Que la fête commence - William

Je suis son hilarité, laisse tomber un petit rire et soulève un peu plus le coin de ma lèvre, comme le type charmé que je devrais être.

- J'ai un certain rythme, mais je ne connais pas les pas, l'informais-je.

Je sais prendre le rythme, m'adapter, passer d'un slow langoureux à un déhanchement beaucoup plus énergique, sur la piste ou ailleurs, en privé, mais je ne me donne jamais en spectacle. Ça ne vaut pas le coup. C'est le genre de jeux auxquels s'adonnent les couples ou ceux qui veulent vraiment laisser une bonne impression. Souvent pour compenser d'être une étoile de mer. De mon côté, mes répliques amusent ou choquent peut-être la galerie, mais c'est tout.

Il continue ses déductions et je l'écoute lorsqu'il croit détenir la bonne solution. Bien sûr que non, il n'a pas raison, mais s'amuse de voir quelle genre de déductions les gens peuvent tirer de ma dégaine. Amusé, je me permets de prendre une gorgée avant de lui répondre.

- C'est un peu moins glamour que ça, finis-je par avouer. Je travaille au musée : j'aide à monter les expositions, le renseignais-je.

Ce n'est pas vraiment ça, mais c'est parfois beaucoup moins compliqué à expliquer. Et si le sujet des connaissances doit être abordé, ça va, je suis pas trop largué. Je connais les grandes lignes de ce qui entre et j'ai mes spécialités. Pour le moment, je me questionne plutôt sur celles de mon vis-à-vis, en espérant qu'il ne me décevra pas.

- Et toi, tu es à L.A. pour attraper la gloire? Le questionnais-je, jetant un regard doucement appréciateur de bas en haut. Futur mannequin? Proposais-je suite à mon observation.

C'est flatteur, mais sans subtilité aucune, j'en ai bien conscience. L'idée c'est que ça permet deux ou trois tour de flattouillage dans le sens du poil. Mais qu'il soit futur mannequin ou simple serveur dans un resto de la plaza de Venice Beach, je m'en fous un peu. Au mieux, je verrai peut-être si j'ai affaire à un égo surdimensionné. Est-ce que ça me démoraliserait? Mmh… Je sais pas. Ça pourrait changer le jeu, peut-être.

Étudiant en arts, tiens donc. Un léger rire et un petit haussement d'épaules accompagne son commentaire sur le côté glamour de la chose, mais avant que je ne me permette de dire quoi que ce soit, je stoppe la bouteille à quelques centimètres de mes lèvres pour le regarder. Il peut rencontrer des gens charmants. Je fais supposément partie de ces gens charmants de ce que j'en déduis. Je sens que le petit étudiant verra ses illusions éclatées en morceaux dans les prochains jours. Ou peut-être les prochaines heures, qui sait? On verra bien où nous mènera ce petit jeu.

Reposant ma bière mon sourire s'est élargie un peu plus pour lui faire comprendre que j'ai compris le message, mais pour ma part, je ne lui ferai pas réaliser qu'il se trompe probablement de ligne. J'ouvre à peine la bouche pour parler et une exclamation couvre mes premières syllabes.

- Will!

Une légère grimace apparait sur mes traits et je joue la carte de la confidence tandis que mon collègue me fait un grand signe comme si je pilotais un avion et cherchait à le faire atterrir devant lui. Ça va, je suis pas aveugle et le bar n'est pas si bondé.

- Il existe tout de même des personnes un peu moins charmantes dans le domaines, indiquais-je plus bas à Sam, le tout appuyé d'un clin d'oeil avant de me tourner vers celui qui gesticule.

Par signes, il me fait comprendre que la blonde à son bras et ses copines ont acceptées de passer la soirée en compagnie de la bande du musée dans l'un des boxes V.I.P. Je ne sais pas ce que recherchent ses filles, mais si ça peut faire le bonheur de tout le monde, tant mieux pour eux! Sauf que je ne mettrai pas les pieds là. J'ai plus intéressant à pêcher ici. Aussi stupidement incompréhensible que ça puisse paraître pour mon collègue qui me rappelle dès que je me détourne.

- Est-ce que je peux t'inviter à prendre un verre ou un morceau ailleurs, Sam? Questionnais-je en revenant vers mon poisson ébouriffé, me faisait légèrement mal à l'aise. Ils ne vont pas arrêter de la soirée, précisais-je avec une légère grimace d'excuse.

Aux vues de la discrétion d'orang outan en chaleur que peut avoir mon soit disant "pote du boulot", mon flirt de ce soir aura facilement pu comprendre que je ne déconne pas. Il risque d'être lourd et insister longtemps, mais on joue avec et on se la fait "je te laisse le choix sans pression de mettre fin à tout ça ou non" du mec intéressé et légèrement mal à l'aise.

La proposition est lancée et je me la joue sous le masque du type un peu mal à l'aise par la présence de ses copains de boulot. Je ne suis pas tant mal à l'aise, il m'offre une bonne excuse pour changer d'endroit. Je reconnais quand même que ça m'emmerderait un peu qu'il me plante ma prise. Après, l'océan est vaste et y'a d'autres poissons à pêcher. Juste qu'il est intéressant celui que j'ai au bout de la ligne.

Une légère vibration se fait sentir à ma hanche et j'en sors mon cellulaire, pour vérifier rapidement l'écran. Mr le singe qui gesticule et me trouve trop long à les rejoindre probablement. Pourtant, ce n'est pas lui et je suis surpris de voir qu'il s'agit cette appli à potins qui m'envoie un message personnel. Qu'est-ce qu'elle me veut. M'excusant poliment à Sam, j'ouvre le tout pour lire, un léger sourire sur les lèvres, je réponds rapidement.

"On ment pas tous un peu à ce jeu? Mais je te l'accorde, il est peut-être un peu strange. Je me méfierai pour le coup de couteau. T'as d'autres infos du genre, ma commère préférée?"

Rangeant, l'appareil dans ma poche, je relève la tête, adressant un sourire d'excuses à Sam.

- Quand ce n'est pas un, c'est un autre, indiquais-je avec un léger rire, mettant sans hésitation et sans gêne le message sur le dos d'un autre collègue.

Que Sam, ou peut importe son nom, me mente sur son identité, j'en ai un peu rien à branler, c'est pas comme si j'étais blanc comme neige de toute façon. Malgré tout, une hésitation reste au fond de ma tête, on se la jouera peut-être un peu plus prudent dans les prochaines réponses sur soi si ça vient à se poser.

Une information qui tombe de nulle part et pourtant, bien qu'ayant répondu via cette application qui s'est installé clandestinement, je ne fais pas particulièrement de cas de la mise en garde. Qu'il me cache son vrai prénom, je ne dirais pas, ça ne me dérange pas particulièrement, on ment tous un peu dans ce genre de jeu et j'ai mes propres tords. Ce sera peut-être amusant de lui mettre sur le nez un peu plus tard, si j'y trouve un intérêt. L'idée qu'il puisse être plus qu'un simple étudiant laisse une hésitation dans le fond de mon crâne, réveillant une crainte qui ne dort jamais réellement, veillant à me rappeler que j'ai peut-être effectivement deux ou trois trucs dont je dois me méfier, mais d'être découpé en rondelle par le monsieur coiffé avec un pétard assis devant moi? Non, je ne crois pas.

J'en suis peut-être un peu naïf de penser que s'il est intéressé à ce qu'on poursuive notre ...conversation dans un endroit où mon prénom ne sera pas crier au 10 minutes avec de grands signes de mains, c'est pour un possible intérêt pour mon corps et pas en pièces détachées à refourguer au marché noir.

- Je connais un bistro pas loin, mais à cette heure, il sera bondé et la musique assez forte, expliquais-je avec un nouveau sourire d'excuses. Si tu as une préférence, même si c'est un peu plus loin, ne te gêne pas : ça me fera plaisir d'y aller. Je ne suis pas à pieds, le renseignais-je avec un petit sourire.

Je ne peux pas proposer chez moi, même si on n'y serait en quelques minutes. Pas plus que chez lui ou dans une quelconque confrérie ou chambre étudiant ou d'hotel où il loge si tel est le cas. Ce serait trop rapide et ça briserait l'image du charmant type, risquant de me faire perdre le coup. Mais si l'idée vient de lui, il y a une possibilité d'accepter.

Il semble jonglé avec l'idée et je le respecte son silence, mais lorsqu'il acquiesce pour le bistro, je lui offre un large sourire, comme charmé qu'il m'accorde un peu plus de son temp. C'est amusant de jouer les ensorcellés parfois. Ça rend le spectacle de la dégringolade plus drôle ensuite!

Adoptant une attitude détendu du mec qui a échappé à ses collègues de boulot pour passer la soirée en bonne compagnie, je mène le pas vers ce bistro dont je lui ai parlé. Les mains dans les poches, il fait son curieux ou essaie de ne pas laisser un silence gênant s'installer tandis qu'on marche côte à côte.

- Quelques fois le midi, l'ambiance est beaucoup plus tranquille, admis-je avec un rire.

J'y prends un café et un sandwich, posé près des baies vitrée ou dans un coin à l'ombre si c'est une trop forte cacophonie.

- C'est pas un resto grand luxe, mais c'est bon, expliquais-je avec un petit sourire.

C'est un bistro-bar quoi. Et puis, j'ai pas envie de jouer la carte du type blindé de fric pour impressionner le damoiseau. Pour l'instant, tant que je suis charmant, ça fonctionne. Un bonus inattendu étant que mon métier est dans un secteur qui s'apparente à ses études et donc à ses intérêt.Pour une coucherie, ça a pas grand intérêt, je le reconnais, mais pour faire durer le jeu un peu plus longtemps ensuite, ça peut être un grand atout.

Arrivant devant l'établissement, les baies vitrées nous renvoie un décor aux lumières tamisées et feutrées, la porte nous laissant entendre les décibels de musique populaires que crachent les hauts-parleurs. Ce sera ainsi jusqu'aux petites heures du matin, se calmant ensuite pour reprendre un rythme qui permet de servir petit déjeuner et café aux travailleurs du quartier.

Pénétrant en premier dans l'endroit, je me tourne pour offrir un sourire à Sam tandis que, intérieurement, je peste contre ce trop plein de bruits. Mes yeux cherchent un coin au bar ou l'on pourrait s'installer, mais il est déjà bondé d'amateur de sports qui regardent les écrans avec passion. Soccer. Intéressant, mais pas ce soir malheureusement. Je n'aurais qu'à capté les résultats demain à la radio. Pointant une table libre à mon poisson ébourriffé, je lui demande muettement si ça lui convient.