but... coffee first (ae-liam)

Serviette en main, s'ébouriffe ma tignasse encore trempée, parcourant l'appartement simplement vêtu du boxer que j'ai enfilé. Le survet que je portais avant traîne encore par terre près du lit, tout comme le t-shirt trempé dont je me suis débarrassé en arrivant.

Réveillé trop tôt comme souvent et incapable de me rendormir comme à l'habitude, j'ai plutôt décidé de m'habiller et suis sorti faire un jogging. L'air frais du matin, les rues encore endormies, les passants plus ou moins éveillés aussi, les filles avec leurs shorts "de courses" moulantes et définitivement trop courte pour que ça reste innocent. ...c'était bien. Et puisque cette fois, le dos n'a pas décidé de réveiller les blessures pour me faire souffrir, j'ai poussé plus loin que mon circuit habituel du weekend. Le tour d'Echo Park Lake d'abord, puis du Dodger Stadium par les espaces verts, longer le boulevard, mais c'est finalement la circulation qui m'a fait piqué vers chez moi et m'éloigner du bruit du trafic. Je préfère mes matinées calmes et je ne gère qu'à demi les bains de foules.

La radio radio satellite au salon jette tout de même quelques vieux tubes australiens qui emplissent l'appartement et j'ai un vague sourire en coin en reconnaissant les mesures. Mes yeux accrochent une photo en particulier sur la murale qui s'est agrandie avec les années et je la retire pour vérifier l'inscription au dos. "Réunion. Piton des neiges. Août 2014." Sympa.


Installé tranquillement à la terrasse, je tourne une nouvelle page du livre que j'ai en main avant de prendre une nouvelle gorgée de café. Faute de trouver ce que je cherchais dans les encyclopédies présentent sur les étagères du salon et réalisant que je n'avais toujours pas acheté un meilleur café que celui, imbuvable, qui prend l'humidité dans le garde-manger - chose qui n'est pas pour arranger son cas - je me suis finalement décidé à faire un saut à la librairie au bas de la rue pour acheter un guide voyage avant de me poser au café d'en face. La bouffe est bonne, le café aussi et les fruits sont frais. Qui plus est, tôt le matin, ce secteur est encore tranquille, alors autant en profiter!

Un bagel entamé dans l'assiette devant moi, je pige plutôt une baie avant de tourner la page et continuer ma lecture. Une voix à l'intérieur perce cependant au-dessus des autres, assez pour attirer mon attention et que je détourne la tête, un instant, par réflexe. Mon regard se pose sur les silhouettes avant d'accrocher sur une en particulier et de la détailler un peu plus. Un coin de mes lèvres se retrousse et j'étouffe un rire en prenant une gorgée. Tiens, je ne l'avais pas prévu celle-là!

Poursuivant nonchalamment ma lecture sans faire le moindre geste à son attention, je ne résiste cependant pas plus de quelques minutes après qu'il se soit installé à la table voisine, dos à moi, pour étirer le bras et lui pincer le bord de la fesse.

- Je reconnaîtrais ce derrière moulé dans un jeans n'importe où, susurrais-je en me penchant un peu plus près de son oreille pour accompagné mon geste.

Reprenant tranquillement mon équilibre sur ma chaise, je me contente de le regarder avec un sourire amusé.

Ces courbes, certes un peu plus discrètes qu'une paire féminine - quoique ça dépends des modèles, faut le dire - je les reconnaîtrais assez facilement moulées dans un jeans ou un boxer pour les avoir vu à quelques reprises. C'est d'autant plus évident, quand on lève les yeux, qu'on voit le reste de la silhouette et la crinière noire qu'il aborde.

Et comme je m'entête rarement avec les politesses d'usages lorsqu'il s'agit d'une connaissance, en particulier une connaisse que je peux embêter selon mon bon vouloir ou presque, j'incline ma chaise pour me poser en équilibre sur deux pattes pour me donner le pouce ou deux qu'il me manque pour pincer familièrement le début de ces courbes que j'ai reconnu justement. Pas très fort, mais bien assez pour le faire tressaillir. Et les quelques mots que j'y ajoute n'aide pas tellement à son bien être apparemment puisqu'il se tourne pour m'envoie un regard sombre tandis que je lui réponds d'un sourire que l'on peut probablement considérer comme amical alors que les deux autres pieds de ma chaise rencontre à le sol. Hum. J'en déduirais qu'il n'est pas des plus heureux de me voir, ses paroles me le confirme d'ailleurs. Malheureusement, il n'est pas d'humeur à reproduire notre dernière rencontre.

- Ça manque un peu d'intimité pour ça, mon cher, lui indiquais-je tranquillement. Je ne fais pas trop dans l'exhibitionniste, mais si tu y tiens vraiment, on peut se trouver un endroit pour être plus tranquille, proposais-je, fronçant le nez et plissant les yeux de manière amusé quelques secondes avant de me détourner pour me concentrer à nouveau sur mon bouquin.

Je fais le con, je sais très bien que ce n'est pas ce qu'il a sous-entendu. Il voudrait que je lui foute la paix, que je le laisse se délecter de son petit déjeuner tranquillement et en silence, mais comment dire… ça n'arrivera pas. Du moins, pas tout de suite.

- Et sinon, c'était bien ton invité la dernière fois? Le questionnais-je sur le ton de la conversation, tournant une page que je n'ai pas vraiment lu, mais qui supposément accapare une part de mon attention. Il a réussi à te défrustrer? Demandais-je d'une voix dénudé d'émotions comme si je lui parlais de la température qu'il fera demain, m'étirant pour cueillir la tasse de café poser sur la table.

À dire vrai, je me fous un peu - et même beaucoup - qu'il aie pris son pied ou non. Si ce n'est pas le cas parce que je l'ai trop énervé, ça me fera rire, je le reconnais, mais le but des questions est cependant plutôt parce que c'est amusant de le faire tilter.

Ma proposition a fait mouche et il se rembrunit, me reprochant ce qu'il considère comme un fiasco alors que je me suis pourtant amusé de mon côté. J'en étouffe un rire à son petit jet de venin. C'est bien plus simple de dire que c'est de ma faute s'il y a eu toute une parade, ce soir-là. Probablement autant que ce l'était de dire que je lui avais forcé la main ou tordu le bras pour qu'il me laisse entrer.

- Tu sais que j'ai pas défoncé la porte? C'est toi qui m'a laissé entrer, je te signale, lui rappelais-je doucement et simplement. Et y'avait que quelques mots à prononcer pour que ça se termine tout autrement sans que t'aies besoin de composer le numéro de personne ensuite, ajoutais-je sur le ton de la conversation, mon doigts suivant une ligne de texte sur la page du livre appuyé sur ma cuisse et ma cheville que j'ai appuyé dessus.

Étant sur le sujet de cet appel qu'il a passé lorsqu'il a signé la fin de notre soirée en décidant de ne pas répondre à ce petit ordre que je lui avais donné, je lui demande si ça c'est bien passé avec son roméo d'un soir qui a dû le prendre pour une girouette et moi pour… Pour quoi exactement? J'en sais rien. Et j'en ai pas vraiment grand chose à faire non plus, s'il faut être franc. Le ton d'Aeden se fait plus froid, lui se fait plus raide, comme si on lui avait enfoncé un balai plus profondément que ce qu'il est habitué. Il tourne la tête comme un cliché de mauvais acteur voulant paraître snob et c'est pourtant ce qui me prouve que je gagne du terrain sur le chemin de sa frustration.

Faisant comme si je n'avais rien remarqué, je laisse plutôt échapper quelques notes de mon hilarité, secouant doucement la tête comme s'il venait de me raconter une très bonne blague. Je pige à nouveau quelques baies dans mon assiette et revient à mon bouquin. Quelques secondes à peine.

- Ce devait vraiment être pitoyable pour que tu libères autant de rancoeur en te le remémorant, commentais-je, riant encore un peu.

Récupérant la photo retirée du mur ce matin que j'avais glissée entre la dernière page et la couverture, je la pose comme signet où je suis supposément rendu avant de déposer le livre sur la table et me tourner un peu plus franchement vers le monsieur qui grogne à mes côtés.

- Tu te sentirais mieux si t'en savais un peu plus sur moi, Aeden? Le questionnais-je avec un petit sourire, peut-être plus moqueur que réellement sincère.

J'avoue qu'il me fait plus penser à un enfant qui fait une crise plutôt qu'un mec à qui je devrais des excuses pour m'être comporter comme un goujat. Non pas que je lui en offrirais d'ailleurs, mais je peux bien lui donner une sucette pour qu'il arrête de bouder.

- Outre que tu sache déjà où je vis, à quoi ressemble l'intérieur, du moins surtout la chambre, et que je t'aie refiler l'adresse de ma mère, qu'est-ce que tu veux savoir? Proposais-je récupérant mon café pour en prendre une gorgée.

Il acquiesce que si j'avais fait sauter sa porte, j'en aurais pris une verte. Sauf qu'il oublie un petit riquiqui minuscule détail.

- Pourquoi m'épuiser à essayer de la défoncer quand tu m'ouvres à chaque fois? Ne puis-je m'empêcher d'ironiser sans le regarder, prenant une bouchée de mon petit déjeuner.

Trop simple. Et s'il me répond que je me la prendrai dans la gueule la prochaine fois… boh, est-ce que je suis obligé de le croire? Il a déjà dit qu'il n'était pas d'humeur à me supporter aujourd'hui et pourtant il me répond depuis que je lui ai adressé la parole. D'accord, ce n'est pas de la manière la plus cordiale qui soit et je sais très bien que mes propres paroles à son égard n'entraîneront pas de cette cordialité rapidement, mais je pousse le bouchon volontairement depuis tout à l'heure alors c'est que l'effet boule de neige. Si je continue encore un bon moment et qu'il hausse le ton, j'en serais pas surpris. Mais la partie serait probablement finie.

- Hum, fis-je avec un hochement de tête appréciateur. Faudra que tu me files son numéro alors, ça pourrait être intéressant de tester un peu s'il admet ce que tu te refuses à dire.

Je ne tiens pas en compte l'insulte qu'il profère à mon attention - quand ce sera nouveau, je daignerai faire - et préfère lui retourner sa phrase, lui rappelant que s'il m'avait répondu simplement, il ne s'en serait pas retrouver frustré à ce point. Mais bon si son problème c'est régler par la suite, tant mieux pour lui malgré que j'ai de légers doutes. Le type a beau être bien fourni, ses paroles me semble encore trop pleines de rancoeur pour qu'il aie vraiment pris son pied. Où c'est le rappel de ma présence qui lui tombe sur le système? Oups.

Lui proposant une friandise pour calmer ses nerfs avec lesquels je m'amuse depuis un petit moment, je lui laisse l'opportunité de se renseigner. Sans saisir sa chance, il affirme plutôt savoir qu'il est un salaud avec moi et j'en hausse un sourcil. On ne joue pas au même niveau tout simplement. Et s'il se croit être un salaud, en particulier avec moi, il faut qu'il apprenne à revoir ses critères de classification. Après faudra pas s'étonner que je fasses parti des connards finis selon son classement!

- Non, c'est vrai, acquiesçais-je à sa remontrance tranquille. T'es aussi un mec qui fait de la course à pied pour travailler ce derrière dont tu es fier et que je ne dois pas prendre pour un simple garage. Un type qui écoute plusieurs groupes disparates et parfois un peu obscurs, même si ces derniers temps, t'es un peu plus sur du rock. Et… hum… je tenterais la possibilité que tu sois végétarien ou du moins que tu surveilles relativement ton alimentation sans pour autant être sur une diète précise, énumérais-je.

Me penchant un peu vers l'avant, j'encre mes pupilles aux siennes.

- Alors, j'ai raison? Lui demandais-je en le fixant.

Je ne me suis pas renseigner à son sujet, faut pas se faire d'idée. C'est tout simple et tout bête ce que je viens de faire. Pour la course à pied, si je le sais, c'est qu'on habite le même quartier, alors je l'ai déjà vu passer lors de son footing matinal. Parfois tard le soir aussi. Je ne connais pas son horaire, ne regarde pas systématiquement par la fenêtre à X ou Y heure parce qu'il pourrait être sur la rue, c'est une part de hasard qui a fait que j'aie tourné la tête à ce moment. Une autre part en déduction aussi, puisqu'il m'a dit travailler sa coupe de reins la dernière fois. D'où la mention de la fierté.

Après pour la musique, je dis seulement parce que j'ai déjà vu des piles de cds chez lui. Et si je ne suis pas nécessairement à jour pour les derniers tubes ou groupes en vogue, je n'ai pas reconnu les titres ou visuels des pochettes. Chose qui aurait probablement été le cas si c'était un truc plus populaire. Pour la précision du rock, je dis seulement parce que j'ai entendu un air peu de temps avant de le repérer à l'intérieur. Un laps de temps qui me laisse croire que c'était le casque qu'il a au cou qui jetait les notes avant qu'il ne franchisse la porte du café.

Pour l'alimentation, c'est le même principe. Jus d'orange et fruits, pour compenser les pancakes et se donner bonne conscience de prendre un truc qui fait supposément prendre trois tonnes rien qu'en le regardant. Zéro viande dans son cabaret, possibilité d'être végétarien, sans pour autant être végétalien. Le café est probablement un habituel, mais la viennoiserie me prouve qu'il ne suit pas un régime.

Reste plus qu'à savoir si j'ai eu bon ou non, cette fois.

J'hoche la tête lorsqu'il me traite de connard. Ce n'est pas vraiment un argument que je peux contredire. Je ne le prend pas vraiment comme une insulte non plus, bien que ce soit ainsi que les gens me lance à la figure. Je le prends plutôt comme un fait établi, au même titre qu'on peut dire que j'ai les yeux pairs ou les cheveux blonds naturellement en bataille. Je suis un connard, j'agis en connard, normal qu'on dit de moi que j'en suis un. C'est tout aussi simple qu'une opération basique de A+B ou un développement cause/conséquence. Ce qui est le plus étonnant, c'est que plusieurs personnes semblent encore surpris même si ce n'est pas la première fois que j'en fais la preuve. Un peu comme Aeden présentement.

Je ne daigne pas tourner la tête lorsqu'il me rembarre après que j'ai demandé le numéro de son roméo. C'est lui qui m'a vanté ses mérites. Je dis juste que ça pourrait être bien de voir si le tout est véridique et si ça mérite un certain intérêt de ma part.

- Et tu veux me refiler un faux numéro parce que tu as peur que je casse ton joujou ou parce que tu crains de ne plus me revoir si je m'amuse bien avec lui? Lui demandais-je tranquille, tourné vers ma lecture dont, en vrai, je n'enregistre que quelques mots sur la totalité.

Je n'ai pas réellement de plan de lui retirer son jouet et je ne crois pas que j'appellerais même s'il me filait le bon numéro. Ou peut-être si je m'ennuie un soir. Mais bon, pour l'instant, c'est surtout avec Aeden que je m'amuse.

Et pour qu'il ne se barre pas tout de suite, même s'il a l'air assez obstiné à essayer de terminer son assiette sans me la casser sur la tête, je lui accorde de se renseigner sur moi puisqu'il semble y tenir autant. Ignorant l'offre, il me fait plutôt la morale et je me permets de l'analyser superficiellement pour lui montrer que bien qu'il dise qu'on ne connait rien sur l'autre, je l'ai tout de même un peu cadré. Si une certaine surprise passe dans son regard lorsque je débite certaines informations, il ne se frustre pas tellement, du moins il n'a pas de fumée qui lui sort des oreilles, pas de veine proéminente, pas de trucs qui claquent avant qu'il ne se lève en fulminant. Non, il se prend plutôt à mon petit jeu et je l'écoute tandis qu'il énumère quelques éléments à son tour. Lorsqu'il me demande avec aplomb s'il doit continuer son jugement, j'éclate de rire.

- T'as du caractère par moment Aeden, faut te le reconnaître, admis-je en m'appuyant sur le dossier de ma chaise, calmant doucement mon rire. Ce n'est pas un guide de Los Angeles, c'est sur l'Île de la Réunion, corrigeais-je en prenant le dit-bouquin sur la table pour lui montrer la couverture.

Le reste est plus ou moins vrai, le mur de photos est difficile à rater lorsqu'on bouge moindrement dans cet appartement, mais il a noté qu'il y avait peut-être un certain ordre et que les espaces blancs n'étaient pas dûs au hasard. Un point pour lui, même si sa version de la chose est beaucoup plus romantique que la vérité. Quoi que… On peut dire que c'est quelqu'un qui a disparu de ma vie je suppose. Sous un certain angle, c'est peut-être possible de le compter comme un acte de trahison.

- L'appartement est resté vide longtemps et il a également été sous-loué depuis qu'il est à mon nom. C'est plus facile d'avoir un locataire lorsqu'il n'y a pas des tas de babioles qui en font un endroit personnel, le renseignais-je avant de prendre une nouvelle bouchée.

William le globe-trotter, qui a passé presque 6 ans à parcourir les routes du monde afin de se trouver un but dans la vie, de voir les différents paysages et de goûter les différentes saveurs. Et maintenant, je suis ici, à Los Angeles, j'habite cet appartement blanc à mobilier confortable, un boulot appréciable au musée, de la distraction en assez grande quantité dans cette ville et encore assez de revenus et d'héritage pour retourner sur les chemins mal pavés si le coeur m'en dit. C'est pas beau la vie?