d’engager la conversation. "Alors euh... ça va, la vie ?" Aslan baissa aussitôt les yeux vers une saleté sur la table. La réponse facile aurait été « oui, et toi ? » Trois mots, trois simples mots qui auraient évacué la question en un rien de temps tout en restant socialement acceptable. Mais le jeune homme semblait enfin essayer de faire un pas vers lui, pour la première fois depuis qu’ils se connaissaient ; et pour une raison qu’il ignorait, Aslan se sentait mal à l’aise à l’idée de lui mentir en retour. Ça se voyait sur son visage, de toute façon : de ses traits tirés à la voiture sous laquelle il avait failli passer, tout en lui criait qu’il allait tout sauf bien.
Il se frotta la nuque, mal à l’aise, avant de répondre d’un sourire triste : « Ouais, enfin… Je t’avoue que j’ai connu mieux. » S’il perdait son travail, il perdait tout ce qu’il avait. Et c’était peut-être ça le plus triste, finalement : avoir donné si peu d’importance au reste ces dernières années. « Mais c’est rien de grave, ça va passer », ajouta-t-il sans savoir lequel d’eux deux il essayait vraiment de convaincre. Alors, il essaya de changer de sujet. « Ça va toi ? Tu vois toujours Patrick Winkfield ? » Il ne savait plus vraiment comment il avait appris, pour leur relation – s’il l’avait su par bitchcation d’abord, ou simplement s’il l’avait compris à force de les croiser dans les couloirs de l’immeuble. Et c’était bien, il était content pour eux. Pour Patrick, surtout. Il lui en avait fait voir à l’époque du lycée, et il s’en voulait ; c’était vraiment un bon gars. Il méritait le meilleur. Alors, si le meilleur pour lui était cet abruti d’Evan… Eh bien, tant mieux, il lui souhaitait que ça marche.

L’espace d’un instant, Evan crut qu’Aslan parlait d’une certaine ex, ce qui aurait probablement mis le jeune homme en rogne. L’autre rectifia néanmoins rapidement le tir en affirmant que ce n’était pas celle à laquelle il devait penser. Était-ce vrai ? Devait-il vraiment faire confiance à cet énergumène qu’il ne faisait que tolérer à cet instant précis ? Il poussa un petit soupir, mais ne dit rien. A quoi bon ? Et puis, il fallait bien avouer que leur relation s’était tout de même un peu améliorée. Evan ne se mettait pas à l’insulter ou à lui crier dessus dès qu’il le voyait, c’était déjà ça. En fait, depuis l’ascenseur, il ne savait plus vraiment comment réagir face à l’autre. Du coup, il essayait de l’éviter le plus possible et surtout, il évitait ce maudit ascenseur depuis le fameux jour où c’était parti en vrille. Avec un peu de chance, il n’habiterait bientôt plus dans cet immeuble, de toute façon. Mais tant que rien ne serait officiel, il n’en dirait rien à Aslan. D’ailleurs, pourquoi lui dire tout court ? Ce n’étaient pas ses affaires. « Y a mieux pour éviter quelqu’un que de se jeter devant une voiture. » Comment ça, il aimait le faire chier ? Pas du tout, voyons.
Quoiqu’il en soit, cette journée allait de surprise en surprise car voilà qu’Aslan lui proposa de lui payer un autre milkshake, en guide de compensation puisqu’il avait un peu fait tomber le sien en sauvant les fesses de ce crétin. Inutile de dire qu’il était presque choqué. Certes, c’était la moindre des choses et surtout, la moindre des politesses, mais Evan ne connaissait pas vraiment Aslan pour sa politesse. En fait… il ne le connaissait pas vraiment, en réalité. Il s’était toujours contenté de lui lancer des vacheries à la tronche sans essayer d’apprendre à en savoir plus sur lui. En même temps, vu ce qu’il avait fait à son ex, il n’en avait jamais eu envie. Pouvait-on l’en blâmer ? Certainement pas !

Il lâcha un petit ricanement aux paroles de l’autre, imaginant bêtement sa boîte aux lettres inondée de petites pièces. Oui, la vision était assez drôle, mais juste dans sa tête. Il ne tenait en aucun cas à vivre ça dans la réalité. « Si tu fais ça, je vais mettre les crottes de mes chats dans la tienne. » Et les crottes de ses chats pouvaient être très odorantes, parfois. Oui bon, il ne le ferait jamais, mais imaginer la chose était quand même drôle.
Ils arrivèrent à destination et Evan choisit de s’asseoir à une table. Il ne savait pas trop pourquoi il avait fait ça, mais peu importe. Il remarqua bien la surprise d’Aslan et c’en était presque comique, à vrai dire. Néanmoins, il ne le releva pas et posa juste une question totalement débile au jeune homme. Il ne s’attendait évidemment pas à avoir droit à des confidences et pourtant, les quelques mots prononcés par celui qu’il avait longtemps considéré comme son pire ennemi y ressemblaient beaucoup. Son pire ennemi, hein ? L’était-il toujours ? Sans doute que non. De l’eau avait passé sous les ponts et si Evan faisait preuve d’animosité envers lui la plupart du temps, c’était sans doute plus par habitude et par fierté qu’autre chose. Alors, avoir une conversation plus ou moins normale avec lui était vraiment bizarre. « Evidemment, t’as failli crever. » Il but une gorgée de son milk-shake en faisant du bruit avec sa paille. Ça amusait le grand enfant qu’il était.

Et puis, Aslan l’interrogea au sujet de Patrick. L’espace d’un instant, Evan le regarda avec des yeux ronds. Mais cet idiot avait forcément remarqué quelque chose étant donné que Patrick passait pas mal de temps chez lui. Mais avait-il sérieusement envie de parler de sa vie amoureuse à Aslan ? La réponse était évidente. Alors, il esquissa un petit sourire narquois. « Pourquoi ? T’es jaloux ? » Il émit un ricanement, tentant de masquer sa gêne sous des paroles débiles et un air faussement détendu. Et puis, tout à coup, quelque chose fit tilt dans sa tête. Enfin, façon de parler. Comment cet idiot connaissait Patrick, d’abord ? Evan fronça les sourcils et dévisagea son interlocuteur. « Comment tu connais son nom ? » Il était bien sûr loin de se douter de la relation qu’avaient pu avoir ces deux-là et mieux valait pour Aslan qu’il ne l’apprenne jamais.