A new beginning [PV Tempérance]

Arrivée largement en avance à son rendez-vous, Elise laissa son sac à mains glisser entre ses pieds, puis elle s'alluma une cigarette. Oui, vous lisez bien, elle fumait. De temps en temps, son rythme variant entre un et deux paquets par semaine au maximum. C'était déjà beaucoup, mais elle compensait tout cela par une activité sportive fréquente. Et comme elle détestait attendre de la sorte, surtout lorsque c'était sa propre bêtise qui l'avait poussée à être autant en avance, elle se dit que tirer une taffe n'allait pas lui faire de mal. Elle consulta son portable, qui lui indiqua qu'elle allait devoir attendre vingt bonnes minutes avant que le rendez-vous commence.

Donc, grosso merdo, quinze avant que n'arrivent les deux personnes qu'elle attendait.

Ayant la flemme de s'écouter de la musique, elle laissa son regard se promener sur la rue. On était dans Hollywood, aux pieds d'un immeuble où se trouvaient pas moins d'une dizaine d'appartements à louer. Mais la trentenaire, au début, avait escompté pouvoir se payer un logement à elle seule ici-même ; c'était sans compter sur les prix augmentant de l'immobilier, et sur le fait qu'en tant qu'artiste indépendante, elle avait beaucoup de frais à sa charge. Son salon était à environ cinq minutes à pieds, ce qui était parfait. Et sa sœur habitait à une demi-heure à pieds. Elle était proche de tout ce qui comptait pour elle, alors elle ferait un effort.

Le mec qui devait lui faire visiter l'appartement lui avait indiqué qu'une autre femme, une dénommée Tempérance, cherchait un appartement dans cet immeuble, avec un colocataire. Elise avait sauté sur l'occasion : si le courant passait entre les deux femmes, et si le logement lui convenait, alors elle était prête à faire quelques petites concessions et à attendre encore avant de prendre véritablement son indépendance. C'est à dire, attendre de voir sur quelques mois combien elle gagnait réellement, et s'il n'y avait pas un autre endroit, qu'elle n'aurait pas encore vu, et moins cher.

Dix minutes, et toujours personne ; ni sa potentielle future colocataire, ni l'agent immobilier. En y repensant, ce dernier lui avait laissé une drôle d'impression. Un brin macho, il était légèrement plus petit qu'Elise, et plus épais – ce qui n'était difficile vu qu'elle était fine. Et évidemment, elle avait remarqué son style vestimentaire digne d'un quadragénaire dépassé par les événements. A côté, la Française était une « jeune » dans l'âme, avec son jean, son t-shirt laissant une épaule dénudée, et des Converses.

 « Mademoiselle Farneau! »

L'intéressée leva les yeux, offrant un sourire de façade à l'agent immobilier. Dénommé Richard Tom, il s'était amusé, dès leur première rencontre, à tenter de placer deux ou trois mots de Français dans ses phrases... avec un accent horrible. Elise ne pouvait rien dire, car malgré six ans passés à LA, elle gardait encore des traces de sa langue natale, bien que ça se soit largement estompé depuis. Les Américains n'avaient pas trop de mal à l'identifier comme une Française. Même si elle ne parlait qu'en anglais.

 « Bonjour, Richard. »

Un ton formel. Elle était polie, mais ne le connaissait pas personnellement, et elle n'en de toute façon pas envie. Elle préférait réserver sa sympathie pour sa future colocataire. Il était primordiale que les deux femmes s'entendent bien, pour que leur ménage fonctionne.

 « Nous allons devoir patienter un peu, je crois. Il n'est pas encore l'heure, après tout. Mademoiselle Anelka ne devrait plus tarder. Je suis certain que vous vous entendrez à ravir, et que le logement vous conviendra. Vous êtes tatoueuse, c'est bien cela ? »

Tu t'es bien renseignée, Richard.

 « En effet. Je viens de me mettre à mon compte. D'où mon intérêt pour une colocation, pour le moment. »

Oh, elle espérait ardemment que tout se passe bien. Si l'agent ne lui avait pas dit de la merde, l'autre femme avait une trentaine d'années également. Donc ça faisait déjà un point commun ; deux célibataires trentenaires, là où les clichés voulaient qu'à cet âge-là, une femme normale avait deux ou trois enfants, un mari, une belle maison, et un travail.

Clichés à la con. Elle n'avait pas envie d'avoir de gosse. Elle avait déjà assez de mal à vivre comme elle souhaitait, à obtenir un logement digne de ce nom, et à garder une relation plus de deux mois. Et aussi à oublier complètement son passé, lequel prenait un malin plaisir à revenir de temps en temps à la charge.

J'allais enfin découvrir ce que le mot indépendance voulait dire! Enfin c'était surtout pour le plus grand plaisir de mes parents, en effet le boulet de la famille allait bientôt se barrer de chez eux et c'était un souci de moins. Pour mon frère et ma soeur, c'était pas trop tôt, bon même s'ils critiquaient assez mon mode de vie et ma manière de voir les choses je n'en restais pas moins leurs soeur et ils m'adoraient. Alors quand je leur ai annoncé que j'allais visité un appartement que je louerais en colocation ils m'ont regardé les yeux ronds et m'ont dit "Tu fais jamais les choses normalement toi!" Bah quoi c'était pas bien de prendre un appartement en colocation à mon âge? C'était pas forcément banal, les colocations en règle générale c'était pour les jeunes étudiants qui n'avaient pas un sous pour se loger...

'Fin ce que les gens ne comprennent pas c'est qu'on est pas dans un petit village de campagne perdu au fin fond des Etats-Unis! C'était hyper cher les appartements dans le coin, je n'avais vraiment pas les moyens de m'acheter une maison comme mon frère ou ma soeur. Bon il est vrai qu'ils ont des métiers de oufs, mon frère est médecin et ma soeur travaille dans l’événementiel. Ils avaient de quoi se payer une maison sans aucun souci. Moi j'étais une simple vendeuse, avec une certaine addiction aux jeux vidéos et au bande dessinée... En même temps c'était aussi mon âme d'enfant qui parlait! Je ne voulais pas grandir, non je n'avais pas le syndrome de Peter Pan! J'étais juste bien dans ma vie d'ado, d'adulescente en d'autres termes. J'avais pas forcément de petit ami... Alors vouloir construire ma vie de famille c'était hors de portée pour le moment, au grand désespoir de ma mère et mon père.

Enfin assez de penser aux moutons, j'étais en train de me diriger vers une partie de mon indépendance. Ça m'angoissait un peu j'avoue... J'avais jamais vécu dans un appartement, enfin si j'avais bien côtoyer les bancs de l'université dans une chambre universitaire le temps de quelques mois, mais c'était il y a longtemps et puis concrètement je n'étais pas resté assez longtemps pour avoir des souvenirs plein la tête de mes années d'université. Je me souviendrais toujours du jours où j'ai annoncé à mes parents que je ne souhaitais pas continuer mes études. La comédie qu'ils m'avaient fait! "Tu te rends compte, mais ton avenir est foutu, si tu n'as pas de diplôme tu ne feras jamais rien de ta vie!" Les remarques à la con que chaque parents pouvaient faire à leurs enfants quand ils s'inquiétaient pour l'avenir de leurs enfants.

Et voilà je m'égarais encore un peu, fallait croire que j'étais pas si détendue que ça finalement, j'angoissais un peu de quitter la maison familiale. Bon aller reprends toi Temy, si ça se trouve ta colocataire sera géniale et que tu passeras les meilleurs moments de ta vie avec elle dans votre futur appartement. J'allumais une cigarette pour me donner un peu de courage, bah ouais c'était pas ça qui me donnait du courage, ça niquait juste ma santé, mais c'était le geste qui était rassurant. J'avais enfilé un jean élimé, un débardeur noir ouvert dans le dos, il faisait beau aujourd'hui c'était peut être un bon présage après tout. Je regardais ma montre et me rendis compte alors que j'avais déjà du retard.

J'allais faire mauvais impression dès la première rencontre, qu'est ce que je pouvais trouver comme excuse? Le métro, le taxis, les bouchons! Au et puis merde j'improviserais en temps et en heure quand je serais devant l'immeuble et que l'agent immobilier et ma futur colocataire attendait avec une certaine impatience ma venue. Ouais j'étais incorrigible, mais c'est ce qui fait mon charme. Je regardais au loin l'immeuble que j'allais visité regardais ma montre. Bon okay cinq minutes de retard. J'inspirais profondément et lançais mon mégot à terre et me donnais un peu de courage intérieurement.

- Bonjour Richard, excusez moi j'ai quelques minutes de retard.
- On avait remarqué Mademoiselle Anelka en espérant que si vous prenez l'appartement le loyer lui n'arrivera pas en retard!

Bon okay! J'étais mal barrée, c'était quoi ce mec? Sérieux? Je détestais ce genre de personnages! Je m'empressais de dire bonjour à la jeune femme qui attendait également. Je m'approchais d'elle, lui fit la bise et me présentait en lui chuchotant.

- Il a pas l'air cool le propriétaire! Je m'appelle Tempérance, mais tu peux m'appeler Temy ou Tem'!

Je me tournais vers l'agent immobilier et un peu pour me moquer. Je lui dis: "Bon alors qu'est ce qu'on attend? On y va!"

Il fit une petite mou renfrogné, j'aurais bien eu envie de lui dire de se décoincé un peu, mais ça aurait fait mauvaise impression! Nous montions les escaliers, l'appartement se trouvait au première étage, j'espérais tellement qu'il soit bien et surtout qu'il laisse une part d'intimité autant à ma colocataire qu'à moi même. Arrivé devant la porte, Richard insérait la clef dans la serrure et mon coeur battait la chamade, j'avais le trac comme quand je me produisais sur une petite scène. Je fermais les yeux un instant et la porte s'ouvrit sur notre appartement. Autant la jeune femme que moi même regardions l'appartement. Il était un peu vieillot, mais ça lui procurait un certain charme. La porte d'entrée donnait immédiatement sur une grande pièce ouverte, cuisine, salon et salle à manger étaient réunis au même endroit dans une très grand pièce. A gauche et à droite une porte comme si l'appartement était symétrique. L'agent immobilier nous présentait alors la pièce à vivre, puis continuait sa visite par une chambre à gauche et une à droite. A côté de la chambre à gauche la salle de bain pas très grande mais qui avait une baignoire et un lavabo à côté de la chambre de droit les toilettes. Cet appartement était parfait pensais-je alors.

- Il est parfait! dis-je à voix haute mais plus pour moi même que pour les gens qui m'entouraient.

Elise observait tout ça d'un œil critique, tandis que Richard faisait un tour rapide du propriétaire. De ce qu'elle en voyait, l'appartement était relativement spacieux, comportant assez d'espaces pour que deux personnes puissent vivre dans le même lieu sans se déranger. La pièce principale était très grande, à cause du coin cuisine, du salon et de l'entrée ; la salle de bains était propre, décente, et comportait ce qu'il fallait à priori ; les sanitaires étaient facilement accessibles ; les deux chambres étaient de même taille, même si l'une d'elle état à côté de la salle de bains. La jeune femme arqua un sourcil en entendant sa future colocataire qualifier de « parfait » les lieux.

Parfait, non. Convenable et agréable, oui. Idéal pour leur situation, sans doute. Mais ce n'était que l'apparence. Il allait falloir passer aux détails.

 « Richard ? Et si vous nous faisiez une visite plus complète ? Pièce par pièce ? »

 « Oh, certainement ! Nous commencerons par la salle de bains, dans ce cas. Mais avant, quelques petites précisions. Premièrement, les murs sont assez épais pour qu'on n'entende pas les voisins, du dessus ou d'en-dessous ou des côtés ; toutefois, je vous demanderais de veiller à ne pas trop chercher à faire... comment dire ? Péter les décibels, comme disent les jeunes ! Héhé. Les anciens locataires ont causé quelques petits conflits à cause de ça. A cause de leur trafic aussi, cela dit... »

 « Des choses en particulier à savoir ? Concernant les aménagements et tout ça ? J'ai noté qu'on avait déjà quelques meubles et des lits, mais j'imagine que le reste sera à nos frais. »

 « Tout à fait ! Le nettoyage complet a été fait la semaine dernière, et il n'y normalement plus aucun problème, ni trou dans les murs, ni rien du tout ! Bien, passons à la salle de bains, voulez-vous. »

Oui, sois serviable Richard. Et cesse de me mater, ou de mater Tempérance.

La salle de bains donnait envie de se plonger dans un bain d'eau chaude et de ne plus en sortir ; douche, baignoire, deux lavabos, deux meubles... tout y était déjà. Il ne restait plus qu'à remplir tout ça avec leurs propres affaires.

La pièce principale manquait de meuble, mais il y avait déjà une table basse, un canapé, un fauteuil et le coin cuisine était complet, avec un frigo assez grand pour le remplir à deux et avoir encore de la place. Elise étant quelqu'un qui mangeait assez peu, elle n'aurait aucun mal à laisser la place à sa coloc si elle décidait de s'empiffrer.

Les deux chambres n'avaient qu'un lit, mais elles avaient toutes les deux une fenêtre donnant sur la rue. La jeune femme écouta vaguement Richard raconter l'anecdote croustillante – et terriblement ennuyante – sur un couple ayant logé dans une des chambres, et en profita pour régler immédiatement le problème des chambres avec Tempérance :

 « Je te laisse celle à côté de la salle de bains. Ça me fera marcher pour aller prendre un bain. » dit-elle avec un sourire complice.

Elle la sentait bien, cette femme. En tout bien tout honneur, bien sur. Depuis sa période en nightclub, la Française était devenue bisexuelle, et ne pouvait pas s'empêcher de regarder les femmes comme elle regardait les hommes – bien qu'elle ait une nette préférence pour ces derniers. Toutefois, elle était ravie de constater, dès le départ, que Temp' ne serait rien de plus qu'une amie. Il n'y avait rien chez elle qui puisse l'attirer plus. Parfait. La coloc commençait bien.

 « Je crois que j'en ai fini. » annonça alors Richard. « Et il est... 10h23. On est en avance ! Avez-vous des questions, mesdemoiselles ? »

La brune haussa les épaules.

 « Pas comme ça. Ah si ! Le loyer s'élève bien à, une fois partagé en deux équitablement, 423 dollars chacun ? »

 « Tout à fait ! Je suis bien conscient que c'est un peu élevé, mais les prix grimpent ces derniers mois, et nous avons, comme je l'ai dit, retapé tout l'appartement après le départ des anciens locataires. J'espère que ce n'est pas un problème ? »

Elise fixa un instant, sans ciller, l'agent immobilier. C'est cher, pour ce qu'il y a déjà. Tes concurrents nous feraient le loyer à cinquante de moins. Mais Nous adorons toutes les deux cet endroit, et nous en avons besoin. Et tu le sais, sale macho.

 « Pas pour moi. Si c'en est un pour toi, Tempérance, je peux augmenter légèrement ma contribution, si tu veux. »

Pour moi cet appartement était bien, mais visiblement ma futur colocataire avait un regard plutôt critique sur l'ensemble de l'appartement. Ce n'était pas plus mal, parce que j'étais un peu naïve sur les bords et j'avais vite fait de me faire avoir. Quelqu'un qui a la tête sur les épaules et les pieds bien ancrés dans le sol ne me ferait pas trop de mal. On me reprochait souvent de vivre dans le monde des bisounours et de faire confiance un peu trop rapidement, en gros de manquer énormément de méfiance envers les gens, cela m'avait valut plusieurs coups de couteaux et trahisons en tout genre.

L'agent immobilier nous fit visiter plus en détails les différentes pièces de l'appartement, bon il n'y en avait pas des milliers non plus, on était loin d'une superbe villa en bord de mer, mais qu'importe après tout c'était un premier appartement pour moi et si j'avais prit une colocation c'était aussi pour mettre suffisamment d'argent de côté pour m'acheter un appartement ou une petite maison plus tard. J'étais pas Cresus, mais j'avais mit de l'argent de côté depuis plusieurs années déjà et j'espérais le faire encore un peu plus pour ne pas regretter de n'avoir jamais acquis un bien immobilier.

J'inspirai profondément, j'avais envie d'emménager de suite et puis je suis sûre et certaine que je m'entendrais à merveilles avec cette femme. Cette colocation promettait une ribambelle de souvenirs à raconter à nos enfants ou petits enfants. J'arrivais bien à me projeté ici... Je me demandais quand même le genre de fille que pouvait être cette femme? Plutôt du genre fêtarde? Solitaire? Cocooning? Roman ou BD? Cinéma ou Série? Pour la bouffe plutôt Italienne ou Française? J'avais plein de questions à lui poser, mais cet agent immobilier m'empêchait d'aborder ce genre de sujets.

Elise demandait alors à l'agent immobilier combien coûtait le loyer, j'avais pas l'intention de mettre plus de 450 dollars, alors quand celui ci nous dit que cela ferait 423 dollars chacune, j'étais dans mes frais et c'était très bien comme ça.

- C'est bon pour moi pas de problème pour payer le loyer!

L'agent immobilier était satisfait de cette réponse et il nous répétait encore qu'il avait finit la visite et que par conséquent on pouvait quitter les lieux. Personnellement je ne voulais pas partir toute suite alors je me lançais.

- Si je vous fait une avance toute suite, on peut signer le bail?

Cela nous permettait de bloquer l'appartement et ainsi évité que d'autres personnes ne viennent le visiter et le trouve à leurs goût et qu'il nous passe sous le nez sans qu'on n'est le temps de s'en rendre compte.

- Euh!

J'avais décontenancé l'agent immobilier. Mais il ne mit pas longtemps pour appeler sa secrétaire et de lui dire d'annuler toutes les visites et de retirer l'annonces sur les différents sites et sur la vitrine de l'agence.

- Il est à vous Mesdames! Vous souhaitez de me régler en espèce en chèque ou par virement?

- Par chèque! Et bien sûr on peut emménager toute suite?

- Les clefs sont à vous! Je vous laisserais passer à l'agence pour récupérer les doubles des papiers.

Il nous fit signer le bail et les différents papiers que l'on avait à signer et il prit la fuite le sourire aux lèvres.

- Bienvenue chez nous Elise!