Et si on refaisait le monde? w/ Neala

Je ne me lève pas souvent avec le sourire aux lèvres, pour ainsi dire jamais. Et aujourd'hui n'échappe pas à la coutume. Il pleut, j'ai envie de rester au lit mais j'ai aussi envie de faire pipi. Je dois donc me lever du lit en sachant que je ne saurais plus me rendormir. Je vais me soulager en grommelant quelques injures puis file dans la cuisine. Si je ne peux plus dormir, autant manger. Deuxième drame de la journée, il n'y a plus de Miel Pops. Si je n'étais pas une énorme feignasse, j'irais en chercher dans la petit épicerie qu'il y a en face de chez nous, mais non, j'allais me contenter d'un café et d'une pomme en checkant les news sur mon ordinateur. Il est déjà l'heure d'aller au bureau. Chouette, je vais encore passer un journée à faire du café, des photocopies et jouer au scrabble sur mon ordi. Que du bonheur. Je passe toute la matinée à penser à ma pause de midi et tout l'après midi à penser à terminer ma journée de travail. A 30 ans, je n'imaginais pas être à ce point désintéressée par mon travail. J'ai déjà pensé à retourner à New York, retrouver un job de journaliste pour un magazine de mode, mais je déteste commencer quelque chose et abandonner. Et puis, merde, je sais très bien que mon heure de gloire est proche, que j'arriverais à dénicher de nouveaux talents, j'aurais une promotion et je vivrais presque heureuse.

J'ai fini le taf, il est 18h, j'ai le choix. Soit, je me prends un kebab et je me plante devant la télé jusque 23h et je vais boire un verre au Red histoire d'écouter quelques groupes amateurs, soit je vais faire un jogging, je mange une salade et je vais me coucher tôt pour mieux appréhender ma journée de travail de demain. Bizarrement, le destin a mis un restaurant kebab sur ma route. Le jogging ça sera pour demain (ou pas). Je me prends donc de la sale sale sale bouffe, je rentre et je me mets devant un vieil épisode de Dallas. Je mange, me moque du côté gnian gnian des personnages et de l'entièreté de la série. Je prends ma douche, j'enfile une petite robe noire, des bottes de motard et je file retrouver quelques amis au Red. Mon kebab me pèse sur l'estomac alors je décide de prendre un whisky double histoire de faire passer tout ça. Les groupes sont à chier, la musique est à chier, le whisky est à chier, l'ambiance est à chier. Je me fais chier, je prends un deuxième verre, peut être que ça me fera apprécier la daube que les pseudos artistes de ce soir nous sortent. Le groupe décide alors d'aller en boite. Je n'aime pas forcément ça, mais là bas aussi il y a un bar, j'aime les bars, alors je suis tout le monde. On arrive, je les abandonne sur la piste de danse et je vais trouver mon endroit préféré au monde. Assise sur une des chaises hautes, je commence à voir flou en sirotant la bière que je viens de commander. Pourtant je continue, je regarde tout autour de moi, à ce moment précis, je trouve que tout est pathétique. On vient ici pour prendre une pause, pour oublier pendant un instant la monotonie de notre vie, en sachant très bien que le lendemain ressemblera à tout ce que nous avons déjà vécu. Je m'adresse alors au barman "Et toi alors, tu aimes ce que tu fais ici? Servir des boissons à des gros cons comme moi? Tu rêves pas d'évoluer un peu dans la vie? Ou en tout cas de servir dans un endroit moins miteux qu'ici avec plein d'étudiant fils et filles à papa?". Ouille, je crois que la troisième bière était de trop. Le pauvre, il n'a pas fini de me supporter...