Comme chien et chat || Jacqueline

Certaines idées semblaient excellentes jusqu'à ce qu'on y soit réellement confrontées. Quand il se retrouva seul devant le chenil, Aiden réalisa qu'il vivait l'un de ces moments. Adopter un chien pour lui tenir compagnie lui apparaissait comme une très bonne chose la veille, un peu moins ce matin au réveil. Plus du tout deux heures plus tard. Que ferait-il d'un chien dans son appartement déjà à peine assez grand pour lui ? Et puis, il faudrait le sortir, le nourrir... Il aurait à marcher plusieurs fois par jour alors qu'il pouvait tenir debout quand la douleur dans son genou se réveillait. Il perdrait quelques dollars en plus sur sa pension de vétéran pour des croquettes. Il perdait son temps. D'un autre côté, la psy jurait que ça lui ferait du bien d'avoir un autre être vivant à ses côtés et dont il devrait s'occuper. Pour se responsabiliser, retrouver des habitudes saines et se sentir moins seul. Elle devait bien en savoir quelque chose, si l'on en croyait tous les diplômes affichés fièrement dans son bureau. Il n'avait pas grand chose de mieux à faire, de toute façon, alors...

Prenant son courage à deux mains, il se força à entrer. Il pourrait toujours changer d'avis s'il ne trouvait aucun animal qui soit à son goût, n'est-ce pas ? Et il aurait un argument à opposer quand cette agaçante psychiatre essaierait de le culpabiliser à ce sujet. Il n'y avait qu'une seule personne à l'intérieur du chenil, une seule qui soit visible en tout cas. Détail qui l'aida à se détendre légèrement. Mais il tirait toujours sa tête d'enterrement quand il s'approcha et se planta devant elle en s'appuyant sur sa béquille. "Bonjour." la salua-t-il sans grand enthousiasme. Il força un sourire peu convaincant. "Est-ce que vous pourriez m'aider ? J'aimerais adopter un chien." C'était clair et concis, pas de fioritures avec lui. Il continuait de parler comme un soldat, même sans avoir enfilé un uniforme depuis près d'un an : sec, direct. Probablement pas la meilleure manière de s'adresser à quelqu'un dont on espérait obtenir la coopération. Mais il n'avait jamais fait ça avant et honnêtement, il ne savait pas bien ce qu'on pouvait dire dans une situation comme celle-là. Il essayait, au moins.

Était-elle en train de pleurer ? En voyant la jeune femme passer ses mains sur ses yeux rouges, l'ancien soldat eut un léger mouvement de recul. Il savait qu'il n'était pas la personne la plus avenante et la plus agréable à fréquenter, mais là... Non, cette réaction ne pouvait être de son fait, impossible. Il pinça les lèvres, sans trop savoir quoi faire. Il ne se sentait pas coupable d'avoir été désagréable ou pas suffisamment poli. Il se sentait rarement coupable pour des choses aussi simples et banales alors que dans son crâne, des centaines de souvenirs horribles continuaient de le hanter et lui semblaient bien plus grave que d'avoir froissé une pauvre jeune femme innocente. Il n'en était pas fier pour autant et lorsqu'elle lui répondit avec autant de fermeté, il se força à baisser les yeux. "Merci." souffla-t-il, mettant autant de déférence que possible dans sa voix. Et puisqu'elle l'exigeait, il la suivit vers l'arrière et découvrit le monde des chenils pour chiens.

Il resta silencieux les premières minutes alors qu'elle le guidait, observant simplement autour de lui, mais se stoppa net en ouvrant des yeux ronds à sa première proposition, son regard écarquillé posé sur les trois petits chiens du genre de ceux qu'on voyait dans les magazines people au bras de la dernière it-girl à la mode. "Euh..." Le fait qu'il n'y ait pas besoin de le sortir vingt fois par jour était effectivement une excellente nouvelle, mais le Major se disait surtout que cette fille se fichait de lui. Il décida malgré tout de ne pas lui poser la question, histoire de ne pas la vexer plus que de raison. "Je crois pas que ce soit des chiens faits pour moi." dit-il à la place, juste un peu tendu. "J'aimerais mieux un animal un peu plus grand." C'était difficile de ne pas ajouter quelque remarque malvenue qui soit, mais il y parvint admirablement et sans protester davantage, la jeune femme l'emmena voir d'autres chiens. Cette fois, au moins, ils semblaient adaptés à sa personne.

Si le nom du boxer amusa la guide, Aiden lui resta perplexe et terriblement sérieux, posant son regard sur elle plutôt que sur le chien. "Prince ? Comme le chanteur ?"demanda-t-il, l'incrédulité dans sa voix légèrement gâchée par le jugement parfaitement palpable. Il ne se sentait pas assez sûr de lui pour se balader partout en ville avec un chien appelé Prince. Il continua pourtant d'observer le boxer, mais ça n'était pas le coup de foudre qu'il avait attendu et qu'importe ce qu'en pensait la demoiselle, ça ne fonctionnait pas pour lui. "Je crois qu'un berger allemand, ce serait mieux pour moi." décida-t-il après quelques secondes d'intense observation. "J'en ai déjà côtoyé à l'armée, c'est plus mon genre." C'était peut-être aussi un peu cliché, sans doute, mais qu'importe. "S'ils sont bien dressés, c'est parfait. Je peux les voir ?" La vraie question qu'il se posait, mais qu'il n'oserait probablement pas formuler à voix haute était de savoir comment on choisissait quel chien on voudrait entre trois exemplaires semblables. Il décida juste qu'il éviterait celui appelé Bowie ou Ringo Star.