New beginning - Ethan & Kate

Quel était son problème ? La remarque de Kate, qui pourtant était judicieuse vu le peu d’intérêt que Ethan lui portait, semblait provoquer une explosion de rage du jeune homme, qui laissa la brune paralysée de stupeur. Certes, elle avait cherché à le faire réagir, mais elle ne s’était pas attendu à ce qu’il se mette tout à coup dans une rage irraisonnée.
Elle serra les poings elle aussi, instinctivement, prête à se défendre, même si elle n’avait aucune intention de l’attaquer plus que cela… Visiblement, elle avait déjà bien mis les pieds dans le plat sans le vouloir.

- Mais qu’est-ce que tu me reproches à la fin ? Cria-t-elle, juste assez fort pour se mettre à son niveau et lui montrer qu’elle ne se laisserait pas accuser de tout et n’importe quoi. Après tout, qu’avait-elle fait de si terrible ? Il n’avait pas l’air trop amoché à cause d’elle, physiquement parlant. J’étais à l’hôpital pendant plusieurs mois j’te signale, et j’avais aucun moyen d’te contacter et… Qu’est-ce qu’il a fait ?

Sa voix s’était brisée en posant cette question. Le jeune homme venait de partir comme une trombe dans sa chambre, et les certitudes de Kate commençaient à se fissurer dangereusement. L’angoisse la saisit à la gorge, tandis qu’elle essayait en revue de passer dans sa tête les actions qu’il pourrait lui reprocher… Elle avait pensé au début qu’il lui en voulait de son manque de gratitude, mais maintenant, sa déclaration prenait un sens complètement différent : IL y était pour quelque chose.
Elle frissonna malgré elle, voyant ses pires craintes se concrétiser dans ces hurlements. Son agresseur n’avait donc pas lâché l’affaire après cela ?
Elle observa avec incompréhension le portrait que le Kane lui tendait, avant que ses mots ne martèlent vraiment son crâne. Un homme était mort. Son frère. Mort ? A cause d’elle ?

- Je suis désolée… Murmura Kate, si bas que c’en était à peine audible. Ses yeux se posèrent de nouveau sur la photo, et le sentiment de malaise qui l’entourait s’épaissit. Ethan, je ne savais pas, je le jure… Personne ne m’a prévenu. C’est affreux…

Peut-être aurait-elle du mieux s’informer sur son agresseur ? Dans les mois qui avait suivi sa rémission, il fallait avouer que tout ce qu’elle avait essayé de faire était fuir et oublier. C’était une des excuses pour lesquelles elle était là à présent, si tard, si longtemps après la cicatrisations des plaies visibles. Elle fit un pas dans sa direction, hésitant entre essayer de le toucher pour le calmer, ou juste partir en courant.

- Il pourrait revenir… Osa-t-elle à peine formuler, dans un souffle. Elle ne tenait pas à paraître dramatique ou à lui faire peur, ou bien même à diminuer les conséquences qu’il avait déjà impliquées… Ni même à le pousser à une quelconque vengeance, loin de là. Qu’est-ce que j’peux faire ?

Elle était prête à partir... Bien sûr, c'était surement ce qu'il allait lui demander... Et à la vue des dernières informations qu'il venait de lui communiquer, elle se voyait mal insister encore. Du moins pas pour le moment, malgré le soulagement profond qu'elle semblait éprouver, inexplicablement, en sa présence.

Elle ne sait pas. Est-ce que c'est possible ? Peut-être. J'en sais rien. Je ne sais même plus si j'en ai quelque chose à foutre. Je lui ai craché ma haine, ma rage, ma frustration à la gueule. Je reste dos tourné un moment, cherchant à me calmer un minimum. Juste assez pour pouvoir parler sans trembler, ni chialer. Si Il revenait ? Je pouffe l'air dégoûté.

« Faire pour quoi ? »

Finalement je me tourne vers elle mais m'appuie contre le mur abîmé. Je croise les bras sur mon torse. Si j'étais de bon poil, je me la jouerais beau gosse parce que ça fait ressortir mes muscles mais là, je m'en branle. Ces mêmes muscles n'ont servi à rien il y a un an face au couteau de ce malade.

« Il peut revenir. J'en ai rien à foutre. J'ai plus rien à perdre. »

Certainement pour ça qu'il a continué sa vie en me laissant dans une misère sans fond.
Je la regarde de bas en haut. Je suis moqueur, je sais. Mais, sérieux ? Elle pense à quoi ? Si j'étais un mec bien, je lui proposerais de mettre les choses à plat, de parler tranquillement et de tourner la page. Mais je ne suis pas ce genre de mec. Je ne connais que la confrontation et les cris. Faut croire que les chats ne font pas des chats.

« Va falloir songer à prendre des cours de défense et ne plus te ramener chez des inconnus en pleine nuit. Y'aura pas toujours quelqu'un pour te sauver. D'ailleurs il te voulait quoi ? »

C'est vrai, quoi. J'ai jamais su. Ils ont parlé d'un tueur en série, qu'il aurait déjà tué d'autres jeunes filles, jolies, avec des ressemblances physiques avec Kate. Mais devait bien y avoir autre chose, non ? Pourquoi l'avait-il choisi ? Comment ? Je suis pas expert mais parfois je regarde Esprits Criminels.

Les accusations d'Ethan étaient injustes et infondées, et pourtant Kate doutait de son implication dans le drame qui l'avait frappé... Bien sur, elle n'était pas responsable des agissements d'un psychopathe, mais le Kane avait raison sur un point : c'était bien les conséquences de son imprudence qui avaient causées le décès de son frère.
Sans la présence de la brune ce soir-là, rien de cela ne se serait produit... Il y aurait peut-être eu une autre fille, mais à un autre moment, à un autre endroit. Quelqu'un d'autre pour la secourir, ou pas. Kate serra les poings. Il n'était pas dans son caractère de se victimiser, et pourtant, elle était convaincue d'une chose, c'était qu'elle était contente que ce fut elle, malgré tout, qui ait eu à endurer cette épreuve, pour épargner une autre. Jamais elle n'aurait souhaité le malheur d'une inconnue potentielle pour se protéger, quoi qu'en pense Ethan. Elle était véritablement une bonne personne, même si elle faisait des erreurs plus que la moyenne, peut-être, à cause de son cœur un peu trop impulsif... Même si elle hésitait encore à se l'admettre complètement, et essayait tant bien que mal de rester sur ce qu'elle pensait être le bon chemin, sans être certaine de le mériter vraiment.

- Pour t'aider... Commença-t-elle à répondre, hésitante. Il était clair qu'il avait besoin d'aide, autant qu'il était évident qu'il ne l'avouerait jamais, voire même pourrait se fâcher de la suggestion. Kate avait un peu peur de sa réaction... Mais beaucoup moins qu'elle craignait la solitude, son malaise lorsqu'elle songeait à cette soirée, loin de la sécurité de sa présence. Ce que tu viens de m'apprendre... Je... Je voudrais que tu me laisses une chance de te remercier malgré tout. Vraiment.

C'était maladroit encore une fois, mais la jeune femme s'obstinait. Si elle n'avait pas eu cette détermination, elle n'aurait jamais ouvert son restaurant, et surmonté tous les obstacles qu'elle avait trouvé sur sa route jusqu'à présent. Encore une fois, et plus que jamais, elle espérant que sa persévérance payerait.
La question du musicien la prit au dépourvu. Il montrait un intérêt... Et même si la demande mettait Kate mal à l'aise, elle voyait cela comme un progrès notable, qu'il fallait saisir : il engageait la conversation, il ouvrait la possibilité d'un véritable dialogue, si dangereux qu'il soit.
Elle hésita à se rasseoir pour répondre, afin d'établir qu'elle comptait rester pour développer avec lui n'importe quelle interrogation qu'il puisse avoir... Elle tenait ardemment à le connaître, quoi que cela puisse signifier - elle sentait qu'elle avait besoin de lui, et avait l'intime intuition que ce sentiment était réciproque, même si Ethan le refoulait visiblement très bien. Peut-être cherchait-elle juste à s'en convaincre, parce que ce fait eut arrangé ses plans, tout simplement...

- Je ne crois pas qu'il me voulait quelque chose personnellement, articula doucement la propriétaire du Cookie Factory, en prenant une voix douce. Elle aurait pu répondre sur le même ton ironique que lui, en pointant du doigt l'écrasante vérité, qu'il avait voulu sa mort, tout bonnement, mais elle ne se le permit pas, de crainte d'attiser de nouveau le feu. Cela n'allait pas dans son intérêt. Aussi, elle serra les dents. J'étais là au mauvais endroit, au mauvais moment, j'imagine.

Ce contexte, quand à lui, avait une explication qu'elle se garda bien de lui donner... En tous les cas, elle ne s'était jamais vraiment posé la question d'une raison à son attaque... Son agresseur n'avait pas pu prévoir son coup, à moins de savoir qu'elle viendrait là ce soir-ci, et elle-même ne l'avait pas su, jusqu'à quelques heures avant, lorsqu'elle avait eu d'un ami l'information qu'elle redoutait de la tromperie d'Andrew en ce lieu. Se pourrait-il qu'on lui ait tendu un piège ? Jamais elle n'avait envisagé les choses ainsi.
Jamais la police n'avait fait de lien entre les victimes. Elle secoua la tête, inconsciente de réveiller ainsi d'autres soupçons chez son interlocuteur, qui devait guetter la moindre de ses expressions. Elle refusait d'y croire, pour la simple raison que cette théorie aurait impliqué trop de personnes, créée trop de méfiance... Elle avait déjà assez de mal à faire confiance désormais, pour en rajouter une couche.

- J'ai pas envie qu'on soit des inconnus, et c'est pour ça que je suis venue. C'est TOI qui m'a sauvé... Insista-t-elle, avec obstination enfantine, presque boudeuse. Ca a de l'importance pour moi... TU as de l'importance pour moi, quoique tu puisses en penser, ou vouloir.

Elle le fixait avec intensité maintenant, le mettant au défi de contredire ses paroles. Il pouvait certes ne pas partager son point de vue, mais il ne pouvait pas lui nier ses propres sentiments. La vie était étrange... Les personnes que l'on souhaitait garder s'en allaient, abandonnaient, alors que des inopportuns s'accrochaient. C'était dans la nature de beaucoup d'hommes de se languir de l'absence de ceux qu'ils ne pouvaient pas avoir, et de repousser ceux qui recherchaient avidement leur compagnie.

- Laisse-moi une chance, enchaina Kate rapidement, avant qu'il n'ait le temps de la jeter dehors. Un mois, pas plus, pour te montrer ma bonne foi. Je peux... Elle jeta un regard autour d'elle, à l'appartement qui semblait bien trop grand pour une seule personne. Loue-moi une chambre chez toi pour me donner l'opportunité de te faire changer d'avis, et en échange, je te payerai bien sûr un loyer, mais je ferai aussi le ménage et la cuisine... Je te promet que tu n'auras rien à y perdre. Si tu ne veux plus jamais me revoir ensuite, je disparaitrai.

C'était une proposition totalement farfelue, incongrue, mais Kate savait que si elle franchissait le seuil de la porte sans établir ce genre de contrat, il ne la laisserait surement plus jamais rentrer de nouveau. Il fallait qu'elle trouve un moyen radical de s'établir dans son quotidien. Et elle avait l'impression qu'Ethan serait plus sensible aux challenges et aux jeux, qu'à un harcèlement long et pénible.
Bien sur, elle s'attendait à devoir négocier, et attendit avec un regard légèrement provocateur qu'il considère cet accord. Forte de cette proximité s'il l'y autorisait, elle comptait bien mener l'enquête... Pour leur permettre de se rétablir, ensemble.

M’aider ? Elle en a de bonnes. Je vois pas ce qu’elle pourrait faire pour moi, sérieux. A part à manger parce qu’il faut avouer qu’elle cuisine bien. Pour ce qui est de la baise, j’ai un carnet d’adresse rempli, j’ai pas besoin d’une nana de plus. Même si elle est canon. Elle veut me remercier mais je ne lui demande rien. Pourquoi elle s’accroche comme ça ? Moi, ce que je veux savoir c’est pourquoi ? Pourquoi elle ? Pourquoi il l’a agressée dans ce putain de garage lors de cette putain de fête ? Elle n’en savait rien, peut-être rien juste qu’elle était là. Ça, j’avais du mal à y croire. Il l’avait forcément eue dans le collimateur, ça se trouve elle le connaissait. S’il prenait au hasard, il n’aurait pas été aussi déterminé à me le faire payer, pas vrai ? Je soupire. J’espérais en savoir plus sur lui, dans le fond j’ai envie de me venger moi aussi. Je m’en branle de faire de la taule si je peux tuer cet enfoiré.

Je suis sorti de mes pensées parce qu’elle dit ensuite. Je ne relève pas vraiment la tête, juste les yeux pour la regarder. Je l’ai sauvée et elle se prend pour le Maure dans Robin des bois ? Je ne suis pas Locksley. Je la fixe sans rien dire, je ne sais même pas quoi dire en fait. Elle est à bloc. Pas de doute que ça l’a retournée tout ça. Et dans le fond, je me dis que si elle en est là, chez moi, à me taper l’amitié c’est qu’elle doit se sentir bien seule. Il faut croire que je n’ai pas le cœur totalement en pierre. Même si ça m’emmerde. Je finis par rire en secouant la tête.

« J’suis pas contre de la bonne bouffe, mais te mêle pas de ma vie et fouille pas dans mes affaires. Et achète toi des boules kiès. »

J’imagine déjà sa tête pendant mes parties de jambes en l’air. Ou si je fais de la guitare à 4h du mat’ car je viens d’avoir une inspiration de folie.

« Mais t’emballe pas, 10 jours. »

A mon avis ça suffira pour qu’elle ai envie de rentrer chez elle en courant tellement je suis insupportable. J’ai une vie décousue en prime.

« Y’a un lit dans ce qui me sert de chambre d’amis. »

C’est la seule pièce fermée. Avec les chiottes et la salle de bain. Toutes les autres bah ce ne sont pas réellement des pièces vu qu’il n’y a aucune porte. Juste des paravents ou rideaux, parfois rien. C’est un loft, quoi. Pas un appart. Je sens que je vais regretter ce moment de faiblesse mais une partie de moi est curieuse de voir ce que ça va donner.

« Bon… je suppose que demain tu bosses et moi j’ai besoin de dormir. On… »

Parlera ? Se verra ?

« Tu veux que je t’accompagne ? »

Hein ? Kate ouvrit la bouche de stupeur, et la referma, comme une carpe. Là, il venait de lui couper le sifflet... Pour la faire taire, il suffisait donc de lui accorder ce qu'elle demandait... Elle le fixa un instant avec des yeux ronds comme des billes, qui allaient bien avec son expression générale, pour le moins perplexe. A vrai dire, elle était persuadée d'avoir mal entendu, ou alors il avait mal compris, ou il lui faisait une blague, se jouant encore d'elle... Elle attendit la chute, qui ne vint pas.
N'osant pas insister pour être sûre, de crainte que sa réclamation eut l'effet inverse de le faire se rétracter, elle se contenta d'hocher la tête, penaude, ne sachant sur quel pied danser.
Elle avait été persuadée qu'il l'enverrait une nouvelle fois balader, et s'était préparé déjà à lui répondre sur le même ton, à hausser la voix, à se battre encore... Elle desserra les poings qu'elle avait automatiquement gardé prêts, pour se donner du courage.
Un sourire soulagé se dessina finalement sur son visage, tandis que son corps se détendait enfin, pour la première fois de la soirée. Cette descente brutale de tension, inattendu, lui fit monter les larmes aux yeux, et elle dut prendre une profonde inspiration pour lui répondre sans craquer.

- Je comprends, approuva-t-elle, sans vraiment évaluer la portée de ses mots. Non, elle ne comprenait pas, elle était même complètement dans le brouillard, tant et si bien qu'elle n'avait même pas saisi l'utilité des boules kiès. A ce stade, elle aurait juste accepté n'importe quoi... Dans la limite de l'éthique, bien sûr. J'irai faire les courses demain matin.

Elle pensait maintenant à voix haute, confirmant le fait qu'elle allait prendre en charge la cuisine complètement... Elle n'envisageait même pas les choses autrement : d'après ce qu'elle avait vu, il avait besoin d'elle de ce côté-là plus qu'il ne pouvait l'imaginer. Elle ne lui en aurait jamais fait la remarque cependant, car elle était bien trop polie pour se permettre de juger qui que ce soit. Néanmoins, tant qu'à vivre ensemble, elle voulait lui apporter ses connaissances en lui rendant la vie plus agréable, afin qu'il lui autorise d'autres faveurs... Comme une véritable discussion à cœur ouvert, ou de l'aide dans son enquête sur leur agresseur. Car mine de rien et quoi qu'il puisse en penser, ils étaient dans le même bateau, et une nouvelle tempête les guettait... S'ils n'avaient pas appris à travailler en équipe le jour où le destin frapperait, il y avait de grandes chances qu'ils ne s'en sortent pas.

- M'accompagner ? Répéta Kate, pas sûre de comprendre. Tenait-il à l'amener à son lit ? A son travail le lendemain ? Décidément, le trop plein d'émotion avait embrouillé son esprit, et la jeune femme ne savait plus trop où elle en était. Elle n'avait d'ailleurs rien pris, en terme d'affaires, pour passer la nuit dans cet appartement... L'idée lui était venue plus tard, une véritable improvisation. Je devrais m'en sortir, merci, Ethan.

Sa voix était plus sérieuse et posée. Elle appréciait de voir que le jeune homme s'était lui aussi adouci... Même si ce changement d'attitude la perturbait un peu, car il le rendait plus accessible, en quelques sortes. Et cette proximité avait quelque chose d'effrayant, car le lien qui les unissait était malgré eux plus fort qu'entre n'importe quels autres inconnus.
Que dire de plus ? La Butler tombait de fatigue, et elle soutenait néanmoins son regard, intense. Lui aussi semblait attendre... Après quelques secondes gênantes, Kate se décida finalement à lui prouver qu'elle pouvait se débrouiller en ramassant la vaisselle, débarrassant la table, pour se diriger en clopinant vers la cuisine - son nouveau territoire.

~ CLOS ~