do i know you? (Lucy)

LUCY MONROE & TATE HARTWELL

do i know you?

Lucy essayait toujours de passer le moins de temps chez elle possible. Déjà parce qu'elle s'y ennuyait en cinq secondes chrono et qu'elle détestait être toute seule, et en plus parce que son studio était tellement petit et miteux qu'elle risquait de tomber en déprime si elle passait trop de temps dedans en oubliant qu'au moins dehors c'était vivant, brillant, pétillant, c'était Los Angeles quoi. Enfin de toute façon, elle devait bien s'y faire, puisqu'elle n'avait aucun moyen de se payer un meilleur endroit où vivre et qu'elle n'était pas encore assez désespérée pour contacter ses parents, et même pas sûre d'ailleurs qu'ils la laisseraient mettre un pied chez eux. Elle traînait donc dans les bars de son quartier souvent le soir après le boulot, et même sinon le week-end. Ça ne la dérangeait pas le moins du monde, une fois les dragueurs lourds écartés elle rencontrait souvent des gens sympas avec qui elle se marrait bien, parfois des gars cools avec qui... brûler quelques calories, comme ça, sans trop se poser de questions. Quelque chose qui avait encore le goût du nouveau, et encore plus le goût de la liberté. Enfin bref, elle était rentrée chez elle en vitesse pour changer son t-shirt pratique de la journée pour une chemise vintage un peu large plus soignée, grignoter un truc et se mettre du rouge à lèvres. Lucy était ensuite descendue dans la rue alors que le soleil couchant se reflétait en flammes sur les fenêtres des immeubles et que les habitués ne peuplaient pas encore vraiment les bars, pour trouver un endroit où passer sa soirée. Son choix s'était porté sur un bar où elle n'avait pas vraiment ses habitudes, mais dans lequel elle savait qu'ils servaient les meilleurs mojitos du coin, ce qui lui faisait soudainement envie. Elle n'avait même pas besoin de sa voiture, c'était à peine à un quart d'heure à pied. Elle marchait avec un léger sourire aux lèvres, sa sacoche tapant contre sa cuisse et ses cheveux détachés se soulevant sur sa nuque.

Arrivée au bar, elle s'installa à une table vers le milieu de la pièce, après avoir constaté que personne qu'elle ne connaissait n'était là, et après s'être fait servir un mojito, avec un sourire appuyé en direction du barman qui n'était vraiment pas désagréable à regarder. Elle scruta un peu tout le monde autour d'elle puis sortit son téléphone en se disant qu'elle allait poster sur Snapchat pour voir qui de ses amis voulait bien la rejoindre pour mettre fin à sa solitude sur cette table de bar. Elle eut finalement la flemme et reposa son téléphone, au moment où un type, brun, jeune, vint s'installer devant elle avec un sourire. Elle fit non de la tête lorsqu'il lui demanda si la place était prise, puis souleva un sourcil lorsqu'il lui demanda s'ils s'étaient déjà vus quelque part. Elle aurait instinctivement répondu non à une phrase d'accroche aussi débile, mais plus elle le regardait plus elle avait, elle aussi, cette impression. Oui, elle en était sûre, elle connaissait ce gars. D'où, c'était une autre question. Elle avait toujours un peu peur que quelqu'un reconnaisse Lucas en elle, même si ça ne lui était encore jamais arrivé depuis qu'elle était revenue à Los Angeles, et que ça ne lui arriverait probablement jamais elle l'espérait. Elle eut un petit rire à sa remarque. Elle n'arrivait toujours pas à se souvenir d'où elle l'avait vu, ça commençait à l'agacer tiens. "Bah, je crois bien, oui..." dit-elle avec les sourcils froncés en le scrutant, avant d'ajouter avec un sourire : "Moi c'est Lucy, et toi ?". Elle jeta un coup d’œil en direction du bar, sentant un peu le regard insistant du gars qui essuyait les verres, avant de demander à celui qui lui faisait face avec un petit rire : "Tu veux un truc à boire ?" et d'ajouter à voix basse, amusée "Je dis ça parce que je crois que j'ai une touche avec le barman." Sous-entendu ça lui faisait une excuse pour y aller, et non, elle n'en avait rien à faire de dire ça à un inconnu, et puis de toute façon il n'avait pas du tout l'air intéressé par elle alors s'il pouvait avoir une réduction sur sa conso.

LUCY MONROE & TATE HARTWELL

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C'était énervant de ne pas se rappeler comme ça où elle l'avait vu. En plus, c'était typiquement le genre de truc dont elle allait jamais réussir à se rappeler et d'un coup une semaine plus tard avoir une révélation dans une situation sans aucun rapport genre sous la douche en mode "mais oui c'était le type de...". Peu importe après tout, ça allait bien lui revenir, et puis il avait l'air sympa de toute façon donc ce n'était pas grave. Elle lui aurait bien demandé s'ils étaient dans le même lycée, après tout c'était possible même s'il avait l'air plutôt du genre "liberal arts" que pension militaire à première vue. Enfin, de toute façon elle ne pouvait pas vraiment formuler cette hypothèse, sait-on jamais qu'elle fut vraie, et surtout elle avait le pressentiment que c'était beaucoup plus récent que ça. Elle lui dit son prénom et sourit en entendant le sien, bon ça ne lui disait rien et lui non plus mais en même temps ils avaient en commun d'être portés par la moitié du Royaume-Uni, ce qui ne les aidait pas. Roh, il aurait pas pu s'appeler Cléon ou Nicéphore, le truc hyper bizarre qui l'aurait fait tilter tout de suite ? Et elle aurait dû choisir un prénom plus rare, genre Vitaline ou Georgette. C'était joli ça Georgette. Elle ne se cacha pas de profiter de la présence du jeune homme pour aller commander à boire au barman sexy, et d'ailleurs se fit confirmer par ce dernier qu'il l'était. Bon, au moins s'il avait goût pour son propre sexe, ça voulait dire que le brun n'était pas un gars avec qui elle avait couché, quelque part c'était rassurant mais en même temps elle avait senti dès le départ que ce n'était pas ça. "C'est noté." dit-elle en lui lançant un clin d’œil amusé avant de se diriger vers le bar. Elle eut une brève conversation avec le barman donc qui avait l'air très occupé mais pas peu intéressé par elle, et lui re-remplit donc un peu son verre de mojito à l’œil avant de servir la bière qu'elle demandait. Il jeta un coup d’œil en direction de Tate et lui demanda si c'était son petit-ami, ce à quoi elle répondit simplement par un rire et un regard appuyé avant de quitter le bar avec les verres, un sourire satisfait aux lèvres. Elle s'assit et posa sa bière devant Tate, ricanant un peu à sa remarque. A vrai dire, elle s'en foutait un peu du grand amour pour toujours, on disait ça mais ça finissait dans une maison triste au fond d'une banlieue avec un vieux chien, un encéphalogramme sexuel plat et les petits-enfants tous les dimanches (ça, au moins, ça ne risquait pas de lui arriver). Non, sérieusement, elle avait parfois du mal à comprendre comment les gens pouvaient rêver de ça. "Il manquerait plus que ça." pouffa-t-elle doucement en portant son verre à sa bouche. Traînait-t-elle en boîte et à des soirées ? Oui, un paquet, elle ne savait pas si ça l'aiderait toutefois. Elle réfléchit un peu puis lui dit pour essayer de l'aider.  "En boîte, je traîne beaucoup au Lighthouse, je sais pas si tu connais ? Au Gates of Heaven aussi." La première était une boîte un peu branchée avec de la vieille musique, la deuxième moins connue et plutôt fréquentée par des queer. "Mais sinon pas à USC non. Tu étudies là-bas ?". Elle admirait pas mal les étudiants d'université, elle n'avait pas eu cette chance et elle n'avait pas l'argent. Enfin, même si c'était le cas, elle n'avait jamais vraiment été du genre studieux alors elle ne sait pas si elle y serait allée dans tous les cas. Elle se tut un moment, et entendit la musique qui résonnait à travers les hauts-parleurs du bar, un groupe qu'elle aimait bien. Elle hocha la tête au rythme de la musique et dit machinalement, histoire de faire la conversation : "C'est un super groupe, je les ai vu l'été dernier à l'Outside Festival, un concert de fou. Rarement été aussi bourrée faut dire." rit-elle en regardant son verre, elle sentait que son interlocuteur était du genre à comprendre.

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Lucy ne s'était pas vraiment posé la question de savoir si Tate avait l'âge requis pour boire, il avait l'air d'avoir à peu près son âge mais de là à savoir précisément. A vrai dire elle trouvait cette règle assez débile de toute façon. Pendant l'année suivant le lycée, elle s'était vue refuser pas mal de verres et pas mal d'entrées en boîte, mais elle n'en était pas vraiment morte. Et puis après ça de toute façon, si avoir le corps d'une femme avait de nombreux désavantages comme le fait d'attirer les lourdos à trente kilomètres à la ronde, au moins c'était beaucoup plus facile de se faire payer à boire, et rares étaient ceux qui avaient même vérifié son âge. Maintenant elle n'y pensait plus. Et elle s'en tamponnait véritablement de savoir l'âge de Tate. Bon, ce n'était pas les boîtes ? En même temps, s'il était à USC, elle pouvait s'en douter, les gens là-bas avaient un peu leur monde à part et beaucoup évitaient de se mélanger. Quand ça leur arrivait, et Lucy avait pu en croiser, ils croyaient faire la folie du siècle. Lui n'avait pas l'air vraiment comme ça toutefois, mais c'est sûr qu'ils n'étaient pas du même monde apparemment. Considérablement, même : l'âge qu'il avait elle habitait seule et travaillait quarante heures par semaine pour très peu de considération. Mais après tout, chaque monde avait ses problèmes. "Tu devrais y aller, je veux dire... ça te changerait de l'ambiance USC." conseilla-t-elle avec un sourire en coin. Elle ne dénigrait pas, mais ça ne pouvait pas faire de mal de sortir de ses habitudes, non ? Elle ne pouvait pas vraiment le faire dans l'autre sens, mais dans ce sens là il pouvait, lui. Enfin, elle le supposait. Bref, la musique lui fit agréablement penser à un festival auquel elle avait été l'an dernier, un plan d'une amie à elle, et elle s'était rarement autant amusée. Elle fut surprise d'entendre que Tate y était aussi. Alors c'était ça ? Mais un festival, c'était tellement immense, ce serait quand même un sacré hasard. "Nan sérieux ?" dit-elle, enthousiasmée, avant de fouiller dans son esprit et d'avoir soudainement un flash. Elle écarquilla les yeux. "Mais oui ! Attends... tu étais là le soir du concert de Wet ? Je me souviens qu'après on avait fait un feu et je jouais de la guitare mais j'étais à moitié à poil parce que j'étais tellement raide que je trouvais ça cool, ça te dit un truc ? Je t'y revois, c'est dingue, ce serait dingue." rit-elle doucement.

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Voilà que ça lui était revenu, finalement. Il lui restait au moins un minimum de souvenirs de ce festival, parce que c’est vrai qu’elle avait abusé de tout un tas de trucs cette fois là. Ce n’était ni la première ni la dernière fois qu’elle le faisait, mais il y avait cette fois là peut-être des trucs à fêter, ou des trucs à oublier, en même temps les deux se confondaient souvent un peu dans son cas. En tout cas, savoir qu’ils avaient partagé cela le rendait un peu plus familier à ses yeux, un peu moins inconnu. C’était une ambiance tellement particulière. Lucy avait l’impression que même si on aurait dit qu’on ne connaissait pas les gens dans ces conditions, car on savait à peine leurs prénoms ou ce qu’ils aimaient ou ce qu’ils faisaient dans la vie, finalement on avait accès à quelque chose de particulier d’eux, un lâcher prise, quelque chose de peut-être plus vrai que les formalités dont on s’embarrassait souvent dans la vie de tous les jours. Il n’y avait plus de filtres. Elle revoyait maintenant très bien Tate et elle s’égosillant ensemble, des reflets de feu sur leur visages et les rires rendus longs et incontrôlées par leur état. "Oh mon dieu mais oui." éclata-t-elle de rire en se souvenant du serial-vomisseur. Il y en avait toujours un en même temps, le plus chiant c’était quand c’était un de ses amis et qu’on était obligé de s’en occuper par sympathie, en ratant tout le fun. Quand on ne supportait pas, il fallait arrêter à un moment donné, mais bon, elle n’était pas dans la tête de ce genre de personne. Elle se souvenait en effet vaguement du type au ukulélé, surtout parce qu’il l’avait soûlé pour qu’elle joue des trucs à la guitare dont elle n’avait jamais entendu parler de sa vie en sous-entendant qu’elle était inculte. Elle n’aimait pas trop les gens prétentieux, et le fait qu’elle était déchirée exacerbant tout, elle l’avait détesté immédiatement. Mais c’était tellement loin que ça la faisait plutôt rire que Tate se le soit tapé, bon c’est vrai qu’il était plutôt pas mal, mais c’était vraiment le genre « sois beau et tais toi ». Elle se demanda si c’était le style de mec habituel de son interlocuteur, parce qu’au bout d’un moment on devait en avoir assez non ? "Sérieux tu te l’es tapé ? Ça m’en a débarrassé au moins, il me soûlait…" dit-elle avec un petit rire avant de siroter son mojito. Lucy s’en fichait de parler aussi ouvertement, elle s’était débarrassé de ses tabous depuis un certain temps maintenant à vrai dire. Sa question la fit souffler et sourire en même temps, à vrai dire elle avait un peu de mal à se souvenir précisément de ce qui s’était passé, elle se souvenait vaguement d’un type. En même temps, vu à quel point elle était déchirée et ses difficultés de… tuyauterie de l’époque, elle se doutait que quelque chose de vraiment remarquable ait eu lieu. "Tu te souviens du grand métisse qui tenait absolument à dormir à la belle étoile ? Il l’a pas fait…" répondit-elle d’un air amusé. Elle ne se souvenait pas vraiment de son nom… Brian ? Adrian ? Quelque chose dans ce genre. Enfin, rien de très mémorable apparemment, et elle ne l’avait jamais revu.

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Lucy ricana quand il admit son sacrifice, mais bon, s'il l'avait fait c'était quand même qu'il devait y avoir un minimum de plaisir à en tirer. Ça lui faisait penser à quand avec deux ou trois copines elles trouvaient en soirée un groupe de deux ou trois gars et qu'il fallait s'accorder mentalement par des regards sur qui prenait le moins beau ou le plus lourd. On faisait toujours mine de se sacrifier pour ses autres copines, mais en général c'était qu'on sentait qu'il y avait du potentiel ou quoi que ce soit de ce genre. Bon, bien sûr, tout cela de manière exclusivement spéculative. En parlant de ça, elle ne se souvenait vraiment pas clairement de ce qui s'était passé cette fois là avec le type. Elle le revoyait juste torse nu dans sa tente à moitié éclairé par une lampe torche. Le reste c'était le trou noir. Elle s'était quand même pas endormie juste après ce souvenir, si ? Probablement qu'elle ne le saurait jamais. A part si elle recroisait ce gars dans un bar quelconque comme Tate mais ça commencerait à devenir quand même sérieusement inquiétant comme coïncidence. En tout cas ça la fit sourire en coin que Tate la félicite comme ça. Ce n'était pas le genre de commentaires que les filles recevaient habituellement sur leurs conquêtes de la part des hommes, mêmes gays. C'était plutôt le genre de trucs qu'ils se disaient entre eux, et elle était bien placée pour le savoir en ayant vécu dans un environnement exclusivement masculin aussi longtemps. Le franc-parler masculin à ce titre lui manquait souvent, même si, sans mentir, il était accompagné d'un tas bien imposant de non-dits ; elle n'aimait pas les pincettes ridicules que beaucoup d'entre eux se sentaient maintenant obligés de prendre avec elle. Elle leva son mojito en même temps que lui sa bière pour lui montrer qu'elle était bien d'accord. C'est vrai, que pouvait-on demander de plus ? Ce qu'elle préférait c'était le sentiment de liberté, celui qui vous prenait les tripes. Elle arborait donc un grand sourire. Surtout quand il demanda si elle comptait y retourner cette année. En vérité, elle n'y avait pas vraiment encore pensé, mais elle fut immédiatement partante. Ce n'était pas le genre de choses qu'il fallait lui demander plusieurs fois. "Mais carrément !" s'exclama-t-elle en hochant la tête. Elle but un peu de son verre, et sortit son téléphone de sa petite sacoche en cuir, en l'ouvrant sur un nouveau contact. "On va peut-être pas attendre de se recroiser par hasard." dit-elle avec un petit rire. Elle tendit le téléphone à Tate. Son mojito et demi n'aidant pas, et ayant tendance à dire à voix haute toutes les débilités qui lui passaient par la tête, elle ne put s'empêcher de sortir une grosse connerie. "Par contre interdit de m'envoyer des dick pics.". Elle s'esclaffa. Au moins, elle se faisait rire elle-même, c'était déjà ça.