Aiden | Réapprendre les bases, c'est parfois compliqué.

De mauvais souvenirs de l’armée, Aiden en conservait des centaines et du temps passé au front principalement. L’armée avait pourtant été toute sa vie, dès lors qu’elle avait commencé et pendant trente-six ans consécutifs. Tous ses bons souvenirs venaient de là aussi. Alors malgré la tension qui montait inexorablement de devoir en parler, il n’avait pas non plus envie de prétendre que toute sa vie n’avait jamais existé simplement parce qu’il était amère de ne plus mener cette vie aujourd’hui et de ne pas savoir qui il était réellement sans son uniforme. “Ça ne me dérange pas vraiment d’en parler.” rassura-t-il la jeune infirmière. “J’étais très doué pour hurler, oui. C’est une condition essentielle pour gagner en grade dans ce métier, on doit pouvoir se faire respecter de nos hommes et rien de mieux pour ça que leur filer la frousse.” L’ombre d’un sourire passa sur ses lèvres, sans parvenir à s’imprimer réellement. Un jour ou l’autre, il parviendrait bien à faire le deuil de cette vie, mais il peinait encore à voir comment. Pour le moment, ce sujet le plongeait encore dans la nostalgie et quoiqu’il s’efforce de ne pas se laisser abattre, il ne se sentait pas spécialement motivé à en parler pendant des heures. Il parlait déjà beaucoup plus qu’il ne l’avait fait depuis un moment, du moins quand il était le sujet de la conversation. La preuve étant que même lorsqu’il cessa de se concentrer sur l’armée, ce ne fut que pour évoquer vaguement sa tentative de sortir et se faire des amis. Là encore un sujet bien trop personnel. Il y avait quelque chose chez cette fille qui lui donnait envie de parler, qui le mettait à l’aise. Sa gentillesse, probablement.

Bien que cette soirée dont il parlait ne soit pas forcément le meilleur choix non plus. Ça le faisait réellement sourire, au moins, ce qui aurait eu de quoi l’inquiéter s’il avait pris deux secondes pour y réfléchir. “Non, je n’ai pas vraiment essayé de garder le contact.” admit-il presque embarrassé. “Mais au moins, ça prouve que vous avez raison sur le principe. Profitez de cette petite victoire.” S’ouvrir un peu était une chose, beaucoup moins compliquée qu’il ne l’avait envisagé jusqu’à maintenant, mais il y avait une limite à ce qu’il se sentait de partager et Drew se trouvait loin derrière. Il se concentra donc sur son exercice tandis que l’infirmière allait mettre en place le matériel nécessaire pour la suite et même s’il appréciait sa compagnie, il commençait à trouver un peu étrange que le médecin ne se soit toujours pas présenté. Ils venaient clairement de passer plus de dix minutes ensemble, là. Que certains patients prennent plus de temps que d’autres, ça se comprenait, mais quelqu’un devait bien se charger de son cas aussi.

Mais pour changer, l’infirmière ne semblait pas particulièrement gênée par cette absence quand il s’en inquiéta et si ça lui était égal à elle, alors… “J’espère qu’il va pas tarder, alors. J’étais venu juste pour le massage, moi.” plaisanta-t-il à son tour. “Et même si je suis sûr que vous êtes plus douée que vous ne le dites, quitte à être tripoté, autant que ce soit par un homme. Faut joindre l’utile à l’agréable, comme on dit.” Il abandonna là la plaisanterie, cependant, pour observer ce qu’elle faisait avec un peu plus d’attention. Juste à voir le matériel, il n’était pas enchanté, mais quand elle lui expliqua quoi faire, il l’était encore moins. Il se leva quand même pour obéir sagement, préférant d’abord se mettre en équilibre sur la jambe qui allait bien, juste le temps de voir un peu s’il arrivait à le faire sans problème. Ce qui n’était probablement pas le cas. Il releva un sourcil vers elle quand elle lui demanda de s’assurer qu’il était bien en équilibre. “J’voudrais bien vous y voir ! C’est plus difficile que ça n’en a l’air !” s’offusqua-t-il gentiment. Il se redressa quand même dans l’espoir de réussir l’exercice et relança le ballon tout en reprenant la conversation. Elle voulait qu’il fasse un choix sur ce qu’il entendait par “pire patient”, mais lui entendait les choses autrement. “Pourquoi pas les deux ?”

Un sourire naquit peu à peu aux lèvres d’Aiden alors que la jeune femme s’efforçait de répondre à sa question et que le premier patient qu’elle lui décrivait lui rappelait indéniablement quelque chose, au point que pendant quelques secondes et avant d’entendre la fin de l’histoire, il envisagea une seconde qu’elle soit en train de le taquiner. Ça n’était pas le cas, mais ça le faisait réfléchir quand même un peu. Il ne perdit pas son sourire pour autant et lorsqu’elle eut terminé de lui raconter sa première anecdote, il prit même le parti de se montrer léger et insouciant. “Ah, vous savez la crise de la quarantaine, ça nous rend un peu grognon.” lui expliqua-t-il, aussi sérieux que possible et échouant malgré tout à ne pas rire. Il n’était pourtant pas si loin de la vérité. Et il savait mieux que personne ce que ça faisait, de vieillir et de découvrir tout à coup qu’on était plus tout à fait le même homme qu’autrefois, de ne plus avoir le même contrôle sur son corps, que ce soit naturel ou non. Il voulut poursuivre avec une autre plaisanterie sans intérêt, mais le silence dans lequel elle s’était plongée tout à coup posa comme un malaise entre eux et lorqu’elle reprit enfin la parole, il comprit finalement pourquoi.

La deuxième histoire était plus douloureuse, même à entendre. L’air léger d’Aiden devint rapidement un masque de gravité et il posa un regard désolé et compatissant sur l’infirmière. “Je suis désolé.” souffla-t-il en baissant rapidement les yeux, sans même vraiment savoir pourquoi. Politesse ou gêne, sans doute. Ça ne changeait plus rien qu’il compatisse à sa peine et ça n’aurait rien changé non plus s’il l’avait fait au bon moment. “La vie a une certaine tendance à se montrer injuste,” souffla-t-il sur le même ton, “heureusement qu’il y a des gens comme vous pour rester courageux et apporter un peu de lumière.” Il tenta de lui sourire, mais savait déjà que ses mots ne lui apporteraient aucun véritable réconfort. Et pourtant, il savait bien quelles horreurs se cachaient dans le monde et quelle frustration c’était de vouloir vouer sa vie à tout arranger d’une façon ou d’une autre et de comprendre qu’on ne pourrait jamais faire plus qu’une toute petite différence à peine visible.

Dans tous les cas, le sujet était sensible et il n’ajouta donc rien de plus, suivant simplement les instructions qu’elle lui donnait pour l’exercice suivant, qui lui semblait bien plus simple que ceux réalisés jusque là. Et quand il essaya réellement, il ne put que confirmer que cet exercice lui convenait mieux, bien qu’il ne voit pas vraiment en quoi ses jambes étaient impliquées pour le moment. Raison pour laquelle, il tourna légèrement la tête vers la jeune femme après la troisième contraction. “Je dois m’y prendre mal encore une fois, non ?” demanda-t-il, sourcils froncés, mine concentrée. “Parce que je le trouve plutôt facile, celui-là…” Il retourna observer ses jambes sans perdre son air sérieux, pas tout à fait. “Ou alors je suis enfin guéri. Ce serait vraiment génial. Dites-moi que je vais pouvoir aller courir un marathon en sortant d’ici…” plaida-t-il, le ton exagérément dramatique. Il ne se faisait pas trop d’espoir à ce sujet, mais s’il pouvait au moins détendre l’atmosphère...

Il retint un rire et haussa les épaules, alors que l'infirmière s'interrogeait sur les risques qu'elle encourait elle-même lorsqu'elle atteindrait l'âge glorieux de quarante ans. Malgré sa grande expérience de la vie - ok, il était vieux - Aiden n'était hélas pas un spécialiste concernant la gente féminine. "Ça, il va falloir que le découvriez toute seule le moment venu !" lança-t-il simplement. S'il se fiait aux quelques femmes qu'il connaissait de cet âge, il n'avait de très bonne nouvelle pour elle, mais elles étaient toutes des officiers de l'armée et déjà grognon avant, alors peut-être que tout ça n'avait rien à voir, après tout. Il l'espérait pour elle, même si elle ne lui donnait pas l'impression d'être le genre de personne à traverser une crise identitaire. Ce bref échange fut le dernier avant qu'un profond malaise ne s'installe et même s'il savait qu'il n'y était pour rien, Aiden ne put s'empêcher de s'excuser lorsqu'elle lui raconta l'histoire de cet enfant. Il était surtout désolé qu'elle ait eu à traverser une épreuve aussi douloureuse, quand bien même il savait mieux que personne que c'était la réalité de leur monde, qu'on ait conscience ou pas. Il avait une bonne dizaine d'histoires tout aussi tragiques de son temps au Moyen-Orient en tant que soldat, mais malheureusement aucune envie d'en partager une seule pour le moment. Il s'efforçait d'oublier, ça n'était pas pour en raconter chaque détail à la moindre occasion.

Il laissa donc le sujet retomber et se concentra plutôt sur l'exercice, le premier qui lui plaisait réellement depuis le début de cette séance, au point qu'il s'étonna d'y parvenir aussi bien. Il profita de ce bon moment et de ce regain de motivation pour alléger un peu l'ambiance, mais hélas, sa charmante infirmière était d'un sérieux impressionnant. "Vous savez comment briser le coeur d'un homme, vous..." déplora-t-il alors qu'elle refusait de lui accorder le droit de courir le prochain marathon de la ville. Même si ça n'avait toujours rien de sérieux et qu'il restait parfaitement conscient de la réalité de sa situation, il espérait seulement qu'un peu de chaleur et de bonne humeur revienne s'installer entre eux. Il se repositionna quand même correctement pour reprendre l'exercice comme elle exigeait, mais eut à peine le temps de s'installer que la porte s'ouvrit, assez précipitamment pour le prendre par surprise. Le médecin venait d'arriver et cela eut pour étrange effet de décevoir un peu Aiden. Il n'avait jamais passé un aussi bon moment au cours d'une séance de rééducation. Il se leva à son tour alors que le médecin remerciait l'infirmière de l'avoir remplacé bien plus longtemps que prévu, tandis que lui les observait en avalant quelques gorgées d'eau. "Elle a été terrible, à croire qu'elle aime faire pleurer les hommes." répondit-il, tout sourire, quand le médecin lui demanda si tout c'était bien passé. Il aurait peut-être préféré que le vrai médecin n'arrive jamais, finalement. Mais personne ne lui demandait son opinion et elle devait avoir d'autres choses à faire plus importantes que lui tenir compagnie. Aussi, il s'approcha de la jeune femme pour lui tendre sa main libre. "Ravi de vous avoir rencontré, Quinn." lâcha-t-il gentiment avant de la laisser partir.

❝ @Aiden Jacobs ❞Réapprendre les bases, c'est parfois compliqué.La séance et la conversation c'était plutôt bien passé. Alors qu'il reprenait les exercices, le kiné arriva enfin prenant des nouvelles de son patient. Étrangement, cela déçu un peu Quinn qui aurait bien terminé la séance avec Aiden, malgré un faux air bourru, le quarantenaire était de bonne compagnie et cela lui changeait des patients totalement déprimé. Qu'il plaisante ou même se tourne en dérision était rafraîchissant.
- Oh je n'en doute pas, Mademoiselle Nichols feraient une excellente kinérapeuthe, malheureusement, ces ambitions ne l'ont malheureusement tourné vers notre service, mais je n'hésite pas à employé ses talents, elle est une excellente aide, dit-il en souriant.
- Merci monsieur, dit Quinn avec un sourire contraint, elle n'aimait pas vraiment sa façon de la recruté mais elle y était habitué, reconversion en masseuse-kiné était l'une des options que lui avait proposer l'hôpital lorsque la maladie de la jeune femme avait été nommée. Elle sourit plus sereinement,
- J'espère avoir le plaisir de vous "torturez" à nouveau bientôt Monsieur Jacobs, vous savez où me trouvez si vous avez besoin de quoi ce soit, dit-elle avec un geste de salut avant de quitter la salle et de retourner aux urgences.

2981 12289 0

HRP: