La soirée de la veille avait pourtant si bien commencé. Une soirée à thème avec des invités triés sur le volet, des VIP, mais pas que, visiblement. Moi qui pensais me divertir un peu à une soirée costumée après cet intense tournage de trois semaines dans les Caraïbes où il avait fait extrêmement chaud, j’avais eu le malheur de recroiser mon ex-mari. J’avais appris qu’il n’était autre que le gérant de ce bar qui, soudain, m’était apparu comme étant minable, comme tout ce qui avait trait à lui. J’étais magnifique en catwoman, une tenue simili cuir noir moulant chacune de mes formes et un petit serre-tête arborant des oreilles de chat. J’aurais volontiers flagellé cet ingrat de Nolan avec le fouet qui allait avec la tenue, mais semblait-il, cela n’aurait pas rendu une bonne image. Ça m’avait mise hors de moi de me retrouver au même endroit que lui, ça me dégoûtait, moi qui avait parfaitement réussi, six années durant, à l’éviter, l’ignorer, ne rien savoir de sa misérable existence, voilà qu’il s’était trouvé là… Bref, ça m’avait mise hors de moi, tellement qu’au moment de partir, j’avais laissé mon téléphone posé quelque part et était rentrée, sûrement un peu pompette, sans m’apercevoir que je ne l’avais pas.
Ce lendemain de soirée, j’étais seule à la maison. Juliet avait accompagné Sunny à son camp de vacances estival qui me coûtait un bras et où, je l’espérais très fort, son petit copain Caleb n’irait pas. Bref, j’étais toute seule, mon garde du corps était en congé et je devais conduire seule ma voiture, ayant la fastidieuse tache de la garer quelque part. Et surtout ne pas oublier où. Je n’avais pas beaucoup l’habitude d’être seule dans mes déplacements. J’avais au préalable appelé avec le téléphone de la maison le bar pour savoir si un téléphone n’avait pas été retrouvé. Effectivement il y avait plusieurs objets oubliés dont un téléphone qui était fort probablement le mien. Je demandai aussi à l’employé si le gérant serait là, il m’avait répondu par la négative ce qui me rassura. Je n’avais aucunement envie de revoir Nolan. J’arrivai donc en fin de matinée, j’avais encore bien mal à la tête mais je voulais absolument récupérer mon portable au cas où Sunny ait besoin de me joindre. Le serveur m’avait assuré qu’il laisserait la porte ouverte pour que j’entre bien que l’établissement soit encore fermé au public jusqu’au soir. Juste avant que je ne sorte de ma belle Audi aux vitres teintées, une pluie diluvienne s’abattit sur le quartier. En plein mois d’août, c’était bien ma veine, moi qui portait une petite robe fluide en soie blanche, voilà qu’à peine une seconde dehors je ressemblais à un dalmatien. Évidemment, il n’y avait pas de parapluie dans ma voiture, à quoi bon en plein été à Los Angeles ?
J’entrai donc et ne vis personne. Après un soupir et un bref appel en haussant la voix, personne ne me répondit. J’entrepris alors de farfouiller mais impossible de trouver mon foutu téléphone. Je vis alors un fixe accroché au mur, j’essayais donc de composer mon numéro, mais je tombais sur ma messagerie. Cet idiot de portable devait sûrement être vidé de sa batterie. Je soufflai bruyamment, commençant à perdre patience. Je regardais autour de moi et aperçut une porte vers le fond. Peut-être que mon téléphone était rangé dans les arrière. J’ouvris la porte et tombai sur un petit couloir où, au fond, une porte métallique était entrouverte. J’avançai alors d’un pas décidée, prête à faire des remontrances à ce type qui ne répondait pas quand j’appelais. Alors que je m’apprêtais à entrer dans ce qui s’apparentait à une chambre froid, mon talon s’enfonça dans l’une des stries du sol, me faisant perdre l’équilibre. Je me rattrapai à la poignée de la porte, mais dans l’élan, je chutai en avant, claquant la porte.
- Merde ! Lâchai-je en me rattrapant au vol à une étagère.
A nouveau droite, j’allais réprimander l’inconnu face à moi lorsque je le vis se retourner, constatant avec effroi qu’il n’était pas si inconnu que ça.
Par où commencer ? Je peine à savoir si je dois opter pour résumé court, bref et concis ou si je dois choisir le résumé long qui m'obligerait à tout détailler et plus encore les « choses » dont je ne voulais certainement pas parler. J'ai l'impression que le grand barbu, le karma ou que sais-je encore, se paye ma pomme depuis quelque temps. Mais genre méchamment comme pour me faire payer un crime que je suis quasi sûr de ne pas avoir commis. D'abord, le retour de ma mère, débarquée de je ne sais où et bien décidée à reprendre le contact et ce foutu lien qui n'a plus lieu d'être après ce qu'elle m'a fait. Puis la morue qui elle aussi refait surface, bien qu'elle soit omnisciente en quelque sorte. Il me faut un café ! La nuit a été courte et puisque je n'ai pas encore les idées claires, l'appel de la caféine est trop fort pour résister. Foutue karma ! Pourtant ça aurait pu être une soirée géniale si le spectre d'un amour perdu n'avait pas fait son apparition déguisée en Catwoman. Évidemment, qu'est-ce qu'il ne faut pas faire pour attirer les regards ? Pff, tellement moulant qu'il n'y a plus de place pour l'imagination. Ma seule consolation ? Les fonds récoltés et éventuellement la bonne pub due à la présence de quelques célébrités notaires.
Le Nespresso avalé et à peine savouré, il me fallait prendre une petite douche, avant de ranger le costume de Deadpoll pour le réexpédier. Et me voilà en train d'enfiler mon jean, mon débardeur blanc, car à n'en pas douter, il risque de faire chaud aujourd'hui et puisque je suis de corvée rangement et qu'en plus je me suis octroyé le plaisir de décharger avec l'aide de mon barman préféré, les boissons livrées par notre fournisseur, autant porter des fringues confortables. « - Salut tout le monde ! » lançais-je aux premiers arrivants, suivit de près par Riley, mon fidèle compagnon à quatre pattes. « - Bon, on va devoir être rapide et efficace. Je ne pensais pas ouvrir ce soir, mais bon ça serait idiot de ne pas profiter des retombées médiatiques dues à la soirée d'hier. » Oui, j'aurai été bien idiot de me tourner les pouces après ça. M'enfilant un autre café, plus corsé cette fois, je rejoignis le bar pour consulter la caisse avant de consulter ma boîte mail via la tablette mise à disposition. Mon portable vibra aussitôt et au vu de l'intensité de la vibration, il s'agissait d'un appel. « - Hamilton j'écoute ! Ah oui super. Je ne vous attendez pas de sitôt en fait ! Ok ça marche, j'arrive ! » Et dire que je me suis plain tellement de fois de travailler avec des escargots ! On dirait qu'aujourd'hui, c'est mon jour de chance. Rejoignant l'extérieur, j'aidais le livreur à sortir les fûts et autres caisses pleines de boissons. La pluie se joignit au rendez-vous, collant mon débardeur à ma peau et ma chemise à tout le reste. L'échange fut aussi rapide qu'un match de Nadal contre le premier novice du coin. Et après avoir signé quelques papiers, je me retrouvais dès lors dans la chambre froide pour tout ranger. Cependant, je n'avais pas prévu de recevoir une visite, qui plus est CETTE visite dont je me serais bien passé. Oui, je ne rêvais pas, je faisais bien face à mon ex-femme aka la morue.
« - Mais qu'est-ce que tu fous là ? » Et mon attention se retrouva bien malgré moi rivé, non pas sur la tenue de l'autre, mais bel et bien sûr la porte close. « - C'est pas vrai ! Mais qu'est-ce que tu as foutu ? » Me ruant sur la porte, je découvris bien malgré moi que nous étions dans ce qui me semblait être une merde noire « - Bravo ! On est enfermé à cause de toi ! Ce n'est pas possible ! Tu n'en as pas eu assez hier ? Encore heureux qu'il n'y avait pas de paparazzi vu ton état »
Moi qui avais eu, la plupart du temps au cours de ma vie, pas mal de chance, - il n’y a qu’à voir l’explosion de ma carrière, l’étendue de ma réussite et de ma fortune-, mais depuis vingt quatre heures, le karma me jouait des tours. En fait, ma malchance ne tournait qu’autour d’une seule et même personne, il y a six ans comme maintenant : Nolan. Voir mon ex-mari était une chose que dont j’avais exclu l’éventualité depuis notre divorce. Je ne voulais simplement plus avoir le moindre contact avec cet homme qui m’avait fait souffrir et humiliée après treize ans de relation que je pensais sincère. Il m’avait brisé le cœur et même brisée toute entière. Je ne pouvais plus avoir confiance en lui et l’avoir revu la veille m’avait été insupportable, c’était comme si on avait on avait rouvert une douloureuse blessure. C’était déjà assez difficile d’être à vie liée à cet énergumène via ma magnifique petite Sunny qui avait le regard de son père, pour mon plus grand malheur. Pourquoi fallait-il qu’elle ait pris de lui quelque chose d’aussi visible ? Elle n’aurait pas pu avoir ses orteils ? Sunny me ressemblait des pieds à la tête et j’en étais très fière, mais elle avait aussi beaucoup de son père, notamment niveau caractère et cela me désolait.
Pour l’heure, me voilà trempée jusqu’aux os à cause de cette pluie inattendue. La soie de ma robe collait à ma peau, mes cheveux ruisselaient et j’avais à peine eu le temps de les essorer en entrant dans le bar que j’étais déjà en quête de ce que j’étais venue chercher. Et bien vite, mes pas m’avaient menée dans les arrières de l’antre du diable, enfin de mon ex. Et comme si le karma ne s’était pas assez amusé avec mes nerfs la veille, voilà que cela continuait. Je me retrouvais enfermée dans une foutue chambre froide avec Nolan ! Cet imbécile m’avait si gentiment demandé ce que je faisais là et je croisais les bras, mécontente.
- Je suis venue récupérer mon téléphone !
J’allais me diriger vers la porte que je venais de franchir en constatant comme lui qu’elle avait claqué quand je m’étais rattrapée dans ma chute. Je vis alors Nolan se ruer dessus, passant devant moi, et il me fit comprendre avec sa bonne humeur habituelle que nous étions enfermés.
- Quoi ? Tu te fous de moi, il y a forcément un truc de sécurité, en cas d’urgence non ? Bordel tu fais chier, arrête de gueuler j’ai mal à la tête !
Des coups de marteau tambourinaient sur mes tempes.
- Qu’est-ce que tu racontes comme conneries encore ! Laisse les paparazzis où ils sont et fais-moi sortir, je meurs de froid !
En effet, les températures proches du zéro de cette pièce additionnées à ma robe mouillée me donnaient l’impression d’être en Norvège. Cette fraîcheur aurait pu être agréable, au vu des chaleurs caniculaires de l’extérieur, mais en portant des vêtements mouillés et en étant en aussi mauvaise compagnie, ça ne l’était pas.
- Tu devais pas être là... Quand j'ai appelé, le type m'a dit que tu serais pas là... Je serais jamais venue sinon ! bougonnai-je en tournant dans la pièce ridiculement petite.
Foutu karma ! Moi qui étais prêt à croire que tu avais changé de bord, voilà maintenant que tu m'envoies mon ex. C'est quoi ? Un guet-apens cosmique ? Une punition ? Une torture ? Deux fois en vingt-quatre heures, à ce stade, je peine à me dire qu'il s'agit d'une coïncidence. À l'équation, il ne manque plus que ma mère... Non, n'y pense pas, avec la chance que (je n'ai pas.), elle pourrait apparaître tout aussi mystérieusement que l'autre morue, moulée dans ses fringues à cause de la pluie. Elle ne pouvait pas prendre un parapluie comme tout le monde ? Sauf, peut-être, si elle s'imaginait exempte d'une bonne averse sur la gueule. Oui, je suis sûr qu'elle pensait que même les goûtes d'eau s'écarteraient sur son passage avec l'ego qu'elle se traîne celle-là. La haïr ? Moi ? Ceux qui me connaissent(bien) savent que je ne suis pas le genre d'homme à haïr les autres, il m'arrive de me mettre en colère, il est vrai, mais je ne souscris pas à la violence... Enfin, presque, si l'on omet d'évoquer l'autre pseudo-diva. Elle, je lui réserve une place spéciale, à la hauteur de ce qu'elle a fait (ou pas en l'occurrence) Si pour elle il était question d'humiliation, pour moi, cela s'apparentait à de la trahison. Sans même m'accorder le bénéfice du doute, elle m'avait cloué au pilori, préférant écouter « les autres » et ce qu'ils avaient à lui dire. Je ne me suis pas ou peu défendu, tellement j'étais ébranlé de la voir tourner les talons et m'affubler des pires responsabilités dans cette sombre histoire de coucherie. Je n'ai rien fait et pourtant j'ai tout perdu... Comment voulez-vous que je garde des relations cordiales avec cet être ?
Et pourtant nous en étions-là ! La vieille, nous nous étions retrouvés bien malgré nous, elle ivre à profaner, je ne sais quelles conneries à mon encontre et moi, faisant mine de ne pas la voir. Cette fois, aux vues de la situation, je ne pouvais pas l'ignorer puisqu'elle était devant moi et que nous nous retrouvions enfermés dans la chambre froide. « - Tu es venue récupérer ton portable ? Dans la chambre froide ? Genre, c'est dans une chambre froide qu'on expose les portables maintenant ? C'est quoi une nouvelle lubie de stars ? » J'avais essayé de relever le levier rien n'y faisait, nous étions incontestablement enfermés, ensemble qui plus est. L'enfer existe donc ! « - Tu crois vraiment que je me fous de toi ? Ça se ferme de l'extérieur banane ! » Je glissais alors ma main dans la poche de mon jean, là où d'ordinaire, je glissais mon téléphone, sauf aujourd'hui de toute évidence. « - Et comme par hasard, c'est aujourd'hui que j'oublie de prendre mon putain de portable ! Fais chier ! » Et n'en ayant pour ainsi dire rien à carrer de sa migraine, je me dis à tambouriner contre la porte en appelant les employés présents dans le bar. Mais de toute évidence, personne ne semblait entendre mon appel à l'aide !
« - Putain, ils ont sûrement pris leur pause ! » dis-je en m'éloignant de la porte et de la morue. « - Je ne devais pas être là ? Sérieusement ? Réfléchis un peu, c'est mon établissement, forcément, je suis là. C'est toi qui ne devrais pas être là ! Tu ne pouvais pas envoyer l'un de ses sbires pour faire ça ? Et arrête de tourner comme ça, tu me donnes le tournis. » Je me mis à nouveau à tambouriner contre la porte, essayant à présent de la défoncer avec mon épaule « - Et désolé de te décevoir mais non, il n'y a pas comme tu dis un truc de sécurité. C'est du basique et JE GUEULE SI JE VEUX !!! Tu n'avais qu'à être plus modéré sur l'alcool ! »
C’était insupportable. Voir sa tronche de sale con infidèle plus d’une fois était insupportable, inacceptable, intolérable. Pourquoi je m’étais fourrée dans ce merdier ? Pourquoi j’avais fait le boulot moi-même au lieu de rappeler mon garde du corps ? Tant pis pour son jour de congé, au pire je l’aurais payé double. A vouloir être sympa, je m’étais foutue dans la merde. Et Nolan qui, comme toujours, ramenait sa science de merde.
- T’es vraiment le roi des cons, ça a pas changé ça ! J’ai appelé ici et ton putain d’employé m’a dit de passer récupérer mon portable et j’ai demandé, il a dit que tu serais pas là !! Je suis entrée, j’ai vu personne, pourtant c’était pas faute d’appeler, du coup je me suis dit qu’on n’était jamais mieux servi que par soi-même, et j’ai commencé à chercher. Et quand j’ai vu la porte ouverte, je me suis dit que le gars était sûrement là. Et je suis tombée sur ta tronche d’hypocrite, voilà, tu sais tout !
Il me saoulait, à ce compte-là, j’aurais préféré une margarita ! Voilà qu’il m’apprenait que sa foutue porte de chambre froide ne fermait et ouvrait que de l’extérieur.
- C’est pas sérieux ! Et les normes de sécurité alors ?
A son tour il chercha son portable qu’il avait plus de chance de trouver que moi vu qu’il ne l’avait pas oublié la veille au soir, mais la malchance nous poursuivait, il ne l’avait pas. Je levais les bras en regardant vers le ciel en signe de désespoir.
- Génial, même pour ça t’est pas capable d’assurer !
Il se mettait à marteler la porte, comme si ça pouvait changer quelque chose, et moi je posais mes mains sur mes tempes. C’était l’horreur totale, la migraine, l’autre con en face de moi qui s’agitait comme un idiot, le froid qui me glaçait la peau faisait apparaître de la chair de poule partout, la totale quoi !
- C’est ton employé qui m’a dit que tu serais pas là, j’y peux rien !!! Et Juliet emmène Sunny à son camp d’été aujourd’hui, j’avais pas le choix et je voulais récupérer mon portable au plus vite au cas où ma fille veuille me joindre ! Ça aussi tu vas me le reprocher ???
J’avais froid, je croisais les bras en essayant de les frictionner tout en faisant les cent pas, espérant naïvement me réchauffer un peu. Voilà que Nolan se remettait à taper la porte et à gueuler comme un putois. Non, il hurlait carrément. Je n’en pouvais plus, j’étais déjà excédée après à peine deux minutes de sa présence.
- MAIS TU VAS LA FERMER OUI !!!
N’écoutant que ma rage, je me saisis d’une bouteille de moutarde en plastique jaune et la lui balançai dessus aussi fort que mes pauvres petits bras gelés me le permettaient.
- J’ai pas de compte à te rendre, tu filerais à migraine à n’importe qui alors putain FERME TA GUEULE !!!
Il n’y avait que lui qui avait le don de me mettre hors de moi comme ça. Je n’avais jamais été si en colère que contre lui, je n’avais jamais autant hurlé que sur lui. Exit les cours de yoga où l’on apprend à être zen en toutes circonstances. En présence de Nolan, cela m’était tout simplement impossible.
Elle me saoulait et vous pouvez me croire, il fut un temps, j'étais un grand connaisseur. Comment était-ce possible qu'une seule personne soit capable de me faire perdre la boule aussi vite ? « - Hey, tu n'insultes pas mon personnel pour commencer. Et aux dernières nouvelles, c'est mon établissement donc logique que je sois là h 24. Et ma tronche d'hypocrite emmerde ta face de petite pisseuse à deux balles ! » Donc nous en étions à ce stade ? À savoir lequel de nous deux aurait le « fin » mot ! C'était tellement pitoyable et immature (à la hauteur de Sally) Et là voilà en train de m'apprendre mon métier, on aura tout vu. « - Sois mignonne ne m'apprends pas mon métier, tu veux. Ça, je gère, contente-toi de gérer de ton côté ok ? Et puis merde, ce n'est pas ton problème ! » Non ça ne l'était pas, sauf que maintenant, elle était en droit de me coller un autre procès au cul et elle en était bien capable. Cherchant une alternative, je farfouillais dans la poche de mon jean, délestée de la présence de mon portable. Il fallait que ça tombe aujourd'hui, génial ! Si j'avais su, j'aurais peut-être joué au loto pour conjurer mon mauvais œil.
« - Je te demande pardon ? Attends, mais va te faire foutre ! C'est toi qui débarques comme une fleur et TOI qui nous enferme ! Moi, je n'ai rien demandé. » Et me revoilà à nouveau en train de marteler contre la porte. Peut-être qu'avec un peu de chance quelqu'un passerait non loin de là et entendrait mes suppliques. Pourvu que ça arrive vite, car à ce train je me voyais mal tenir longtemps. « - Ah, mais merde, tu es conne ou tu le fais exprès. Je suis là, tu le vois bien non ? Et en plus, je dois justifier ma présente dans mon établissement, c'est la meilleure. Et désolé pour toi que ton petit monde ne soit pas disponible et t'oblige à te bouger le popotin. Pas trop dure d'être un pied dans le monde normal ? Ca va, tu gères ? Et aux dernières nouvelles Sunny est aussi MA fille ! Alors arrête un peu de te l'accaparer. Tu as déjà la garde exclusive, ça n'est pas assez pour toi ? Tu veux un titre de propriété avec ? » Elle me mettait hors de moi, un prodige dont personne n'était capable jusqu'alors et nous voilà donc en train de nous égosiller l'un contre l'autre pour savoir lequel des deux fermera sa gueule en premier. Je n'avais cependant pas prévu que mon ex morue se déleste du verbal au profit d'une bouteille de moutarde ( en plastique, mais quand même) qu'elle me balança en pleine poire. « - Hey, mais tu as pété une durite ! Tu sais combien ça coûte ça ? » Elle en attrapa une autre que je parvins à éviter. Pour préserver mon stock, je n'avais d'autre choix que de me ruer sur elle et la bloquer. « - Maintenant ça suffit ! Tu lâches mon stock » Méfiant parce que je la savais capable du pire, je récupérais la caisse en bois pour l'éloigner d'elle « - Tu dépenses beaucoup d'énergie pour rien, comme d'habitude ! » Remettant de la distance entre nous, je décidais de m'asseoir par terre « - Ne t'avise pas de m'attaquer en traître ! Et garde ton énergie si tu ne veux pas finir en glaçon trop vite ! »
J’avais envie de le tuer. Clairement. J’étais confrontée à sa trogne depuis quoi ? Cinq minutes ? C’était cinq minutes de trop ! Je maudissais son serveur pour la mauvaise information. J’aurais dû me douter que c’était une mauvaise idée. Voilà qu’il se mettait à m’insulter. Cet enfoiré me mettait hors de moi, il avait un véritable don, qui était une malédiction pour moi.
- Ah oui, c’est pas mon problème ? En attendant c’est moi qui suis bloquée ici avec toi !
Il voulait toujours avoir le dernier mot, même lorsqu’il avait tort, c’était insupportable.
- Toi, vas te faire foutre ! Comment tu voulais que je sache que t’avais du matos de merde sans aucune poignée de sécurité pour pouvoir sortir ?! Et tu crois que j’ai fait exprès de me casser la gueule avec ton sol de merde ? J’aurais pu me casser une cheville alors c’est bon, j’ai rien demandé non plus !!
J’avais l’impression de me retrouver vingt ans auparavant en train de me disputer avec ma sœur telles deux chiffonnières que nous étions. Et Nolan qui continuait à déblatérer de la merde, j’étais au bord de l’explosion, ça et le froid et ma robe mouillée qui gelait presque sur moi, je n’en pouvais plus.
- T’en as jamais marre de dire de la merde, hein ?! Et qu’est-ce que t’as à sans arrêt rabâcher que c’est aussi ta fille ! Tu veux quoi, un badge ? C’est pathétique ! Toujours est-il que c’est moi son parent référent et que c’est moi qu’elle joint quand elle est loin de la maison, et pour ça, j’ai besoin de mon téléphone, et que ça te plaise ou pas, oui c’est MOI qui ai sa garde et c’est bien mieux comme ça !
Mais comme ça l’avait été les dernières semaines avant notre divorce, il me faisait disjoncter et n’y tenant plus, je lui avais balancé l’une de ses bouteilles de moutarde dessus. Je m’apprêtais à recommencer avec une autre pour espérer qu’il la ferme, mais il s’était jeté sur moi pour m’arrêter et enfin retirer la caisse de mon champs d’action.
- Et toi tu dépenses beaucoup d’énergie pour me rendre dingue !
Je reprenais mon souffle et ça m’aida à me calmer un peu. Je le vis s’asseoir et j’en fis de même à l’opposé de lui, mais seulement trois mètres nous séparaient. Il faisait froid et le sol était encore plus froid. Mes fesses posées au sol, je croisais les bras et grelottai.
- Ils ont combien de temps de pause tes serveurs ?
Heureusement que je n’avais rien d’important de prévu aujourd’hui, mais il était clair qu’en sortant d’ici, j’irai directement au spa.
- En glaçon ? Tu me fais marcher, c’est quand même pas arrivé que quelqu'un meure de froid dans ce genre de pièce ?… Il faudrait combien de temps pour qu’on tombe en hypothermie ? Un frigo est en moyenne à quatre degrés… On est fringué léger et trempés… Oh merde on va mourir ici ! EEEEEHHHH !!! A L’AAAAAAIIIIIIDE !!!
Je hurlais de toutes mes forces, faisant fi de ma migraine, mais j’avais une voix qui portait alors autant en profiter. Mais au vu du silence qui envahissait la pièce après mes cris, personne ne m’avait entendue. Le désespoir pouvait sans doute se lire dans mon regard. Ma fille allait perdre ses deux idiots de parents de la manière la plus débile qui soit. Jamais je n’aurais pensé, parmi tous les prix auxquels j’avais été nominée, que j’aurais un Darwin Award.
Je suis un type gentil, le genre prêt à rendre service dès qu'on le demande. Je suis conciliant, tolérant, une bonne pâte. Oui, je suis quelqu'un de bien et je ne dis pas ça pour chercher à m'en convaincre, je le suis vraiment, cependant, il existe sur cette terre, si l'on ne compte pas ma mère, une personne qui en plus de me faire sortir de mes gongs, fais ressortir ce qu'il y a de moins glorieux en moi. Et en lorgnant sur cette garde que je n'avais pas Sally venait de toucher un point sensible qui intensifia considérablement et ma colère et ma rancune à son encontre. « - C'est bon, tu es contente ? Ca doit te faire jouir de me balancer ça comme ça en pleine gueule ? Moi, j'ai la garde et pas toi... C'est petit et mesquin ça, bref, c'est toi ! » Oui, nous nous battions (verbalement) comme des chiffonniers, cela en était affligeant, tellement que je me demandais comment en étions-nous arrivé là ? Mais à quoi bon ressasser le passé et se faire autant de mal ? Quoique je fasse, ça n'y changerais rien. « - Continue, fais-toi plaisir super maman ! Tu veux que je t'offre un prix aussi ? » Et c'était repartit ! Nous étions incapables de tenir une conversation, mais plus encore incapables de nous montrer civilisés. C'était comme une seconde nature. Moi, qui détestais me mettre en colère et éprouver tant de sentiments négatifs, j'étais servi avec l'autre morue qui venait de s'attaquer à mon stock de moutarde en pot, qui me coûtait un bras et que je ne pouvais donc laisser à sa portée.
« - Bah prends sur toi et calme-toi ! » En était-elle capable ? Je l'ignorais pour dire vrai, j'avais face à moi une étrangère et me retrouvais enfermé avec elle ne m'enchantais pas plus que de partager une pièce avec du poisson pourri. Tiens la comparaison est charmante ! Je l'inscrirais sur mon petit fichier texte, si je sors d'ici. Et si je ne m'en sortais pas ? Et si c'était la dernière des dernières ? Ah nom de dieu, je ne veux pas clamer, pas ici, pas comme ça, pas avec elle. Je devais me calmer, ne pas gaspiller inutilement mon énergie. Le cul par terre, je voyais déjà plus clair, enfin, je crois. En fait de vous à moi hormis me geler le train, je me demandais bien ce que je pouvais faire de plus. Sally s'assit à son tour et à n'en pas douter, elle devait se les cailler bien plus que moi. Bien fait pour sa tronche ! Mais elle n'avait de toute évidence pas encore perdu sa langue (dommage !) « - Ca varie ! » lançais-je dans le vague en sachant que si nous devions avoir de l'aide cela ne serait pas avant vingt minutes. Bref une éternité surtout avec un boulet pareil. « - Je ne sais pas si quelqu'un est mort ici, tu vois, je n'ai pas posé la question au préalable. » J'aurais presque pu en rire, tant la scène semblait absurde sauf que l'hystérie de Sally effaça le petit sourire en coin qui venait de paraître sur mon visage. « - Hey, mais calme-toi. Tu es en train de gaspiller inutilement de l'énergie » Elle hurlait tellement fort que mes tympans me disaient merde « - AHHHHHHH LA FERME !!!!!! » Et à mon tour, je cédais. Quittant ma place et retirant ma chemise, je me rapprochais d'elle. « - Ca me fais chier à un point tu n'imagines pas, mais il faut que l'on se sert l'un contre l'autre pour conserver un minimum de chaleur » Je pris donc place à ses côtés attendant qu'elle se rapproche.
Comment faisait-il pour à ce point me sortir par les yeux?J’avais rarement, pour ne pas dire jamais, connu de personne dont la présence m’était aussi désagréable. Je préférais mille fois passer une heure entière à me faire sermonner par ma mère qui trouvait toujours à redire sur ma carrière pourtant parfaite, que de passer cinq minutes avec mon ex. Chaque mot qu’il prononçait me paraissait d’une connerie extrême, je ne supportais plus de l’entendre se plaindre…. Il osait se plaindre alors que c’était lui qui avait tout foutu en l’air.
- C’est pas mesquin, triple buse, c’est toi qui cherches la merde depuis le début ! Alors ne viens pas te plaindre ! Tu répètes comme un foutu perroquet que t’es son père, comme si y avait le moindre doute possible ! Mais non, tu vois, je suis pas comme toi donc c’est clair qu’y a aucun putain de doute possible, c’est bien toi son père ! Alors oui je te rappelle que c’est moi qui ai sa garde et que par conséquent c’est bien pour ça que je me suis rabaissée à venir chercher mon foutu téléphone dans ton foutu bar !
J’en avais ma claque et j’avais froid, ça ne m’aidait pas à me calmer.
- J’ai pas besoin de prix de ta part, j’en gagne assez de gens qui eux, sont méritants. Arrête de faire chier, tais-toi !
Il faisait bien trop froid, je grelottais et je crois que mes lèvres commençaient à bleuir. Je réalisais que nous risquions l’hypothermie et comme Nolan n’était pas foutu de savoir quand ses employés pourraient éventuellement nous trouver, ce qui aurait pu nous donner un peu d’espoir et quelque chose à quoi se raccrocher, je commençais légèrement à paniquer et me mis à hurler en espérant que quelqu’un nous entende. Mais à y réfléchir, c’était bête. Si les deux serveurs avaient pris une pause, ils étaient certainement dehors quelque part. Nolan me hurla dessus pour que je me taise. Je crois que nous avions assez hurlé l’un et l’autre. Maintenant, j’avais envie de pleurer. La colère avait laissé place au désespoir. Je le vis soudain se lever et retirer sa chemise.
- Qu’est-ce que tu fais ?
L’explication ne tarda pas à arriver. Il voulait que l’on se serre l’un contre l’autre pour se réchauffer. Cette fois c’était clair, j’avais véritablement atterri en enfer ! La simple idée qu’il puisse me toucher me donnait la nausée.
- Tu rêves, je préfère encore mourir tout de suite !
Mais j’eus à peine le temps de finir ma phrase qu’il était assis près de moi. Je soupirai, parce qu’il avait raison.
- Je suis encore trop sobre pour trouver ça normal. Y a rien à boire ici ? C’est un bar non !
Je me levai, difficilement au vu du froid qui s’était emparé de tous mes membres, et observai la pièce. Je trouvai finalement une caisse avec des bières. Dans un frigo, je ne m’attendais pas à mieux, malgré la chaleur de l’extérieur. C’était toujours mieux que rien. Je rapprochai le carton de bières de Nolan et attrapai une bouteille avant de la lui tendre.
- Tu peux me l’ouvrir s’il te plaît ?
Je ne voulais pas m’abîmer les mains et puis surtout, elles étaient trop froides pour pouvoir y arriver. J’avais de plus en plus froid, ce tissu mouillé contre ma peau me faisait presque mal. Je regardai Nolan et son torse musclé et je me disais que sa chaleur m’aiderait peut-être. Alors j’en étais réduite à ça ? L’instinct de survie faisait des ravages.
- Ferme les yeux.
Je décrochai la large ceinture qui cintrait ma robe et la posai sur une étagère. Si mon esprit hésitait encore, mes muscles, eux, continuaient d’agir et je laissai choir ma robe en soie blanche au sol avant d’aller m’asseoir sur Nolan, collant mon buste au sien. Quelle idée de n’avoir pas mis de soutien-gorge ce matin ! Bon, au moins, il avait raison, on se tenait toujours plus chaud ainsi que chacun de notre côté avec nos fringues trempées. Je récupérai la bouteille de bière et en but une gorgée, sans décoller mon corps de celui de Nolan.
Elle avait froid, elle tremblait ! Mais qu'est-ce que j'en avais à foutre. D'ordinaire, je ne suis pas du genre à me repaître du malheur des autres, sauf que cette fois, je n'avais pas n'importe qui face à moi. Attention, ce n'est pas tous les jours que la grande, que l'unique Sally la morue daigne faire acte de présence. Et ça pour être présente elle l'était, je dirais même plus omniprésente et toujours aussi chiante et conne. C'est rassurant quelque part, ça prouve que certaines « choses » ne changent pas. Ma colère aussi semblait immuable. « - Putain et voilà je me demandais aussi quand ça sortirait. Nolan l'infidèle connard, tu devrais te le faire tatouer tiens. Mais je ne vais pas épiloguer là-dessus, j'ai besoin du peu d'énergie qu'il me reste pour des choses plus utiles que de chercher à te convaincre. » J'étais sur les nerfs, elle me sortait littéralement par les trous de nez, tellement que j'étais prêt à prier n'importe quel dieu pour qu'il me sorte de cet enfer. Un enfer pavé d'aucune bonne intention, juste de deux malades qui s'étaient mis à brailler à s'en déchirer les cordes vocales et qui venaient de comprendre que cela ne servait à rien, si ce n'est à gaspiller de l'énergie. « - Putain fais chier ! Il fallait que ça tombe sur moi quoi ! » Oui, une fois encore, le manque de bol était signifiant tellement que je me demandais si à l'avenir, je ne devais pas prendre une carte d'abonné histoire de pérenniser le truc. Toujours est-il que nous étions encore coincés dans la chambre froide et que si nous ne voulions pas y rester, il nous fallait faire quelques concessions. Je commençais par enlever le haut.
« - Ne me regardes pas comme ça, c'est bon ce n'est pas la première fois ! » lançais-je avant de lui faire part de ce qui me semblait être une bonne idée, bien que peu ragoutante. « - Je pourrais répondre, mais je ne suis pas vache au point de te souhaiter de passer l'arme à gauche. Je te signale que ça ne m'emballe pas des masses non plus, aurais-tu cependant autre chose à me proposer ? » Et puis merde, je ne lui laissé pas le choix, moi, je ne voulais pas crever, pas dans ses conditions et j'étais prêt à tout (surtout au pire) pour sortir d'ici. Sally, quant à elle, avait besoin d'une aide supplémentaire pour supporter la chose, en l'occurrence moi gaspillant de la chaleur pour elle.
« - Il me faudrait toute une caisse pour en supporter davantage. Mais qu'est-ce que tu fous ? » En effet, elle venait de se lever à la recherche de boisson « - J'espère que tu régleras la note après ça ! » lançais-je sans humour alors qu'elle me demandait d'ouvrir la bière qu'elle venait d'attraper. « - Madame ne veut pas abîmer sa manucure, je suppose ! » Et c'est sans mal que je parvins à ouvrir la bière avec les dents avant de cracher la capsule à l'autre bout de la pièce. « - Bon, tu comptes rester là où je me siffle la bière tout seul ! » Elle me demanda de fermer les yeux ce qui me fit rire comme jamais. « - Je te signale juste que je les aie déjà vu et pas qu'une fois » Mais son regard insistant, ne me laissa que très peu d'alternatives « - Ok j'ai compris » Et c'est sans conviction que je fermais les yeux avant de la sentir tout contre moi « - Je peux les ouvrir ? » Je n'attendis pas sa réponse « - Ah à ce que je vois tout va bien de ce côté-là ! » À mon tour je saisissais la bouteille pour l'en délester de quelques centilitres et ainsi oublier cette bien étrange et non désagréable promiscuité qui nous unissait l'un à l'autre. « - C'est marrant, je les voyais plus petits ! »
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Sujet: [HOT] Hot'n Cold [ft Nolan Hamilton] 