"after all this time ?" silian

Pourquoi il insistait autant ? Pourquoi il ne pouvait tout simplement pas accepter l'idée que je puisse vivre ainsi . Pourquoi il fallait que je me justifie ? Oui j'étais triste et je l'étais bien plus encore à présent que Julian était là et que toutes les possibilités qu'il représentait à présent que je savais son mariage bancale me rendait bien plus triste. Et ça, je ne pouvais décemment pas lui dire. Tout ce qu'il put dire ensuite fut un poignard de plus dans mon coeur. Je voulais croire en l'amour, je voulais le vivre, mais si je devais aimer comme à mes quinze ans, la personne que j'aurais envie de côtoyer tout les jours était devant moi, pas en Afrique en train de sauver des enfants atteint de maladie orpheline. Si nous avions encore quinze ans et que je savais ce que je savais aujourd'hui, la vie serait mille fois différente, et sans doute que je vivrais d'un amour parfait, mais je suffirais aussi de l'absence d'Elise, car jamais cela ne serait arrivé et dans le fond, j'échangerais encore une fois mon bonheur contre elle. Je ne le voulais pas. J'avais serré les poings, sans réellement m'en rendre compte, le regard baissé pour ne pas avoir à assumer. L'entendre s'excuser me fit revenir sur terre. On n'avait le droit que de se souhaiter d'être heureux, rien de plus. Je choisis de ne rien y répondre, à quoi bon si ce n'est enfoncer un peu plus la lame ? Il n'y aurait rien de bon à tirer de tout ça.

Lorsqu'il évoqua ce que nous avions été à l'époque, un léger sourire fendit mon visage. J'étais fantasque, mais j'étais surtout agité, incapable de savoir ce que je voulais vraiment si ce n'est être gay. Et lui, il avait toujours été là pour me canaliser. Ouvrant la bouche pour souligner ce point, il me prit à nouveau de court en parlant des abdos de Henry. Comment il ? Il y avait pas un million de connaitre la plastique de mon compagnon et Instagram était sans doute le seul moyen. Nous n'étions plus si loin du lycée, « Stalker le compte instagram de quelqu'un c'est pas un peu puéril ? Je dirais rien j'ai fait pareil, mais je n'aurais jamais commenté le fait que ton mec, enfin ton mari était beaucoup trop... », il n'y avait aucun moyen de bien finir cette phrase. Dire que son mec était clairement beau, mais jamais au niveau de Julian serait la pire chose à faire et je n'avais pas envie de faire de commentaire sur l'homme. Il m'avait prit quelque chose, et ce quelque chose avait beaucoup trop manqué à mon existence, « Enfin je veux dire que vous allez beaucoup trop bien ensemble. Henry fait 20 centimètres de plus que moi, j'ai toujours l'impression d'être un enfant et lui un adulte. », déclarais-je pour détourner la conversation sur quelque chose de ridicule et inutile comme le fait que je sois petit. C'était toujours mieux de dire qu'un couple était harmonieux que de dire que l'un des membres étaient de trop.

Regardant une serveuse, je levais le bras pour l'interpeller avant de dire dans la foulée, « On va peut-être commander un jour non ? », on était venu boire un verre non ? Alors il était peut-être temps de le prendre. La serveuse arriva et les commandes furent passer rapidement, nous laissant à nouveau seul, je ne voulais pas parler de combien je faisais une erreur ni de combien son mari était l'homme parfait, alors il ne restait plus vraiment beaucoup de choix, « Et sinon le travail ça se passe bien ? J'avoue que c'est une spécialisation peu commune, enfin si ma mère à pas fait d'erreur quand elle m'a dit ce que tu faisais. », soufflais-je un peu plus léger. Il aurait sans doute des milliers de choses à dire sur son choix de carrière non ? On ne travaillait pas dans l'environnement sans aucune raison.      

Le silence par lequel lui répondit Simon termina de le convaincre qu’il avait définitivement dépassé les bornes et qu’il valait mieux en rester là avec cette conversation. Tout n’était pas parfait, ça ne l’était jamais, mais s’il prenait deux secondes pour regarder sa vie de manière objective, Julian était heureux et il n’y avait aucune raison que son ami ne le soit pas lui aussi en poursuivant son existence comme il l’entendait. Leur amitié finirait peut-être pas renaître, mais il était encore trop tôt pour qu’ils aient droit d’entretenir une conversation si profonde sur l’amour et les rêves oubliés du passé. Il profita donc de ce silence pour remettre la légèreté au goût du jour et eut même la surprise d’étirer un sourire sincère quand Simon l’accusa d’être puéril et de le stalker sur internet. Il releva enfin les yeux sur son ami, plus impatient qu’il ne l’aurait imaginé de l’entendre dire ce qu’il pensait de Drew, mais bien avant de finir sa phrase, Simon s’arrêta de parler et la gêne refit son apparition. Il y eut un léger moment de flottement avant que l’homme ne parvienne à une conclusion parfaitement neutre et politiquement correcte et sans qu’l ne sache trop pourquoi, Julian sentit son coeur se serrer doucement. Pourtant, c’était la vérité, non ? Drew et lui étaient parfaits l’un pour l’autre, ils l’avaient toujours été et fut un temps où cette idée plongeait Julian dans un bonheur sincère. Pas aujourd’hui et cette constatation ne fit que raviver sa culpabilité qu’il s’empressa d’enterrer sous un faux sourire. “Pour ton information, je ne te stalke absolument pas. Il s’avère seulement que tu es mon plus vieil ami alors même si on ne s’est pas parlés depuis très longtemps, je ne trouve rien d’étonnant à rester en contact via les réseaux sociaux. Le fait que tu publies des photos de ton mec à moitié à poil tous les quatre matins ne dépend absolument pas de moi !”

Il avait réussi le miracle de parler normalement, mais une fois encore, la conversation ne semblait pas vouloir s’enchainer avec autant d’aisance qu’elle aurait dû et ce fut finalement Simon qui changea de sujet cette fois. Trop brusquement pour que ça ne soit pas un peu inquiétant. S’ils ne pouvaient pas parler de sujets sérieux, ni de leurs vies respectives, que resterait-il pour que le reste de cette rencontre se passe correctement ? D’un signe de tête, Julian approuva tout de même l’idée de son ami et le laissa appeler la serveuse, commandant une bière quand elle arriva à leur table et fuyant tant bien que mal le regard de Simon jusqu’à ce qu’il ne reprenne enfin la parole. “Oui, ça se passe super bien !” lança-t-il aussi joyeusement que possible. “J’admets que l’étudiant rêveur en moi pensait sauver le monde en prenant ce chemin et au final, je n’ai jamais réellement travaillé sur de grosses affaires liées à l’environnement, mais ça reste un travail intéressant.” concéda-t-il. “La plupart du temps, je me contente de défendre des entreprises qui ne respectent pas beaucoup la planète, en fait… Surtout depuis que je suis revenu à L.A et que j’ai pas mal baissé dans les échelons. Mais mon cabinet vient d’être contacté par une association locale qui veut protéger un site important, je croise les doigts pour qu’on me confie le dossier et qu’on me laisse une chance d’être dans le camp des gentils, pour une fois !”

Il adressa un sourire à Simon et se laissa retomber contre le dossier de sa chaise alors que la serveuse revenait avec leurs verres. Julian s’empara presque aussitôt du sien et quoiqu’il n’ait jamais vraiment apprécié le goût de la bière, il avala une longue gorgée de celle qu’il venait de commander dans l’espoir que ça l’aide à se détendre un peu. “Et toi ?” demanda-t-il après avoir reposé son verre devant lui. “Prêt pour la rentrée scolaire ? Les gosses de nos jours m’ont l’air cent fois pire que ce qu’on était à l’époque… ça doit pas être une partie de plaisir tous les jours de gérer leurs problèmes et de les conseiller correctement…” Ils avaient déjà bien parlé du travail de Simon, mais à défaut de savoir quel sujet aborder d’autre, celui-ci donnait au moins l’impression à Julian qu’ils n’évoqueraient plus rien de dangereux pour le bien de leur amitié encore trop bancale pour porter réellement ce nom.

Il ne me stalkait pas ? Il prenait simplement des nouvelles et c'était moi qui postait des photos de mon mec à moitié à poil tout le temps, en même temps c'était les rares plaisirs que j'avais encore, profiter de lui quand il se baladait comme ça dans la maison. J'aurais voulu rester plus léger, mais penser à son mari, non je ne pouvais vraiment pas et commander auprès de la serveuse me sembla être une très bonne idée. Et cela eut au moins le mérite de me changer les idées. Je n'eus qu'à lui demander comment ça se passait au travail et la conversation repartie. Tout allait bien, si ce n'est ici ou il devait protéger des méchantes entreprises alors qu'il aurait voulu protéger vraiment la planète. Et il aurait peut-être cette possibilité si on lui confiait une affaire. Il était idéaliste, dans un sens il n'avait pas changé et ça m'arracha naturellement un sourire. « Il faut toujours un temps d'adaptation, mais si tu fais du bon travail il n'y a aucune raison que tu restes du côté obscure de la force. », annonçais-je avec le plus de sincérité possible. Il avait le droit de traiter ce genre d'affaire et ça arriverait. Ce n'était qu'une question de temps, je ne m’inquiétais pas.

Nos boissons arrivèrent et le fait que je sois encore censé travaillé me fit regretter cette bière qu'il commença à boire trop facilement. J'aurais tué pour ça, mais à la place, j'allais devoir me faire à l'idée de boire un soda. Pourquoi je ne pouvais pas boire ? Franchement, il devrait y avoir une règle pour ça, du genre : Boisson alcoolisé autorisé aux enseignant devant affronté l'amour de leur adolescence marié à une perfection sur pieds. Mais non, c'était impossible. Il brisa le silence à l'instant même ou je reposais mon verre, s’intéressant à la rentrer et à combien les enfants pouvaient être pire à cette époque qu'à la notre. Souriant je jouais avec mon verre pour reprendre, « Elise fait surtout sa première grande rentrée, je m'inquiète plus pour ça. », retrouver les enfants ne serait qu'une formalité, rien de plus. En revanche la complexité des enfants d'aujourd'hui... « Ils sont pas forcément pire, mais avec internet, skype, snapchat, instagram, construire et détruire des personnes devient plus facile et ils se font polluer par les images que les médias leurs renvoient. Il faut être parfait, habillé d'une façon et être dans une classe sociale. Si tu l'est pas, t'es mort. », c'était ça qui était compliqué. Ca et devoir sévir, je n'aimais pas punir un gamin, mais c'était pourtant obligatoire. « Mais on en reparlera au prochains semestre, quand j'aurais eu toutes les conneries qu'un ado peut faire à gérer dans la même journée, cinq fois par semaine, quatre fois par mois ! », déclarais-je dans un rire avant de reporter mon attention vers lui.

Je n'avais pas envie de parler de mon travail encore et encore, j'avais pas envie d'être condamné à ça. « Je suis vraiment content de passer ce moment avec toi, même si je ne suis absolument pas à l'aise, même si c'est souvent gênant... J'ai encore besoin de toi je crois. », et j'étais honnête, j'avais encore besoin de lui, j'avais simplement apprit à vivre sans lui, mais ce n'était pas une grande réussite. « Même un million d'années après. », je n'étais pas aussi triste que je l'aurais cru et voulu. Je me disais que dans le fond, nous avions peut-être besoin de ce temps et qu'à présent, on pouvait enfin repartir non ? Son mari ne serait plus forcément un problème et son bonheur deviendrait de nouveau plus important. 

Comme Julian l’avait craint, même changer de sujet ne rendait pas la situation plus simple. Pourtant, il n’y avait rien dans leurs métiers respectifs qui justifie un autre malaise. Simplement, le temps et la distance faisait son oeuvre et ce qui aurait pu être une conversation légère entre deux amis se retrouvant après tant d’années tenait davantage d’un parcours du combattant pour essayer de paraître détendu et plus encore de l’être réellement. C’était cela, surtout, qui l’attristait le plus dans toute cette histoire. Il pouvait gérer les sentiments mal placés qui refaisaient surface - ou du moins, il parvenait à se convaincre que d’ici quelques temps, il arriverait à tout oublier. Mais chaque petite différence, chaque petit silence, devenait presque insurmontable et le frustrait un peu trop. Mais il devait bien y avoir un moyen, non ? Ils ne pouvaient pas rester pour toujours deux inconnus accrochés aux souvenirs d’une vieille amitié et refusant d’accepter qu’elle ne soit plus rien d’autre que ça : un souvenir. Le seul problème tenant au fait que Julian ne savait vraiment pas comment effacer cette distance par le pouvoir de quelques mots seulement. Heureusement, il n’eut pas à le faire et une fois encore, Simon le prit de court en endossant le rôle de leur sauveur. De nouveau, ce fut un sourire sincère qui étira enfin les lèvres de Julian aux quelques mots que son ami lui renvoya. Un aveu qu’il partageait et qui avait au moins le mérite de les faire parler enfin de l’éléphant au milieu de la pièce. “C’est vrai que tout ça est particulièrement gênant…” souffla-t-il, plus amusé qu’autre chose. Il se permit un petit rire qui ne vécut pas plus de quelques secondes avant qu’il ne retrouve son air sérieux, posant son regard sur Simon.

“Je suis content de te revoir, moi aussi.” admit-il avec beaucoup moins d’aisance que son ami n’avait su le faire. “J’suis pas sûr qu’il se soit écoulé mille ans, mais c’est bien l’impression que j’en ai. Et j’ai encore besoin de toi malgré tout.” Il faudrait repasser pour que la gêne ne soit plus au rendez-vous, surtout après ce petit moment émotion, mais un poids s’envola bel et bien des épaules de Julian, juste à entendre ces mots et les retourner. Et puisque le sujet était lancé, il se sentait un peu moins frileux à oser s’exprimer réellement. “Vivre ici, c’est plus du tout la même chose sans toi.” avoua-t-il. Et il n’avait aucune arrière pensée, cette fois. Quelque chose n’allait pas depuis son retour à L.A, il n’arrivait pas à mettre le doigt dessus exactement, quoique ses pensées se soient souvent tournées vers Simon au cours des huit derniers mois. Plus que ça n’avait été le cas ces seize dernières années, en tout cas. Mais s’ils se retrouvaient, tout rentrerait dans l’ordre, n’est-ce pas ? La dernière pièce du puzzle retrouverait sa place et avec de la chance, leur relation redeviendrait exactement ce qu’elle avait été des années plus tôt. Sans plus aucune ambiguïté, désormais. Il avait encore besoin de travailler un peu sur cette partie, mais ça viendrait. Il le fallait.

Avec cet espoir en tête, il eut beaucoup moins de mal à se détendre quand il reprit la parole quelques secondes plus tard. “J’ai une idée, probablement stupide, mais ça ne coûte rien d’essayer.” lança-t-il avant d’avaler une nouvelle gorgée de bière. “On pourrait faire un truc ensemble ? Quelque chose de complètement immature, comme au bon vieux temps. Jeux vidéos, une partie de basket, n’importe quoi. Juste faire semblant qu’on est encore ados pendant une journée ?” Et peut-être que ça n’était pas une idée totalement stupide, après tout. Ce qu’il voulait réellement, ce qu’il fallait qu’il veuille réellement en tout cas, c’était retrouver son ami d’enfance. Et visiblement, les nouveautés dans leurs vies à tous les deux se mettaient en travers de ce projet pour l’instant. Alors pourquoi pas les ignorer juste un instant et voir s’il existait encore un quelconque espoir avant toute chose ? L’idée était surtout de repousser au loin toute conversation sur le mariage, les hommes partageant leurs vies et le temps ayant passé l’un sans l’autre. Laisser le naturel revenir au galop et reprendre à partir de là.

Avouer que tout ça était gênant était peut-être la solution dans le fond, car dès que ce fut fait, il sembla un peu moins tendu, tout comme moi. Confirmant ce que je pensais comme étant vrai, tout ça était particulièrement gênant, mais il était content de me revoir, et ça, c'était une réalité que je connaissais déjà, mais qui me semblait bien plus réel à présent. Le fait est que j'avais besoin de lui et que c'était réciproque, ce qui me donnait un espoir débile de pouvoir enfin voir les choses autrement. C'était retrouver ce qu'on avait perdu depuis longtemps, c'était ouvrir une porte et peut-être que simplement le retrouver effacerait tout ça, toute cette jalousie mal placé. C'était ne plus l'avoir dans ma vie qui me bloquait dans le passé, c'était évident non ? Je voulais y croire, sincèrement.

Et puis il y eut cette idée, faire un truc ensemble, quelque chose d'immature qu'on aurait fait avant. Comme au bon vieux temps. Comme jouer aux jeux-vidéo ou faire du basket, en soit n'importe quoi qui puisse juste nous faire revivre comme des ados. Sauf que ne plus être ado c'était aussi accepter de ne plus l'aimer... Secouant légèrement la tête, je chassais cette idée avant de sourire, plus franchement, « Tu veux juste gagner avoue ? J'ai pas touché un ballon de basket depuis une éternité ! », le rire qui suivit était sincère lui, vraiment. Je n'avais jamais été bon, j'avais jouer pour lui, pour ces moments ensembles. Et je serais même prêt à rejouer au basket si il le voulait, juste car ces moment à l'époque avait valu de l'or et qu'encore aujourd'hui cela restait des souvenirs impérissable. « Quoi que tu laisserais gagner ton meilleur ami non ? », ajoutais-je dans le même sourire. « Sinon ma mère m'a rendu mes vieilles consoles, je suis pas sur qu'elles fonctionnent toutes, mais il doit bien y avoir quelques jeux ou s'amuser, genre si il pleut le jour choisi ? », se rappeler de ce que nous étions avant, c'était facile, retrouver la même aisance un peu moins, mais l'optique de passer du temps avec lui d'une autre façon qu'en pensant ce que nous avions construit sonné mieux à mes oreilles.

Cette idée était bonne, même si se retrouver ensemble, seul, plus forcément en publique éveillé quelques espoirs stupide, « On peut même envisager d'avoir le même régime alimentaire qu'en étant ado, même si je risque de le regretter après, mais quoi de mieux qu'une pizza et du pop corn pour occuper une journée ? », je me demandais soudainement comment on avait fait pour ne pas finir énorme, mais on était des mec et on faisait du sport, ca devait aider pas mal. « En tout cas c'est une super idée peut-être stupide, mais on le mérite non? », à cette seconde chance, à cette possibilité de pouvoir passer à autre chose. De pouvoir redevenir nous sans penser à ce que moi j'aurais désiré.

Enfin, l’atmosphère se détendait juste assez pour que la conversation ne soit plus une telle épreuve et que l’idée de se revoir ressemble un peu moins à un fardeau. Pour ce qui lui semblait être la première fois de toute cette conversation, Julian souriait sans avoir besoin de se forcer et envisageait son amitié avec Simon comme quelque chose de plus naturel. Il ne doutait pas vraiment que la gêne serait de retour aussitôt qu’ils se retrouveraient seul à seul, mais il y avait encore un peu de temps pour voir venir, n’est-ce pas ? Et puis, s’il s’agissait seulement de jouer au basket une petite heure, rien de regrettable ne pourrait se produire… Il s’en était presque convaincu quand Simon admit plus ou moins ne pas être très motivé pour jouer, se tournant presque trop vite vers les jeux vidéos et avant de se donner la peine d’y réfléchir réellement, Julian se surprit à ouvrir la bouche. “Va pour la console, je gagnerai dans tous les cas !” affirma-t-il dans un demi-rire prouvant bien que la gêne s’était envolée aussi vite qu’elle s’était installée entre eux. La façon dont ils envisageait dores et déjà cette journée lui semblait inoffensive et parfaite à la fois et il était remarquablement soulagé que Simon accepte aussi facilement de jouer le jeu d’un petit flashback pour les aider à renouer un peu.

Avec cette idée en tête et ce projet désormais fixé, Julian se permit de terminer sa bière presque d’une seule traite, sans intention de se cacher derrière, cette fois. Il reposa son verre sur la table, un peu plus bruyamment que nécessaire et jeta un bref coup d’oeil à sa montre avant de relever les yeux vers son ami. Il aurait pu s’offrir encore un petit moment loin du bureau et ne ressentait plus vraiment la même pression le poussant à fuir aussi vite et loin que possible, mais après avoir vu l’heure, il s’empressa quand même de sortir son téléphone portable et de le faire glisser sur la table jusqu’à Simon après l’avoir déverrouillé. “Laisse-moi ton numéro, je t’enverrais mes dispo pour qu’on s’organise ça.” offrit-il avec le même calme.

“Il est encore tôt, mais je vais te laisser retourner bosser et en faire de même avant que mes patrons ne se rendent compte que j’ai disparu.” ajouta-t-il après quelques secondes, le regard suivant de près son téléphone dans les mains de son ami. Les choses s’étaient passées bien mieux qu’il n’aurait pu l’espérer après de si longues années sans se parler et alors qu’il était clairement le fautif pour ce qu’était devenu leur relation au fil des ans. Mieux valait éviter de pousser sa chance et de laisser une nouvelle occasion au malaise de s’installer… Raison pour laquelle il n’attendit pas vraiment que Simon lui donne une nouvelle excuse pour rester et se remit debout rapidement, récupérant son téléphone au passage. Quelques secondes, il resta planté devant Simon, léger sourire aux lèvres, à chercher quelques mots à ajouter. N’en trouvant aucun, il se contenta d’étirer un sourire un peu plus tendu et de désigner le comptoir dans son dos d’un vague geste de la main. “Je t’invite, je vais payer l’addition.” informa-t-il avant de tourner le dos à son ami pour s’exécuter. Il s’approcha du comptoir où il ne resta pas plus de quelques minutes pour payer la note, le stress remontant doucement à mesure qu’il passait du temps loin de son ami. Si bien que lorsqu’il retourna auprès de leur table et se retrouva de nouveau planté devant lui, il n’était pas bien sûr de ce qu’il était censé dire ou faire pour que la séparation soit plus naturelle. Il avait l’impression de prendre la fuite, à vrai dire, ce qui était peut-être un peu le cas en fait.

Il lui fallut quelques secondes de plus pour se convaincre qu’ils étaient sur la bonne voie et les seuls problèmes qui persistaient venaient encore de lui. Raison pour laquelle il décida finalement de se pencher sur Simon et de l’enlacer brièvement. Le geste n’était pas tout à fait naturel, mais un peu moins gênant qu’il ne l’aurait envisagé. “Ça m’a vraiment fait plaisir de te revoir.” lâcha-t-il, la gorge un tout petit peu plus nouée, le sourire aussi. “On se revoit bientôt, je t’appelle.” Il souleva le téléphone dans sa main entre eux pour appuyer ses propos.

Console donc ? J'avais au moins une chance de le battre sur ce terrain et il n'avait pas vraiment besoin de rouler des mécaniques. Mais c'était amusant, car j'avais l'impression que la tension disparaissait vraiment. Après tout il ne s'agissait que d'une soirée entre amis non ? Un moment pour se retrouver. Et si j'avais répondu à sa provocation par un balancement de tête un peu détaché, mon sérieux revient quand il finit sa bière presque d'une traite. M'avançant alors son téléphone, j'avais l'impression de me retrouver à la fac, quand on laissait son numéro sur les vieux mobiles. Tapant donc ce dernier, je me fis sonner pour avoir avoir le sien avant de reposer son téléphone sur la table alors qu'il me laissait retourner travailler, justifiant qu'il devrait en faire de même avant que l'on ne réalise qu'il n'était plus là. « Ca serait dommage de te faire virer pour ça. », déclarais-je dans un sourire avant qu'il ne se propose pour payer et disparaisse. J'avais tout juste eu le temps de me remettre sur pied, la panique grimpant peu à peu alors que je me retrouvais seul, planté ici à le regarder de loin.

Et puis il revient, après ce qui m'avait semblé être une éternité et il s'en passa encore une nouvelle lorsqu'il se planta face à moi. Nous n'étions pas débarrassé du stresse de l'autre, c'était certain, mais ça semblait différent, comme si lui comme moi étions conscient qu'il faudrait avancer vers l'autre pour s'en sortir. Il me prit toutefois de court lorsqu'il me serra dans ses bras, même si cela fut bref, le contact de son corps fut quelque peu destructeur, me rappelant au passage tout ces fantasme d'étudiant, tout ses rêves que je rejetais déjà bien loin.Souriant à ses mots, je soufflais à mon tour, « Moi aussi. », avant qu'il ne s'éloigne, affirmant que l'on se reverrait bientôt et qu'il m’appellerait pour ça, « J'espère bien sinon je ne pourrais jamais te mettre une branlé ! », ajoutais-je un peu plus fort avant qu'il ne s'éloigne pour de bon, me laissant de nouveau seul. Le chemin vers le lycée me sembla alors étrangement long et une fois les murs de l'établissement retrouvé, je me surpris à rejoindre les trophées et les photos qui y trônaient. Repenser à une époque ou tout aurait été possible n'était pas forcément une bonne chose, mais je ne pouvais pas faire autrement. Julian était ici. Pas Henry.