Aller, on se bouge ! || ALIENOR&GABRIEL

Le réveil avait été difficile. Encore une fois, Gabriel s’était couché beaucoup trop tard. Le sommeil avait toujours du mal à le gagner, car il était régulièrement aux prises avec des cauchemars sur la mort de son petit frère. Même si ça faisait plusieurs années maintenant, le pompier n’avait jamais pu faire son deuil. Il était rongé par la culpabilité, car il était l’unique responsable de cette mort. Lorsque son réveil avait sonné, Gaby avait grogné et il était passé à deux doigts de le balancer au bout de ses bras. Il s’était souvenu à la dernière seconde qu’il se servait de son téléphone pour se réveiller. C’est la tête complètement ailleurs que le brun se mit en position assise dans son lit. Pendant de longues secondes, il fixa dans le vide avant de finalement réussir à quitter la chaleur de son lit pour une bonne douche chaude qui lui remit légèrement les idées en place. Ce qui allait l’aider davantage était le très grand café qu’il allait se faire. Une fois dans la cuisine, Gabriel prit la peine de se préparer un bon petit-déjeuner avec un grand jus d’orange et surtout un grand café. Voilà qu’il allait lui faire un bien fou et qu’il allait lui faire oublier sa nuit maussade. Avec les années, Gaby  avait l’habitude de dormir très peu voire pas du tout. Il sentait qu’un jour, son corps allait le lâcher, mais ce jour n’était pas arrivé. Le pompier carburait très bien au café et tant qu’il allait assurer à son travail, il n’allait rien changer. Le brun avait tenté les médicaments pour dormir, mais le réveil encore plus difficile et il prenait plusieurs heures avant d’émerger.

Une fois bien nourri, vêtu et surtout avec un second café dans une tasse isotherme, Gabriel quitta sa demeure afin de se rendre à la caserne. La journée d’aujourd’hui n’allait pas être de tout repos. N’ayant pas envie de remplir des rapports toute la journée, seul dans son bureau, le chef de l’équipe avait planifié un entraînement de groupe. Il le faisait de temps en temps. Généralement, Gaby laissait ses collègues se tenir en forme de leur côté, mais au moins, une fois par mois, il rassemblait tout le monde et il poussait leurs limites. Bien sûr, Gabriel participait. Il n’était pas du genre à regarder ses collègues travailler sans rien faire, il aimait se mouiller et suer également. Le sport était toute sa vie. Dès qu’il pouvait montrer ses compétences, il le faisait. Il aimait se pavaner, ce n’était plus un secret pour personne. Ce matin-là, Gabriel aurait bien cru être le premier – comme toujours – mais ce ne fut pas le cas. Il fronça les sourcils en apercevant une tête blonde. Le chef s’approcha d’elle et lui sourit. « On t’a poussé du lit ce matin ? Tout va bien ? » demanda-t-il en observant sa collègue, Aliénor. Cette dernière était dans l’équipe depuis un petit moment et ils avaient des relations un peu compliquées. En même temps, Gabriel ne pouvait pas lui en vouloir, il était difficile à vivre. Il le savait très bien. « En tout cas, tu as une sale gueule. Café ? » Ce n’était pas vrai, elle semblait en meilleure forme que lui, mais il ne pouvait pas s’empêcher de dire une ou deux remarques acerbes. En parlant, le pompier avait tendu son propre café vers Aliénor. Avoir su, il lui en aurait apporté un… Ou pas. Il n’était pas reconnu pour sa générosité envers ses collègues.

Son comportement avec Aliénor n’était pas différent des autres personnes qui travaillent pour lui. Même si elle était une femme, une très belle femme, Gabriel gardait ses distances avec elle. Il avait toujours voulu garder une distance entre sa vie personnelle et professionnelle. Et il savait très bien qu’une relation autre qu’amicale avec une collègue pourrait compliquer énormément les choses. « Oh, mais c’est qu’elle est apique dès le matin la petite Aliénor. Tu as mangé du lion enragé hier soir ? » Certes, il l’avait peut-être un petit peu provoqué, mais il était évident qu’il ne pensait pas un mot de ce qu’il disait… Contrairement à la jolie blondinette qui semblait bien heureuse de lui lancer cette remarque. « Je n’avais rien mis à l’intérieur, donc tant pis pour toi ! Ça en fera plus pour moi ! » dit-il en prenant une longue gorgée du café qui était pour lui à la base et qu’il avait gentiment offert à sa collègue. Il pourrait presque être vexé de son refus.

Immédiatement, Aliénor monta sur le tapis et Gaby la suivit du regard. Un léger soupir s’échappa de ses lèvres à la suite des choses. Si elle commençait déjà à l’agacer avec ses petites remarques cinglantes, la journée allait être très longue. « Bon, bon, bon… Serait-ce de la jalousie ? Ne t’inquiète pas Spence, un jour tu vas trouver le bon. Et ce jour-là, tout le monde ici va le savoir, car tu vas être de bonne humeur. Vivement que ça arrive. » Il roula des yeux et prit une nouvelle gorgée de son café sans bouger le petit doigt. Il avait avec un bras croisé sur son torse et fixait la pompière. « Je suis toujours là pour la compétition. Quand tout le monde sera là, compte sur moi pour être au top. Et essaye de ne pas finir dernière cette fois. » Elle n’avait jamais terminé dernière, Aliénor tenait tête physiquement à beaucoup de ses collègues, mais Gabriel voulait seulement la pousser à donner encore plus lors de l’entraînement qui allait suivre un petit peu plus tard. « D’ailleurs, c’est fort probable que nous soyons touchés par la prochaine coupure budgétaire. J’espère que tu sauras me prouver encore aujourd’hui que j’ai raison de te garder dans l’équipe. » Des menaces ? Pas du tout. Même si leur relation était conflictuelle, Aliénor était dans les meilleures de l’équipe. Il n’avait pas du tout l’intention de la couper si le besoin se faisait ressentir. C’était surtout une façon de lui faire part de la situation et de ce qui allait suivre. Ce n’était jamais une étape facile lorsque les patrons décidaient de diminuer les équipes.

Les relations entre Gabriel et Alienor avaient toujours été très tendues, à un point où certains se demandaient pourquoi le chef de l’escouade de ne la faisait pas transférer. Et pourtant, ça ne lui avait jamais traversé l’esprit. Elle faisait son boulot, elle était un excellent pompier. Ce n’était pas quelques désaccords qui allaient changer ça n’est-ce pas ? On pouvait même dire que ce petit jeu l’amusait. Certes, ça blessait son égo masculin de temps à autre, mais ce n’était pas le plus important. « Je n’ai rien dit au sujet des règles, mais si tu le confirmes… » Taquin ? Jusqu’au bout. Il sourit. « Oui, je pense que la seule façon de combler une femme, c’est un homme. Tout comme je pense qu’un homme a besoin d’une femme. C’pas fait pour être seul un humain. » Il haussa les épaules. Oh oui, le chef de l’équipe était sexiste sur certains points, mais il n’avait aucune gêne à admettre qu’il avait besoin des femmes dans sa vie. Sans elles, il serait complètement perdu. Finalement, le brun ne put s’empêcher de faire une petite remarque sur ses performances. Elle n’était pas nulle, au contraire, et c’était pour cette raison qu’il se permettait de la taquiner. Si elle n’avait pas le rendement attendu, Gabriel l’aurait déjà rencontré de manière plus formelle. Il ne l’aurait pas fait au détour d’un tapis roulant. « C’est toujours important d’avoir son fan club ! Tu devrais former le tien ! Promis, j’adhère et je vais porter fièrement un t-shirt avec ta grosse tête dessus. »

Gabriel allait tout faire pour que la coupure n’ait pas lieu, mais ce n’était pas lui qui aurait le mot final. Si les grands patrons lui disaient qu’il devait virer quelqu’un, il allait devoir le faire. Même s’il allait sans doute tricher légèrement pour le faire transférer ailleurs pour ne pas le renvoyer entièrement. « Si tu te présentes ici en pensant que tu n’as plus rien à prouver, tu n’es pas dans la bonne équipe. Tu auras toujours à prouver que tu mérites ta place ici. Et ça n’a rien à voir avec le fait que tu sois une femme. » Il tapa doucement sur le tableau du bord du tapis tout en ajoutant : « Garde tes jambes, tu vas en avoir besoin. » S’éloignant finalement, le chef laissa les gens arriver et il sourit en voyant son équipe. Il en était fier. Ils n’étaient pas beaucoup, mais ils faisaient du bon boulot. Avec un membre en moins, ça serait encore plus difficile. Cette décision le tuait d’avance. « Bon matin à tous ! J’espère que vous êtes en forme. Pas de rapports ce matin, on s’entraine ! » Des exclamations joyeuses se firent entendre entre les hommes de la place. « On va aller dehors faire quelques tours du terrain pour commencer. Réveillez-moi vos petites jambes. Cinq tours pour commencer et je rajoute deux tours à tout le monde si quelqu’un arrête de courir. » Il jeta un coup d’œil rapide à Joey qui n’avait pas nécessairement le meilleur cardio. Attrapant son sifflet, Gab souffla un bon coup et regarda tout le monde se diriger vers dehors, le chef fermant la marche. Une fois sur le terrain, Gabriel ne resta pas les bras croisés et il entreprit de courir avec son équipe. Il devait se garder en forme également. De plus, il adorait les séances d’entraînements.