"after all this time ?" silian

Echo Park... Réellement ? Pourquoi Echo Park ? Pourquoi ? Ne disant rien, je ne préférais ouvrir la porte à aucune révélation qui le rendrait peut-être un peu plus nerveux lui aussi. Non, je préférais parler de ce qui ne m'angoissait pas encore vraiment, quoi qu'après l'avoir dit, je sentis cette dernière faire surface, le basket. Il sembla d'ailleurs très étonné qu'on soit encore affiché, mais d'après lui, nous étions bon. La question qui suivit ne m'aida pas à rester parfaitement calme et sans vraiment réaliser, je l'éludais pour un temps, « Ou les autres très mauvais. », déclarais-je avant de trouver le courage de répondre correctement à la question, « Je fais 1m10 les bras levé, une fois le lycée finit je n'avais plus aucune raison de continuer... », non, je n'avais pas eu le courage de lui dire, en même temps me connaissant, c'était tellement évident que je jouais pour lui, pour passer du temps ensemble et rien d'autre. Replongeant dans un profond malaise, je réalisais un peu tard que Julian avait augmenter sa vitesse de marche, certes il avait toujours eu des plus grande jambes que moi, mais là, j'avais presque l’impression qu'il voulait fuir. Pressant donc le pas pour rester à sa hauteur, je me sentis ralentir quand il fut question du lycée et pourquoi lui. Je savais pourquoi, mais est-ce que j'avais envie de lui répondre ?

Il n'y avait rien d'honteux, je n'avais jamais caché pourquoi. Je n'allais pas commencer ici. « Quand on y était et quand toi ou mon frère n'étiez pas dans les parages, les professeurs passaient à côté de moi sans même s'inquiéter de voir la moitié de l'équipe de football à côté de moi. On me bousculait, on m'insultait, mais si je n'allais pas me plaindre, personne ne disait rien et les parents des gosses qui étaient sanctionné ne comprenaient pas non plus. », commençais-je en réalisant que je venais de m'arrêter, regardant le sol alors que je revoyais très clairement chaque chose. « A Stanford, il y avait une tolérance zéro quand aux violence, qu'elles soient verbale ou physique. Et les professeurs, le personnel d'entretient, le réfectoire, la sécurité et tout les adultes y participaient. Ils s'interposaient tous, ils demandaient tous si tout allaient bien, même si le regroupement était amicale. Il n'y avait aucun tag sur aucun mur, rien pouvant détruire psychologiquement un élève. J'ai pu embrasser mon mec dans les couloirs à Stanford, ici, quand j'ai essayé de tenir la main de quelqu'un, je me suis retrouvé la tête dans la cuvette. Il y avait un véritable programme pour les étudiants, il y avait véritablement une équipe. », et j'avais pu devenir celui que j'étais grâce à Stanford, j'avais pu me construire, « Le lycée est une étape importante de la vie, c'est là qu'on apprend qui on est et si personne n'est là pour nous aider, on peut vouloir se suicider, ou on peut abandonner nos rêves. Et aujourd'hui on a la chance de voir plein de mouvement naître, on a la chance de se battre pour le droit des femmes, pour que les violes, quel qu’ils soient ne soient plus accepter, on a la chance en tant que gay de pouvoir se marier et de voir de plus en plus de personne se battre pour une égalité parfaite. On voit des gens en défendre d'autre et je me suis dit que si il y avait bien quelque chose à faire, c'était revenir ici et faire de ce lycée un lycée ou un gay, un asiatique, une nerds ou n'importe qui d'autre devant rentrer dans une case ne le serait plus justement. Je voulais qu'aucun autre gamin grandissant ici le fasse en ayant peur d'aller au lycée, et je voulais plus que cette étape importante, que cette période où tu découvres enfin qui tu es se fasse dans un climat de peur. », je voulais faire grandir et faire évoluer les mentalités, et j'y arrivais plutôt bien.

« Si on m'avait dit, réellement que j'avais le droit d'être gay, j'aurais pas été autant dans la provoque, je n'aurais pas brandit autant le fait que je l'étais pour me sentir exister. J'aurais grandit comme tout le monde, sans me cacher, mais je n'aurais pas été autant dans l’excès comme j'ai pu l'être. J'aurais été celui que je suis aujourd'hui. », faisant quelques pas, je revenais à sa hauteur, les mains toujours dans mes poches, « Quand on a l'occasion de faire changer les choses, il faut le faire, et puis je ne peux pas résister à l'idée de voir nos têtes de crétins dans les vitrines, je le reconnais aussi. », concluais-je avec un sourire gêné. Une grand partie de mon mal être au lycée venait de lui, de lui restant passif, de lui ne prenant pas position. Quand j'avais appris qu'il était gay tout m'avait semblé cohérent, compréhensible aussi et c'était presque naturellement que j'avais commencé à penser que si quelqu’un lui avait dit que c'était ok depuis le début, nous n'en serions peut-être pas là.

Un peu trop tardivement, Julian réalisa pleinement la portée de son erreur. Il n’avait vraiment pas imaginé, une seule seconde, qu’il prenait le risque d’ouvrir la boîte de Pandore en demandant à son ami pourquoi il avait choisi de venir travailler dans ce lycée parmi tous ceux que comptait cette ville. Mais quand il eut droit à une réponse, désespérément sincère et précise, il réalisa combien il était stupide. Ils s’étaient arrêtés au milieu de la rue et tandis que Simon parlait, aucun des deux hommes ne semblaient en mesure d’affronter le regard de l’autre. Il savait, aussi vaguement que possible, que l’adolescence avait été une période difficile pour Simon. Qu’il avait eu à affronter des difficultés trop lourdes pour un enfant et qu’il avait eu à le faire quasiment seul. Une violente vague de culpabilité le frappa à cette pensée. Il aurait sans doute pu tout arranger ou moins faire en sorte que ce soit moins difficile, s’il avait eu le courage d’être honnête avec lui-même autant qu’avec celui qu’il considérait à l’époque comme son meilleur ami et plus que ça encore. Il savait aussi, qu’à la place de Simon, il aurait conservé plus de rancoeur qu’autre chose. Qu’il n’aurait jamais eu la maturité nécessaire à pardonner, même quinze ou vingt ans après. Et pourtant, Simon se tenait devant lui aujourd’hui et il arrivait même à lui sourire et à lui parler, presque comme s’il n’en voulait pas du tout à son ami de l’avoir traversé cet Enfer seul. Pire que ça, de l’avoir abandonné en quelques sortes. Ils étaient restés amis jusqu’au dernier jour de lycée, mais Julian s’était refermé, éloigné et ils le savaient tous les deux.

“Simon, je suis désolé.” souffla honteusement l’homme lorsque son ami retrouva le silence. Il espérait une conversation légère et tranquille, qui calmerait leur nervosité à tous les deux, le temps qu’il réunisse assez de courage pour avoir cette conversation là. Mais les choses ne se passaient que très rarement comme on l’espérait, n’est-ce pas ? “J’aurais dû être plus présent pour toi à l’époque. Et j’aurais dû te dire qu’on était… dans le même bateau.” continua-t-il, les yeux toujours fixés sur le sol et la voix toujours hésitante. Une petite voix moqueuse à l’arrière de son crâne, si proche de la sienne et à la fois si différente, lui fit remarquer gentiment qu’il avait imaginé ce moment de longues années. Celui où il aurait enfin le cran de parler de ça avec son ami, tout en se persuadant que ce jour ne viendrait jamais. Il avait préparé tout un tas de discours différents et certains se terminaient en une apothéose complètement fantasmagorique qui ne se réaliserait certainement pas cette fois. Aujourd’hui, mis devant le fait accompli, les mots lui manquaient. “On faisait jamais rien l’un sans l’autre et… sur le coup j’ai cru… Tu sais, que je ressentais tout ça parce que toi, tu étais gay et que je savais pas comment exister sans qu’on soit exactement au même endroit, toi et moi.” admit-il non sans mal. Il s’était tellement battu contre ses sentiments que c’en était presque ridicule. Et il ne savait même pas vraiment pourquoi. Ça avait été naturel ou presque, un genre d’instinct de survie qu’il ne contrôlait pas, mais qui lui disait encore et encore : tu ne dois pas faire ça, tu ne dois pas être comme ça, personne ne doit le savoir.

“Et j’avais peur.” avoua-t-il, plus timidement encore. “Peur que ça change quelque chose entre nous, peur que les autres s’en prennent à moi aussi. Je sais que c’est pas une excuse et je regrette sincèrement de ne pas avoir été honnête au moins avec toi.” Et il savait aussi, que ses excuses venaient beaucoup trop tard et qu’elles n’effaceraient certainement pas la souffrance. Mais l’espace d’un instant, il se sentit un peu mieux. Comme s’il portait un poids sur ses épaules depuis toutes ces années et qu’il venait enfin de s’en libérer. Ça n’était, hélas, que l’une des nombreuses choses qui pesaient encore sur sa conscience, mais c’était probablement la plus importante. Le reste… Même s’il trouvait le courage de l’admettre aujourd’hui, ça n’aurait plus aucune importance et ça ferait certainement plus de dégâts qu’autre chose. Il pouvait se permettre de conserver encore quelques secrets.

Je ne m’étais pas attendu à des excuses, du moins pas comme ça. Je m’étais douté que les choses avaient été compliqué pour Julian, et je n’avais pas cherché à lui imposer quoi que ce soit, même en l’apprenant. J’avais fini par comprendre qu’obtenir justice ne passait pas forcément par une vengeance, mais par un gain de maturité, quel qu’il soit. Alors bien qu’il aurait du être là, réellement là, bien qu’il aurait pu me dire, ça n’aurait rien changé à ce qui s’était passé au lycée. Il y aurait simplement eu lui et la possibilité de lui dire certaines choses dont je n’avais jamais été bien sur. J’étais un adolescent, tout me travaillait et l’amour que je portais à mon meilleur ami pouvait-être difficilement considéré comme un véritable amour non ? Non, car j’avais toujours douté et si j’avais pu affirmer quoi que ce soit, perdre son amitié n’aurait peut-être pas autant pesé dans la balance. Simplement, ca me rappelait ce que j’avais manqué et aujourd’hui, penser que nos vie auraient pu être différentes n’étaient pas correcte, ni pour lui, ni pour moi. Enfin ça ne l’était pas pour les personnes partageant nos vies surtout. Il n’avait pas à s’excuser, même si j’avais espéré ça durant des années.

Pourtant il continua, ne me laissant pas accepter que c’était du passé, ne me laissant pas ignorer ce que j’avais si souvent rêvé de voir. C’était des fantasmes d’ado, rien de plus. Il avait cru être attirer par des homme car je l’étais et il n’avait pas su dépasser ça. Nous avions besoin à l’époque d’être ensemble, de tout faire ensemble. Il avait eu peur, peur que ça change entre nous, peur que les autres s’en prenne à lui et si il savait que ce n’était pas une excuse, il regrettait sincèrement de ne pas me l’avoir dit à moi. Comment l’en blâmer au juste ? Comment lui en vouloir d’avoir eu peur de tout ça ? J’avais moi-même eu peur de le perdre dans un excès d’incertitude. « Ça aurait changé quelque chose entre nous Julian, c’est sur, mais je suis pas certain que cela nous aurait éloigné. », ça nous aurait peut-être rapproché au final. Réellement, mais encore une fois, je me refusais d’y croire. « On était ado Julian, on savait rien de la vie, et on voyait uniquement ce qui se passait au lycée. Oui tu aurais du être plus présent pour moi, mais de là à faire ton coming out. », je souriais avec le plus de douceur dont j’étais capable en ce moment, car il n’y avait rien qu’il aurait pu faire pour éviter qu’on me bouscule. C’était une question de mentalité, pas d’entourage. « Tu savais ce qu’on faisait aux autres, à ceux qui était différent, que ce soit un gay, un jeune en surpoids, un roux, un juif, un chanteur de chorale, un membre du club de math, tu savais que c’était se condamner automatiquement si t’acceptais d’être différent, même si c’était t’accepter toi. », il n’était pas le seul à avoir fait ce choix, « C’est une excuse d’avoir préféré ne pas se faire harceler plutôt qu’aider un ami, plutôt qu’avouer. C’est compréhensible et au final tu es le seul à pouvoir te juger la dessus. », le harcèlement pouvant tuer des jeunes, détruire entièrement des vies. « Et personne ne t’a tendu la main vers toi. Même moi, je ne t’ai jamais demandé quoi que ce soit tellement j’étais centré sur l’incroyable injustice concernant mon homosexualité. », j’avais aussi été aveugle, j’aurais du voir, « Et même si pour une amitié, ne rien faire de réellement concret est pire que tout, tu n’as jamais eu un mot de travers envers moi et tu n’as jamais lever la main ou participé à ça. L’indifférence n’est pas une solution, mais quand on est un ados, c’est plus acceptable que la violence et l’injustice. », et ça, j’avais mit du temps à le comprendre aussi.

M’approchant d’un pas, je continuais à être le plus rassurant possible, car il s’en voulait et que je ne voulais pas l’accuser davantage, pas quand je n’étais pas vraiment en droit d’exiger quoi que ce soit. « Aujourd’hui tu es adulte, tu t’assumes, tu es marié, tu as une carrière et tu es heureux. C’est tout ce que moi Simon, avait à te souhaiter. », même si ça me tuait qu’il soit heureux, même si j’aurais tellement voulu qu’il ne soit pas marié. J’aurais voulu revenir en arrière, mais je n’avais pas le droit. « C’est peut-être pas évident, là maintenant, mais je pense qu’on a une chance aujourd’hui. On ne retrouvera sans doute pas ce que nous étions avant, mais on est dans la même ville pour la première fois depuis une éternité, je pense que c’est suffisant pour essayer de ne plus se traiter comme deux étrangers, mais simplement comme deux vieux amis ? », j’étais hypocrite au possible. Réellement.

Ce ne fut même pas un véritable effort quand Julian releva brusquement les yeux pour observer son ami, qui affirmait de sa voix éternellement douce que les choses auraient effectivement été différentes entre eux s’il avait assumé depuis le début. Il n’avait pas le droit et il le savait parfaitement, mais une part de lui ne pouvait s’empêcher de se demander si, peut-être, Simon avait un jour partagé les mêmes sentiments que lui. Il le fixa un moment, tandis que l’homme lui présentait un argumentaire incroyablement réfléchi et mature sur ses agissements, dans l’espoir de trouver la réponse à cette question dans ses yeux. Comme si, malgré le temps écoulé, il pourrait encore lire dans Simon comme dans un livre ouvert, comme s’ils étaient si proches qu’ils n’avaient pas besoin de mots pour communiquer. Il ne trouva rien, évidemment. Qu’il n’y ait rien ou qu’il ne soit simplement plus capable de comprendre Simon mieux qu’il ne se comprenait lui-même, il n’en savait rien. Un sourire timide finit au moins par étirer ses propres lèvres alors que son ancien ami concluait en ouvrant la porte à leur amitié si longtemps étouffée. Julian doutait que ce soit aussi facile que ça, mais il réalisa aussi qu’il le voulait réellement. Revenir vivre à Los Angeles, retrouver sa mère, la maison de son enfance et ses vieux souvenirs… Tout cela était à la fois génial et angoissant, mais surtout il y avait un vide immense laissé par l’absence de Simon qui appartenait à ce passé autant que lui-même.

Il laissa son sourire s’épanouir un peu plus et haussa les épaules, rejetant au loin l’importance de ce moment, gêné. “Tu m’as manqué.” souffla-t-il avec le même air d’indifférence parfaitement feinte. Ce genre de déclaration ne lui ressemblait pas et la dernière chose dont il avait envie était qu’ils en fassent toute une histoire ici et maintenant. Alors, il se détourna tranquillement et se remit en route, traversant les derniers mètres jusqu’au café qu’ils projetaient de rejoindre avec un peu plus de tranquillité. Il avait encore tout un tas de cadavres dans son placard dont il devrait se débarrasser un jour, mais Simon avait raison sur un point : ils pouvaient aussi profiter de cette chance de se retrouver sans profiter de chaque occasion pour créer un nouveau drame. Il resta pourtant silencieux jusqu’à ce qu’ils ne rejoignent le café et ne s’installent à une table libre dans un coin de la large terrasse ensoleillée. L’endroit avait pas mal changé depuis la dernière fois qu’il y avait mis les pieds, mais il conservait une saveur familière qui lui était agréable, pour le moment.

“Alors…” reprit-il enfin, une fois assis face à Simon et débarrassé pour de bon de ses angoisses inutiles. “J’veux tout savoir ! Sur ta fille, sur ton mec, sur toi. Parle, Byers !” exigea-t-il plus joyeusement. Et pour la première fois de toute cette conversation, il n’avait même pas besoin de se forcer pour que sa voix soit tranquille et détendue, son corps aussi. Après tout, s’il parvenait réellement à renouer avec son meilleur ami, peut-être que le reste n’aurait plus aucune importance. Il fallait qu’il s’en convainque, en tout cas, d’autant plus s’il espérait rester assis là une heure à écouter Simon lui parler de son mec et de sa vie si parfaite et heureuse avec des étoiles dans les yeux…

Un sourire franc étira mes lèvres lorsqu’il avoua que je lui avais manqué, c’était étrange comme un seul mot pouvait à la fois être libérateur et aussi pesant. Pourtant c’était le cas, car il m’avait aussi manqué, car le retrouver me donnait tout un tas de perspective. Des espoirs presque interdit. Et pourtant je n’y avais pas le droit, c’était mal, et je ne voulais pas m’interposer ou compliquer un peu plus la situation. « Toi aussi. », répondis-je tout de même en toute honnêteté. Mon meilleur m’avait manqué et ce bien avant qu’on s’éloigne. Le reste du chemin se fit dans le plus grand des calme, un silence de plomb retombant sur nos épaules jusqu’à ce que l’on s’installe dans ce café ayant bien changé à présent. Quoi que les souvenir savaient retrouver mon esprit assez facilement. Juliane me surprit alors, réclamant à tout savoir sur ma fille, sur mon mec, sur moi, me demandant finalement de parler comme avant. Le regardant un moment silencieux, j’avais l’impression que cela serait une porte ouverte sur des problèmes bien plus important, mais je n’avais pas le choix, enfin si, mais j’avais envie de lui parler, j’avais envie de retrouver ce que nous étions, même si cela signifiait s’exposer un peu plus.

Il n’y avait pourtant rien d’extraordinaire à mon sens, rien qui ne pourrait changer une vie, si ce n’est la mienne, « Par où commencer… », soufflais-je alors que l’évidence se portait sur Elise, « Ma fille s’appelle Elise, elle va avoir 12 ans, elle est tellement mature pour son âge que parfois j’ai l’impression d’être le gamin de la maison que je lui ramène un mug licorne alors qu’elle vient de faire des lasagnes pour la veuve vivant en face de chez nous. », commençais-je dans un sourire et une fierté nettement présente dans la voix, « Sa mère est une chanteuse de Broadway, et son expérience avec un homme gay complètement bourré à révolutionné sa vie en tant qu’artiste, et moi j’ai complètement aucun souvenir d’avoir couché avec elle, j’étais persuadé que c’était mon mec de l’époque, comme quoi sur un malentendu tout est possible. », même si le retour à la réalité avait été plus compliqué.

Concernant le véritable problème, « Et Henry est un Médecin sans Frontière spécialisé en Pédiatrie et il revient de mission avec des étoiles plein les yeux tout les trois ou quatre mois, mais il est beaucoup trop altruiste pour qu’on lui en veuille de jamais être là. », avais-je soufflé avec le plus de détachement possible, même si le léger rire que j’avais eu à la fin de ma phrase semblait complètement faux. « Et on s’est fiancé, ce qui fait que j’arrête pas de lire des magazines pour préparer quoi que ce soit de correcte sans succès. Autant dire que ma vie est extraordinairement banale depuis quelques temps. », j’étais pas censé dire le contraire ? Non, la seule chose qui mérité vraiment d’être dite c’était Elise, le reste… Ce n’était que des données pour la rendre heureuse. « Manger bio et de saison ça compense le SUV, ou je suis toujours une mauvaise personne pour la planète ? », demandais-je en détournant très clairement son attention sur quelque chose de plus triviale qui m’arrachait déjà des réactions plus sincères. « Et Drew, c’est ça ? Racontes moi ! », je n’avais très sincèrement pas envie de savoir combien l’homme pouvait-être formidable, mais si il le rendait heureux c’était le minimum à faire. 

Il y eut un silence un peu trop long qui inquiéta légèrement Julian, mais une fois que l’homme se mit à parler, les choses devinrent un peu plus simple. Il aimait sa fille et il semblait avoir une bien jolie vie, épanouie et heureuse. Une enfant visiblement parfaite et un fiancé gentil et dans une bonne situation. Tout ça était… Compliqué à écouter, honnêtement. D’un côté, Julian était heureux pour son ami et pourquoi ne l’aurait-il pas été ? Il n’avait jamais souhaité le moindre mal à Simon, au contraire. Et tout ce que l’homme lui racontait en ce moment semblait lui faire vraiment plaisir. D’un autre côté… Il ressentait une légère déception qui n’aurait pas dû exister, il le savait parfaitement et devoir écouter Simon parler de son fiancé fut un moment désagréable pour tout un tas de mauvaises raisons qui le poussèrent à baisser les yeux sur la table entre eux plutôt que d’affronter le bonheur et l’amour dans les yeux de son ami. Il avait loupé sa chance et maintenant, seize ans plus tard, ça n’avait plus aucune importance après tout. Il n’avait aucun droit de réagir comme ça en tout cas et encore moins le droit de laisser filtrer la moindre trace de tristesse ou de jalousie sur son visage. Alors, il prit sur lui de peindre un air neutre vaguement joyeux sur ses traits et s’assura qu’il soit parfaitement convaincant quand il releva les yeux vers Simon qui prenait son tour pour poser des questions. “Le SUV est quand même un très gros malus, mais t’as encore une chance de t’en sortir !” lança-t-il d’abord, persuadé que commencer sur une petite note d’humour l’aiderait à rester maître de ses émotions.

Il ne croyait pas pour autant pouvoir ignorer tout ce qui venait de lui être dit sans que ça ne semble incorrect et il prit sur lui de faire l’effort jusqu’au bout. S’il voulait une petite chance de retrouver son ami, pas le choix. “Ta fille a l’air adorable et un fiancé médecin, hein… On dirait que t'as flairé un gros poisson.” Il haussa les sourcils un instant d’un air entendu, mais il n’eut pas le coeur d’aller beaucoup plus loin sur ce terrain encore un peu trop glissant pour lui. Quoique parler de sa propre vie n’était sans doute guère mieux. Il n’était pas sûr d’être capable de regarder Simon dans les yeux et de lui mentir. Il ne pouvait pas non plus être complètement honnête, n’est-ce pas ? Ne serait-ce que pour son propre bien-être, il ne croyait pas. “Et oui, Drew. Andrew, en fait.” souffla-t-il finalement, sans chercher à savoir à l’avance ce qu’il dirait. “On s’est connu quand j’étais en dernière année à Columbia, ça va faire neuf ans qu’on est ensemble…” admit-il du ton aussi léger qu’il parvienne à offrir. Neuf longues années. Ça n’était pas rien, clairement. “Il était agent immobilier, mais il vient de quitter son boulot pour qu’on puisse venir vivre ici et pour l’instant, il s’occupe de ma mère seulement. Il est adorable, tellement gentil. On vient de fêter nos trois ans de mariage et dans l’ensemble tout se passe bien. C’est juste un peu compliqué, je dirais, de trouver un nouveau rythme de vie ici.” Il ferma la bouche un instant avant de dire quelque chose qu’il regretterait. Son couple allait bien, après tout. Peut-être pas aussi bien qu’il l’aurait voulu, mais Drew et lui, ils s’en sortaient plutôt pas mal pour un couple si vieux, non ?

“Enfin bref !” reprit-il après quelques secondes. Il l’avait l’impression d’en avoir encore moins à raconter que Simon. Si l’homme considérait mener une vie banale et sans intérêt, qu’il passe une journée dans la peau de Julian et il verrait à quoi ressemblait réellement ce genre de vie. “On n’a pas d’enfant et crois-moi, si tu penses que ta vie n’a rien d’exceptionnel, c’est que tu ne connais pas la mienne !” plaisanta-t-il. “Je crois que de te rencontrer aujourd’hui est le truc le plus excitant qui me soit arrivé ce mois-ci. C’est génial d’avoir quelqu’un dans sa vie qui soit si… tu sais, c’est sérieux entre nous, stable. Mais on est loin de la grande aventure des premiers mois et très loin du stress d’organiser un mariage. On passe plus de temps à regarder la télé sur le canapé qu’à vivre une belle et grande histoire d’amour.” admit-il en parvenant à conserver un sourire pourtant très convaincant. “J’imagine qu’avec ton mec, le fait de pas vous voir pendant longtemps et tout ça, ça doit être le grand frisson chaque fois qu’il rentre à la maison. C’est plutôt sympa comme idée. J’devrais peut-être partir en voyage quelques temps !”

Ma fille était adorable, c'était un fait absolue, et mon fiancé... J'aurais bien aimé dire que j'avais flairé un gros poisson, mais vu son investissement aux causes humanitaires, c'était davantage moi qui nous faisait vivre, « C'est plutôt l'inverse », soufflais-je avant de m'intéresser à son mari. Et je savais que je n'aurais pas du, mais il m'avait posé la question et je ne me voyais pas ignorer le retour que toute éducation réclamé. Et plus il m'en apprenait, plus je regrettais. L'homme avait l'air tellement humain, tellement altruiste... Comment on pouvait détester une personne qui s'investissait autant pour la bonne santé de sa belle mère ? Comment je pouvais ne serais-ce qu'y penser ? A le détester. Je ne pouvais pas, je n'avais pas le droit. Je voulais bien faire un commentaire sur l'homme, mais rien de socialement correcte me vint en tête. Non il y avait juste cette jalousie que je ne pouvais pas justifier sans culpabiliser. Du moins ce fut le cas jusqu'à ce qu'il ne reprenne la parole, laissant entendre une vie bien plus barbante que la mienne, une vie sans aventure où le canapé était devenu qu'un endroit ou regarder la télé sans passion. Il s'imagina alors qu'avec Henry c'était des retrouvailles passionnés, il pensa même à partir pour revivre la même choses, mais la vérité... « Je passe dix mois de l'année sans lui et au final, ma fille a besoin de lui et il lui manque tellement qu'il passe plus de temps avec elle qu'avec moi. », avouais-je en réalisant combien Elise passait avant moi, combien je laissais mon couple disparaître pour son bonheur à elle.

Je n'avais aucun reproche à faire à cet homme, si ce n'est de ne jamais être là. « Lui et moi on travail pour donner un avenir à des enfants, sauf que lui il les sauve et quand il rentre, il est bien plus passionné par ses histoire que par notre couple. », soufflais-je avec un agacement certain dans la voix. Il en parlait tout le temps et il retournait après faire le même exposait à des étudiants, il voulait réellement rendre le monde meilleur, mais c'était un échec pour notre couple. « Et c'est frustrant, vraiment, je me rappelle même plus la dernière fois qu'on s'est touché, même sous la douche pour déconner. », je l'avais vu nu la dernière fois, mais hors-mit s'embrasser, l'homme était resté à sa place, trop fatigué et parfois malade. C'était pas vendre du rêve ni entretenir la moindre passion. AU début pourtant c'était ça, chaque instant, chaque moment de libre était une occasion de déclarer son amour pour l'autre, mais c'était déjà rare, occasionnel, et j'avais laissé les choses devenir ainsi par manque de  recul. Je l'aimais, et j'étais aveuglé.

J'en avais très certainement trop dit maintenant, mais de toute façon c'était Julian, je pouvais être un peu franc, même si le fait que je rêve de tromper mon fiancé avec mon ancien meilleur ami n'était pas non plus la chose à dire ou à faire. Je serais seulement à moitié franc. Et puis dans tout les cas, Julian avait son mari parfait et même si ils traversaient une crise, son mari parfait sauverait tout. « Y'a des crises partout, je suis sur que quand ta mère ira mieux vous vous retrouverez. », glissais-je en essayant de me convaincre par la même occasion. « Et puis quand tu auras reprit tes marques ici tu te rappellera de tout ce qu'on peut faire d'extrêmement romantique à L.A. Du genre un couché de soleil à Venice Beach, n'importe quel Italien donnant sur l'océan, un longue balade main dans la main les pieds dans l'eau au gré des vagues, même un cinéma, tard le soir, ce genre de séance ou tu allais ado pour faire des choses pas toujours très catholiques... », conseillais-je dans un sourire que je ne voulais pas triste et qui pourtant me rappelé que tout ça me manquait terriblement. Je rêvais de cette balade sur la plage, de tout ces moments rien qu'à deux... « Et puis au besoin, tu peux lui rappeler l'existence de cette étincelle ! Vous pouvez partir à Paris une semaine, ou allez vous perdre n'importe ou dans le pays, dans un chalet perdu dans la montagne avec un plaide beaucoup trop épais comme seul vêtement ! Je veux bien m'occuper de ta mère pendant les vacances scolaires, ça me ferait vraiment plaisir de la revoir et si ça peut te rappeler que neuf années d'amour c'est beau, j'en serais heureux… », absolument pas. Je ne savais même pas pourquoi je proposais ça. Mais il avait le droit au bonheur, lui et cet homme parfait qui me donnait envie de retourner cette table. J'étais romantique, terriblement. Et même si j'avais des ambitions contradictoire, je devais penser à lui.

Le sourire de Julian n’eut pas droit à une belle et très longue vie non plus et mourut aussitôt que son ami avoua que sa vie de couple n’était pas aussi géniale et excitante qu’on pourrait l’imaginer dans de telles circonstances. À la place d’un joyeux sourire, Julian se retrouva bien vite à froncer les sourcils et à retenir son souffle, impatient d’entendre une explication un peu plus élaborée qui ne tarda pas à venir. Il réalisa bien vite que ça n’était peut-être pas si douloureux que ça d’entendre Simon lui parler de son mec et de l’imaginer automatiquement heureux et fou amoureux de ce type. Parce que cette situation, finalement, aidait à ne pas se faire trop d’illusion. Quel genre d’homme aurait-il été s’il avait gravité autour d’un type déjà engagé avec quelqu’un d’autre en continuant de lutter chaque jour contre l’espoir que le petit copain se volatilise ? Il n’était même pas seulement question de ne pas mettre en péril son amitié avec Simon, mais aussi son mariage et la vie d’une fillette n’ayant rien demandé à personne. Il y avait un petit côté désagréable à imaginer Simon vivre le grand amour avec un autre, bien sûr, mais le côté définitif de la chose arrangeait plus de problèmes qu’autre chose. Mais maintenant que Simon devenait presque intarissable sur combien sa vie de couple se révélait finalement loin du bonheur parfait…

Les doigts de Julian se crispèrent presque involontairement sur le bord de la table et il eut surtout à lutter pour conserver son air sérieux et neutre plutôt que de laisser échapper une grimace douloureuse ou, pire encore, un sourire beaucoup trop lumineux pour être correct. Il ne s’autorisa pas à laisser ce sourire revenir avant que Simon ne change de sujet un peu trop brusquement à son goût et n’essaye de le rassurer sur l’avenir radieux qui attendait son mariage quand il aurait repris ses marques à L.A. D’un haussement d’épaules, Julian fit savoir bien avant d’ouvrir la bouche qu’il n’était pas spécialement convaincu par tant d’optimisme. “Ouais, t’as sûrement raison. Mais même à New-York, on a jamais été très enflammés.” tempéra-t-il après le petit discours romantique de son ami. “C’est juste un mauvais moment, je m’en fais pas trop pour Drew et moi, on a vu pire en neuf ans.” assura-t-il quand même. Ce qui n’était pas vrai du tout, d’ailleurs. Certes, ils ne vivaient pas la grande aventure à New-York non plus, mais ils se voyaient moins et il n’y avait rien de grave dans leur vie. Peu de disputes, peu de moments comme celui qu’ils traversaient en ce moment, aucun doute ni aucune pensée malvenue comme celles que Julian avait régulièrement ces jours-ci. Los Angeles était entièrement responsable de tout ça et tant qu’il ne saurait pas comment le gérer, il ne saurait pas comment arranger la situation. Mais pour ça, Simon ne serait d’aucun secours, hélas.

“Pourquoi est-ce que t’as accepté de l’épouser ?” demanda-t-il brusquement, relevant immédiatement les yeux vers son ami, l’air dores et déjà surpris par sa propre question. Qu’est-ce qu’il lui prenait de poser une question comme ça ?! Non seulement ça ne le regardait pas, mais le fait qu’il ait l’impression d’entendre sa voix plus effacée que véritablement curieuse n’aidait vraiment pas à ce qu’il se sente totalement serein, là. “Je veux dire… Si ce n’est pas… Enfin, tu vois, si tu n’es pas complètement heureux de la situation, pourquoi avoir dit oui ? T’as pas peur que ça devienne de plus en plus pesant ?” La tentative de se rattraper était belle et dans le fond, il demandait avec autant d’intérêt pour son ami que par curiosité malsaine. Ça ne changerait rien de toute façon. Inutile de se torturer.

Il y avait quoi de très satisfaisant à l'idée qu'il n'y ait jamais eut de passion dévorante entre eux ? Il y avait quoi d'agréable à savoir ça ? Rien, rien qui ne soit pas dérangeant quand il était question de Julian, d'un ami. Et puis de toute façon il le disait lui-même, il s'agissait juste d'un mauvais moment et ils avaient vu pire. Ils avaient vu pire... Pourquoi cette pensée suffisait à me rendre triste ? C'était une bonne chose qu'ils dépassent leurs problèmes non ? Une bonne choses qu'ils continuent à se battre ensemble, main dans la main. Encore une fois j'aurais aimé dire quelque chose d’intelligent, mais j'en fus incapable. J'étais gêné par ça, gêné par son attachement à son mari et je n'aurais jamais du.

J'avais les yeux baissés quand il me posa une question un peu brutale dans le fond. Pourquoi j'avais accepté de l'épouser ? Relevant les yeux sur lui, je le regardais un peu interdit. Il me demandais sérieusement ça ? Il dut comprendre qu'il y avait des limites, ou du moins des façons de demander les choses - à moins que ce soit simplement mon esprit qui y voit une quelconque possibilité.- , car il essaya de se reprendre. De développer son raisonnement. Si je n'étais pas complètement heureux, pourquoi avoir dit oui ? Je me posais la question une centaine de fois par semaine, mais je ne pouvais pas avouer que je voulais surtout le quitter, je ne pouvais pas lui dire qu'il m'avait surprit, que je n'avais pas su dire non, que je n'avais pas su aller contre lui. C'était stupide de se marier par peur de passer pour un monstre en quittant cet homme. C'était stupide, mais quoi faire d'autre ? Et avec Julian dans l'équation toute pensée à ce sujet était mal venu. Interdite aussi. « Car je l'ai aimé comme un fou. Car il y avait les autre et il y avait lui. », et il y avait encore une autre personne qui était différente des autres, mais je ne pouvais rien lui dire. « Et aussi car Elise a besoin de lui, c'est son père, celui qu'elle appelle quand elle est triste. », les yeux de nouveau baissé, je ne pouvais pas le regarder en face, je ne pouvais pas le regarder droit dans les yeux pour lui dire ça. « Ma fille est plus importante que moi à mes yeux, et elle est triste, terriblement à chaque fois qu'il part, elle en pleure, mais son visage s'illumine quand il revient et je me dis qu'un jour il finira par s'occuper des enfants malade ici et qu'elle rayonnera tout les jours. Et si il revient pour de bon, je ne me sentirais plus aussi seul et avoir dit oui prendra tout son sen même pour moi. », mais il devait revenir, mais il devait arrêter de vouloir sauver le monde.

J'avais déjà pensé à tromper Henry, mais quel exemple, quel repère aurait Elise. Je savais qu'elle n'était pas dupe, je savais qu'elle voyait des choses, mais que demander, que réclamer à une enfant qui voyait le compagnon de son père comme un héros. « Un enfant ça te fait revoir tes espérances personnelles à la baisse. Son bonheur c'est le plus important. », et le mien n'était même plus dans l'équation. Mon bonheur à moi serait tellement facile à trouver, mais je devrais être une autre personne. Une personne qui pourrait briser un cœur, ou une personne voulant briser un mariage. Et là, en cet instant, j'avais envie de lui demander pourquoi il ne divorçait pas. Mais il voyait ça comme une étape à dépasser, rien de plus. Comme quelque chose qui ne serait pas insurmontable. Je n'avais pas le droit de lui en vouloir, pas le droit de réclamer quoi que ce soit. Tout comme ma justification devait suffire, même si elle lui échappait. « On est plus des ados... », commençais-je en relevant les yeux, malgré cette gorge nouée dès l'instant ou je posais mon regard sur lui, « On ne peut plus vivre aussi passionnément nos vies, on ne peut pas fantasmer sur une personne, rêver de l'interdit et le braver sans conséquence. On doit être mature, réfléchit et peser le pour et le contre dans chaque décision. », et rêver de pouvoir dire à son meilleur ami combien on l'aimait été interdit.

La question était malvenue pour tout un tas de raisons bien différentes et Julian n’aurait même pas dû avoir besoin de tout cela pour s’empêcher de la poser. Mais il l’avait fait quand même et tandis que Simon l’observait quelque peu interdit, il tâchait de se convaincre qu’il n’avait rien à se reprocher. Ils avaient été amis, après tout. Les meilleurs amis du monde, inséparables et sans aucun secret l’un pour l’autre. Officiellement, du moins. Alors qu’y avait-il de si étrange à ce que Julian pose une question si personnelle ? Il n’était plus réellement le meilleur ami de Simon et il le savait, mais fut un temps où il aurait eu toute légitimité à se montrer aussi indiscret et ils étaient là dans ce but, n’est-ce pas ? Faire renaître de ses cendres leur amitié disparue depuis trop longtemps. Alors, il tâcha de conserver la face et de se dire, encore et encore, que le Julian d’autrefois aurait eu droit de poser cette question sans que ce ne soit étrange. Et contre toute attente, Simon décida même de lui répondre. Avec, sans doute, plus d'honnêteté qu’il ne l’aurait dû.

Un froid glacial souffla sur cette réponse, s’insinuant si profondément sous la peau de Julian qu’il lui brisa les os. Il resta figé et silencieux un long moment alors qu’il écoutait son ami lui expliquer tranquillement les raisons pleines de logique et de bon sens pour lesquelles il avait accepté d’épouser un homme qu’il aimait très probablement de tout son coeur. Julian n’avait jamais été le plus romantique des deux, très clairement. Et s’il avait été parfaitement honnête avec lui-même et parfaitement objectif aussi, il respectait pleinement la manière dont Simon abordait les choses. Ils n’étaient plus des enfants, en effet et les décisions qu’ils prenaient devaient être réfléchies. Il trouvait malgré tout assez triste que l’amour ne soit pas réellement le plus important dans une décision telle que celle-là. “Je vois.” souffla-t-il finalement, baissant les yeux pour les poser sur la table devant lui. La dernière remarque de Simon, surtout, remettait les choses bien à plat pour lui aussi. Son ami avait raison, ils n’avaient plus droit de rêver comme des adolescents à un amour qui n’existerait jamais. Peu importe que ce soit une idée parfaitement déprimante ou pas.

“Ça ne te rend pas un peu triste ?” demanda-t-il, franchissant la limite de l’acceptable encore une fois. C’était plus fort que lui et il réalisa trop vite qu’il ne posait pas la question à Simon, pas vraiment, mais qu’il essayait seulement que son ami lui donne raison sur une chose qu’il n’aurait de toute façon jamais droit de dire à voix haute. “Je suis parfaitement d’accord avec toi sur le principe et pourtant je n’ai pas d’enfant auquel penser avant moi-même. On a passé l’âge de penser à nous avant de penser au reste, mais…” Un rire silencieux lui échappa et il se fit violence pour relever les yeux vers Simon et chercher son regard. “C’est quand même un peu déprimant de se dire que même ça, même l’amour, on y a plus vraiment droit de la même manière qu’on l’espérait à quinze ans.” Nerveusement, il caressa l’alliance à son doigt et la fit tourner plusieurs fois autour de son annulaire. Son propre mariage avec Drew n’était pas spécialement le résultat d’une grande romance incroyablement transcendante. Il n’avait jamais regretté cette décision jusqu’à peu, mais à l’époque où il avait accepté, au moins, il l’avait fait en croyant que l’homme était le grand amour de sa vie et que ça ne changerait jamais. Que jamais personne ne viendrait se présenter sur sa route et lui ferait voir les choses d’un autre angle.

“Excuse-moi.” souffla-t-il finalement, reposant ses deux mains à plat sur la table. “Je suis ravi pour toi si c’est vraiment ce que tu veux et je te souhaite sincèrement d’être heureux.” murmura-t-il avec assurance. Et il le pensait réellement. Bien sûr qu’une part de lui aurait voulu faire disparaître monsieur Médecin Sans-frontières d’un claquement de doigt et croire que la passion restait une option envisageable après la trentaine. Mais le bien-être de Simon le préoccupait davantage que ses propres doutes qui n’avaient pas lieu d’être. “J’imagine que l’air de L.A me transforme de nouveau en ado stupide et puis, t’as toujours été le plus rêveur de nous deux. Je t’admirais pour ça, tu sais ? J’sais pas pourquoi, mais j’ai toujours cru que je resterais éternellement le mec trop sérieux et toi le mec trop fantasque. Mais on a grandi depuis le temps et ce n’est pas plus mal.” conclut-il dans l’espoir de mettre un terme définitif à cette conversation gênante qu’il avait pourtant lancé lui-même. “Et puis franchement, quand on voit les abdos du mec, on peut pas te reprocher de vouloir te marier avec lui !” ajouta-t-il d’un ton exagérément plus léger, dévoilant au passage qu’il avait peut-être conservé la sale habitude de traîner plus longtemps que de raison sur le compte Instagram de son ancien ami.